La Chronique Agora

Et si la nouvelle loi Biodiversité était faite pour vous ?

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Les investisseurs forestiers et ruraux pourraient bénéficier d’une nouvelle loi qui institue une « compensation écologique », source d’abattement d’impôt.

Les propriétaires forestiers et de terres agricoles bénéficient déjà d’une décote sur la valeur de 75% pour la transmission (1). Cet abattement aux trois-quarts est également prévu en ce qui concerne l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI) qui s’est substitué à l’ISF (2). Avec la loi Biodiversité qui institue la compensation écologique, une optimisation fiscale permettra une décote supplémentaire pour les transmissions par succession.

La loi Biodiversité : une contrainte pour les aménageurs et grands constructeurs…

La loi du 8 août 2016 (n°2016-1087) portant Reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a substantiellement modifié le Code de l’environnement (3). Désormais, les aménageurs publics ou privés d’équipements sont soumis à une obligation de compensation écologique lorsqu’ils touchent à l’environnement.

Autrement dit, les dégâts occasionnés par ces chantiers doivent être impérativement réparés à minima à concurrence de leur importance, ailleurs, en zone rurale.

La loi souhaite même qu’il y ait un gain écologique.

En effet, la construction de nouvelles autoroutes, de grandes zones industrielles, logistiques ou commerciales, etc. que l’on voit fleurir un peu partout concourent à ce que l’on appelle l’artificialisation des terres. Tous les 15 ans, c’est en moyenne l’équivalent d’un petit département français de terrains agricoles et forestiers qui disparaît !

Un nouveau métier : opérateur de compensation écologique

La compensation obligatoire prend la forme d’une convention entre l’aménageur (maître d’ouvrage) et un opérateur de compensation écologique. Ce dernier a la charge de recruter des propriétaires de biens ruraux prêts à s’engager (avec rétribution évidemment !) à protéger sur le long terme tel ou tel thème environnemental.

Il peut s’agir d’un biotope, d’une espèce végétale ou animale (même un insecte) particulière, etc. Ou bien encore de recréer des haies, voire de favoriser un couvert végétal, de privilégier un mode cultural plutôt qu’un autre, etc.

Même si cela ressemble à un inventaire à la Prévert, en réalité la nature de la compensation est élaborée par des scientifiques de haut niveau ! En théorie, les aménageurs peuvent aussi pratiquer des achats directs de biens ruraux, mais il est évident que ces acteurs passeront par un opérateur de compensation et préfèreront s’engager avec ces nouveaux ‘certificats » écologiques.

Un nouvel instrument juridique : les ORE

La convention entre le propriétaire du bien rural et l’opérateur prend la forme d’une Obligation réelle environnementale (ORE). Laquelle fait l’objet d’un acte authentique – devant notaire donc. Le contrat est « gravé dans le marbre » puisqu’il est publié au Fichier immobilier du Centre des finances publiques (CFiP).

Il ne s’agit pas d’une servitude, mais d’un engagement pérenne portant sur des décennies sans pour autant dépasser 99 ans (4). Par principe, le contrat est de droit privé mais par exception il peut revêtir le caractère d’un contrat administratif si l’aménageur est public (Etat ou collectivité) agissant dans le cadre d’un projet d’intérêt général.

Première incitation fiscale et non des moindres : cet engagement dispose d’une exonération totale de droits d’Enregistrement (5).

Actuellement, il n’existe dans notre pays qu’un seul opérateur de compensation écologique : l’incontournable Caisse des dépôts & consignations (CDC) avec sa filiale dédiée, CDC Biodiversité.

Néanmoins, il ne s’agit que d’un monopole de fait, puisque le secteur a été d’emblée libéralisé : l’entrée sur le marché d’opérateurs privés est libre. Nous devrions donc assister dans les années à venir à l’irruption de nouveaux acteurs et donc à une concurrence qui ne peut être que salutaire pour les propriétaires de biens ruraux…

En revanche, le principe de la compensation écologique n’a pas été conçu comme interopérable à l’échelle européenne. La raison de cette limitation franco-française est simple : si des compensations pouvaient s’opérer à des milliers de kilomètres, le risque serait grand de voir certaines régions françaises dévastées par de nouveaux équipements, au motif qu’on les compense écologiquement par exemple au fin fond de la Pologne ou de la Roumanie !

Une convention justifiant une décote supplémentaire sur la valeur vénale du bien

Il est clair qu’une ORE grève le bien qui en est l’objet puisqu’elle restreint le droit de propriété et cette restriction se transmet de propriétaire en propriétaire jusqu’à son extinction stipulée et publiée au Fichier immobilier.

Cette limitation justifie l’application d’une décote mais à mon sens en tenant compte de certaines subtilités du Droit fiscal…

Pour justifier l’application d’abattement sur la valeur vénale, il faut distinguer entre sujétions choisies et sujétions subies car le traitement fiscal est différent.

Prenons l’exemple d’une donation entre vifs. C’est une restriction du droit de propriété que le donateur prend librement à sa propre encontre. Il ne peut donc profiter d’un abattement. Idem pour le nouvel IFI. La jurisprudence est très claire à ce sujet. La Cour de cassation a également écarté l’abattement que les assujettis tentaient de motiver par la signature la convention d’indivision. Autrement dit, si vous vous passez la corde autour du cou, n’espérez pas de décote (6).

Sujétions subies

S’il y a une situation subie, la jurisprudence considère que l’évaluation de l’immeuble doit intégrer une contrainte sur le bien (7).

Ainsi, la charge écologique grevant le bien d’un héritier ou d’un légataire du fait de l’inscription d’une ORE antérieure au décès introduit une décote supplémentaire à celle déjà prévue pour les biens forestiers et ruraux. Dans ce cas de figure, c’est l’auteur qui, indépendamment de la volonté personnelle de son successeur, a contracté et généré la sujétion. L’ORE ne s’éteignant qu’à un terme calendaire précis et non au décès de l’auteur, celle-ci va bien continuer à peser sur le successeur.

Alors me direz-vous, quelle décote ?

Comme pour toutes les décotes en la matière, le -10% est consensuel, tandis que le -20% devient plus risqué ! D’autant que cette classe d’actifs profitant déjà d’un abattement légal des trois-quarts, en appliquant 20% de mieux, cela reviendrait à ne plus avoir qu’une assiette taxable de… 5% aux droits de mutation à titre gratuit (DMTG).

Certes, ce chiffre frôlant les 100% d’abattement doit déjà en allécher plus d’un… « Jusqu’où ne pas aller trop loin » comme prévenait le professeur Cozian, grand fiscaliste disparu et éminent spécialiste du patrimoine : cette citation malicieuse doit guider vos pas !
[NDLR : Si cette perspective fait naître en vous une vocation de propriétaire forestier, n’hésitez pas à vous procure notre Rapport qui vous dit quoi acheter, comment estimer, acquérir et gérer ce type de biens. Tout est expliqué dans notre Rapport Enracinez votre patrimoine, disponible ici.]

  1. codifiée à l’article 793, 1-3° et 793, 2-2° du Code général des impôts (CGI)
  2. au nouvel article 976, I et II-2nd alinéa du CGI
  3. plus précisément l’article L.163-1
  4. suivant la loi contre les perpétuités (article 1210 du Code civil)
  5. article 662 du CGI) et de taxe de publicité foncière (article 663 du CGI)
  6. Voir à ce sujet, deux arrêts de la Cour de cassation : 3 juin 2014 (n°13-18.180) et 20 mars 2007 (numéro 05‐17.139)…
  7. Dans l’arrêt Fleury du 13 février 1996 (n°93-20.878), la Haute juridiction cassait et annulait un arrêt du Tribunal de grande instance (TGI) de Créteil (22 juillet 1993) qui avait refusé de prendre en considération la diminution de l’étendue du droit de propriété d’un immeuble qui faisait l’objet d’une occupation imposée au propriétaire…

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