La Chronique Agora

La logique aristotélicienne appliquée aux banques centrales

▪ Le Dow continue de grimper. Il a exploré de nouveaux territoires la semaine dernière — de nouveaux records. L’or n’a rien fait.

Que faut-il en penser ? Soyez prudent, cher lecteur. Nous avons là le marché le plus manipulé de l’histoire. Il pourrait grimper beaucoup plus haut. Mais on ne peut pas lui faire confiance.

Avons-nous terminé d’expliquer comment tourne le monde ?

Probablement pas. Nous avons probablement oublié de l’expliquer. Ou oublié comment il fonctionne.

Nous avons abordé la question durant une longue promenade sur la plage.

« Tu n’es quand même pas en train de remettre en question l’importance de la logique aristotélicienne ? » nous a demandé Elizabeth.

« Non. Elle est très utile pour aborder les problèmes d’une manière logique et rationnelle. Mais si on a un voisin qui fait du bruit tard dans la nuit, il faut utiliser autre chose que simplement la pensée logique et rationnelle. Il faut utiliser son cerveau. La logique dira qu’il faut faire quelque chose pour éteindre la musique. C’est un problème simple. On peut le résoudre de plusieurs manières. Même un robot pourrait le résoudre. Appeler la police… entrer dans la maison de son voisin et éteindre soi-même la musique, ou peut-être juste demander au voisin de le faire ».

« Toutes ces solutions pourraient fonctionner. Logiquement, on sélectionnera celle qui implique le moins de dépense d’énergie de notre part avec les plus grandes probabilités de succès. Ce pourrait être aussi simple que sortir un fusil et tirer sur la boîte à fusibles de son voisin. Ou peut-être sur le voisin lui-même, de manière à éliminer le problème de manière permanente ».

« Est-ce une bonne idée ? Logiquement, la réponse est ‘peut-être’. Parce qu’on n’en sait pas beaucoup plus sur l’avenir. Et puisqu’on ne sait pas ce qui va se passer — personne ne le sait — la décision devrait être basée, logiquement, uniquement sur ce qu’on sait… à savoir que le bruit va cesser ».

« C’est là qu’il faut utiliser sa tête. Nous suivons des règles qui ne sont pas nécessairement logiques mais qui rendent la civilisation possible. ‘Tu ne tireras pas sur la boîte à fusibles de ton voisin’ n’est pas forcément logique. Mais c’est néanmoins une indication utile pour ce qui concerne les questions de réduction de bruit ».

Ces règles ont évolué sur une longue période de temps… chacune distillée à partir de l’élixir fécond des erreurs, corrections et expériences des nombreuses générations qui nous ont précédé. Nous les ignorons à nos risques et périls.

« Mais on peut parfaitement incorporer les leçons de l’histoire à l’analyse rationnelle », a rétorqué la moitié la plus sage du ménage Bonner. « Inutile de se fier à un quelconque ‘tu ne feras point ci ou ça’. On peut simplement approfondir sa réflexion ».

▪ Appliquons ce raisonnement à autre chose…
Nous n’avons pas répondu. La plupart des gens penseront qu’Elizabeth a raison. On peut approfondir la réflexion. On voit une peau de banane sur son seuil… et on peut voir arriver un procès pour accident. On retire la peau de banane… et on a probablement construit un avenir meilleur.

Mais de nombreuses choses ne permettent tout simplement pas une analyse aussi simple. Nous avons probablement choisi un mauvais exemple, parce qu’en ce qui concerne un voisin bruyant, on peut raisonnablement connaître ce qui se passe.

« Tu ne largueras pas d’argent par hélicoptère » est probablement un meilleur interdit. Il n’est pas logique ; nous ne savons pas exactement quelle issue produirait un tel geste. Logiquement — ou au moins pseudo-logiquement — si les gens n’ont pas assez d’argent, il semble sensé de leur en donner.

Les banquiers considèrent ça comme une règle — la sagesse du secteur bancaire… qui a évolué par le biais de nombreuses tentatives et erreurs au cours des siècles. A de nombreuses reprises, les autorités ont essayé d’imprimer de l’argent. Jamais cela n’a rien produit d’autre que des malheurs.

On pourrait trouver une règle similaire sur les marchés boursiers. « Achetez au plus bas, vendez au plus haut ». C’est une règle… qui s’appuie sur une longue expérience et de cuisants incidents de parcours. C’est illogique, dans le sens où on ne peut jamais savoir. Pour autant que nous en sachions, le marché boursier pourrait aller encore plus haut.

Selon les travaux universitaires les plus sérieux, on ne sait jamais si les prix grimpent ou baissent. Quand ils grimpent, on subit une pression émotionnelle énorme : on est tenté d’entrer sur les marchés… on ne veut pas manquer le coche. Mais la règle nous dit de faire autre chose.

Est-ce qu’obéir la règle nous protègera des pertes ? Nous n’en savons rien. Si nous pouvions le savoir, nous n’aurions pas besoin d’une telle règle.

Ce n’est pas que la logique aristotélicienne n’est pas utile. Ce n’est pas non plus qu’on peut construire un pont avec des astuces de grand’mère. On ne le peut pas. Mais chacune a ses propres limites. N’essayez pas de faire la cour à votre fiancée avec de la logique. Et n’essayez pas d’aller sur la lune avec juste de l’instinct et de l’intuition.

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