La Chronique Agora

De lois idiotes en lois correctives, tout s’enlise 

lois

Fin 2015 au Brésil, un avocat, Vinicios Leoncio, cherchant à dénoncer le casse-tête fiscal de son pays, s’est lancé un défi de taille : réunir dans un seul ouvrage tous les textes codifiant la loi fiscale brésilienne. Le résultat est stupéfiant : un ouvrage de 43 216 pages pesant 7 200 kg.

Dans ces temps d’élections hexagonales, les propositions des candidats à la magistrature suprême fleurissent comme les primevères au printemps. Ces propositions – du moins celles de celui (ou celle) qui sera élu – iront alimenter prochainement l’immense bibliothèque des lois françaises dont personne n’a été en mesure de faire le compte exact.

Le Code général des impôts pèse déjà bien lourd — et c’est sans parler des nombreux autres. D’ailleurs savez-vous de combien de codes notre arsenal juridique est constitué ?

La France riche d’au moins 68 codes

Si j’en crois le rapide recensement que j’ai effectué grâce à un moteur de recherche, il y aurait au moins 68 codes régissant notre vie de Français.

Personne, à ma connaissance, ne s’est amusé en France à compiler ce bel ensemble pour en apprécier le volume.

Un problème surgit ? Une loi s’écrit !

Faire une loi, et – suprême reconnaissance – lui accoler son nom pour la postérité, semble être devenu un véritable sport pour les législateurs. Un problème surgit, une loi s’écrit. Néanmoins, rédigée sous le coup de l’émotion ou la pression des médias, la cohérence y fait souvent défaut. Qu’importe dans ce cas, une nouvelle loi viendra corriger l’ancienne.

Un exemple ?

En novembre 2014, je commentais pour mes abonnés une disposition concernant les rachats de métaux précieux introduite, parmi tant d’autres, dans la loi consommation ou loi Hamon. J’annonçais la couleur en commentant ainsi :

« Encore une fois, voilà une loi qui vient se substituer au bon sens du citoyen. Il semble en effet que sans l’encadrement de la loi, beaucoup de consommateurs seraient incapables de comparer, de choisir ou de flairer les arnaques. Cette loi vient donc s’ajouter aux milliers de textes et de dispositions diverses qui, jour après jour, font du citoyen une sorte de zombie assisté, se laissant guider dès ses premiers pas dans les rails que l’Etat lui a tracés, encadrant ainsi dans les moindres détails toutes les activités de sa vie quotidienne. »

Cette loi institue la mise en place d’un contrat et d’un délai de rétraction au bénéfice des particuliers souhaitant vendre des métaux précieux.

Protéger le particulier vendeur de métaux précieux par un contrat et un délai de rétractation

Dans cette situation, le particulier vendeur n’est plus « consommateur » puisqu’il est offreur de biens à la vente. Néanmoins le législateur a tenu à le « protéger » (sans doute de son ignorance) vis-à-vis des acheteurs.

Ainsi la loi impose qu’un contrat formel soit passé entre les parties, sous la responsabilité de l’acheteur professionnel.

« Toute opération d’achat de métaux précieux, notamment d’or, d’argent ou de platine, sous quelque forme que ce soit, par un professionnel auprès d’un consommateur fait l’objet d’un contrat écrit dont un exemplaire est remis au consommateur-vendeur au moment de sa conclusion. »

En outre le législateur a prévu que le particulier vendant ses bijoux puisse avoir un remord de dernière minute. Il a donc introduit dans le Code de la consommation cette protection :

« Le consommateur dispose d’un délai de vingt-quatre heures à compter de la signature du contrat pour exercer son droit de rétractation, sans avoir à justifier de motifs ni à payer de pénalités. L’exécution des obligations contractuelles incombant aux parties est suspendue jusqu’à l’expiration de ce délai de rétractation. »

Ce droit de rétractation ne s’applique pas aux opérations d’or investissement.

Cette disposition, le contrat avec délai de rétraction, imposait en outre que les professionnels refusent de conserver les biens que les particuliers souhaitaient vendre jusqu’à l’échéance du délai de rétraction, quand bien même le particulier aurait accepté la vente en l’état. Il fallait donc qu’un aller-retour supplémentaire au terme du délai soit effectué au magasin acheteur pour finaliser la vente. Pour les acheteurs professionnels par correspondance, ceux-ci devaient obligatoirement retourner les biens après évaluation pour éventuellement les recevoir à nouveau après l’échéance du délai de rétraction si le particulier vendeur acceptait l’offre. Un vrai casse-tête !

A l’époque j’avais alerté plusieurs professionnels. Dès la mise en oeuvre de la loi, la profession – découvrant les contraintes qui lui étaient imposées – s’interrogeait. Les embrouilles avec la DGCCRF ne manquaient pas de se multiplier. Les professionnels prenant enfin conscience de l’importance du problème saisissaient législateurs et administration. Trois ans plus tard, les choses évoluent. Enfin !

Un correctif tardif

Depuis le 21 février 2017, l’article L224-99 du Code de la consommation porte à 48 heures le délai de rétraction et autorise les professionnels acheteurs à conserver les biens et à verser au particulier vendeur la somme arrêtée pour la transaction. Néanmoins, si le droit de rétractation était exercé avant l’échéance du délai, le vendeur serait tenu de rembourser la somme perçue et le professionnel de rendre les biens en question.

Il aura donc fallu une nouvelle loi et trois années pour corriger une disposition idiote introduite par une députée cherchant à flatter un électorat et à ajouter à son tableau de chasse une proposition de loi sans se préoccuper de ses effets ni de la cohérence de celle-ci avec l’existant.
[NDLR : Yannick Colleu répond à toutes les questions pratiques des acheteurs (et vendeurs) d’or et d’argent physiques, même les plus confidentielles. Comment profiter des conseils exclusifs de Yannick ? Abonnez-vous ici.]

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