** Gustav n’a certes pas emporté les digues de la Nouvelle-Orléans mais il ne s’est pas contenté de lessiver les sols du delta du Mississipi ! Demandez leur avis aux spéculateurs qui avaient parié sur un scénario catastrophe, largement entretenu par les autorités fédérales et la quasi-totalité des médias — exception faite des portails d’information météorologiques qui ont très vite rétrogradé le septième cyclone de la saison en tempête tropicale.
Pas de chance vraiment pour ceux qui avaient payé le baril plus de 118 $ vendredi dernier peu avant la clôture du Nymex. En effet, le pont de la Fête du travail et la clôture des marchés américains lundi les ont privé de la possibilité de déboucler à temps leurs positions, sinon en passant par Londres, ce qui occasionne des frais supplémentaires.
Ceux qui sont restés long ont encaissé une perte maximum à la réouverture du Mercantile Exchange de New York (-12 $). Il s’agit même d’un écart historique à la baisse sur des contrats adossés au pétrole, le baril revenant tester des niveaux correspondant à l’ex-zénith historique de mi-mars dernier.
Une chute de 10% en 48 heures, c’est sans précédent depuis au moins 25 ans… Au-delà, nous ne nous rappelons plus, mais c’était un autre siècle et un tout autre monde. S’il fallait attribuer une note d’intensité en s’inspirant de l’échelle de notation des cyclones, c’est un véritable Katrina — ou un Andrew — qui a dévasté les portefeuilles des acheteurs de contrats à terme de type call.
Mais le malheur des uns a fait le bonheur du plus grand nombre — et nous pensons en premier lieu aux habitants de la Nouvelle-Orléans, qui retrouveront leurs maisons pratiquement intactes, sauf celles situées à proximité d’une petite brèche au nord de la ville… mais de puissantes pompes sont déjà entrées en action. Wall Street en profite pour rattraper le terrain perdu vendredi suite à une vague d’allègements de précaution.
** Avec ce dénouement heureux, l’optimisme a rapidement traversé l’Atlantique. Le CAC 40 a brièvement refranchi les 4 550 points vers 15h45, dans le sillage d’un Dow Jones qui s’envolait de 2% au cours des premiers échanges.
Mais la divine surprise du plongeon initial du baril jusque vers un plancher de 105,5 $, un niveau correspondant à l’ex-zénith historique de mi-mars dernier, ne parvenait pas à occulter la déception occasionnée par la publication de l’indice ISM manufacturier. Il s’est tassé à 49,9 le mois dernier, contre 50 en juillet, alors que les économistes l’anticipaient en moyenne à 50,4 au mois d’août.
En décortiquant le chiffre de l’ISM, les économistes ont même remarqué que les sous-indices de l’emploi et de la production ont fléchi respectivement de 2,2 et 0,8 points. Celui des nouvelles commandes a par contre augmenté de 3,3 points… mais nous avons déjà attiré votre attention sur le phénomène de restockage consécutif au pic de consommation des mois d’avril et de mai, qui ne peut que s’avérer ponctuel.
A la mi-séance, le Dow Jones avait effacé plus de la moitié de ses gains et le Nasdaq parvenait tout juste à préserver un score d’équilibre. D’autres chiffres confirment que la croissance américaine ne tient qu’à un fil… ou plutôt à la planche à billets que le Congrès fait fonctionner à plein régime en votant 140 milliards de dollars de remboursements fiscaux, 300 milliards de dollars de soutien au logement, plus une belle rallonge de 60 milliards de dollars pour les guerres impériales en cours.
En dépit d’efforts budgétaires colossaux — à fonds perdus — destinés à éviter la faillite de Freddie Mac et de Fannie Mae, en dépit aussi du discret renflouement de certains états de l’Union en situation de banqueroute — il faut bien venir en aide aux millions de sans-abris –, l’embellie tant attendue n’est pas encore d’actualité dans le secteur immobilier. Les dépenses de construction reculaient en effet de 0,6% sur le territoire américain au mois de juillet.
Cela n’empêche pas l’OCDE de se montrer, à l’occasion de sa toute dernière étude publiée mardi matin, plus optimiste au sujet des Etats-Unis et plus sévère au sujet de l’Europe. Il s’agit d’un véritable satisfecit accordé aux "rois de la triche", ceux qui ne s’interdisent aucun expédient ni aucun travestissement de la réalité statistique.
L’OCDE concède cependant que "la tempête sur les marchés de capitaux, le repli des marchés immobiliers et la cherté des matières premières continuent de peser sur la croissance mondiale, tout en évoluant rapidement". Non seulement elle ne désigne pas les coupables du gâchis qu’elle met en relief mais elle se réjouit de la "capacité de rebond de l’économie américaine". L’OCDE a même rehaussé ses prévisions de croissance aux Etats-Unis à 1,8% contre 1,2%. Après les mirobolants 3,3% de progression du PIB au deuxième trimestre, le rythme devrait se ralentir à 0,9% au troisième trimestre puis à 0,7% au quatrième.
En revanche, pour le Japon, qui est en pleine crise politique après la démission surprise du premier ministre lundi, et la Zone euro, plombée par des taux à 4,25%, les perspectives anticipées par l’OCDE sont loin d’être réjouissantes.
La croissance nippone a été révisée en baisse à 1,2% contre 1,7% (en juin) et celle de la Zone euro à 1,3% après 1,7% lors du dernier bulletin.
** Le plus mauvais élève de la classe devrait être la France avec une croissance de 1% cette année — François Fillon s’est aligné… avec 48 heures d’avance — contre 1,8% précédemment, et une prévision médiane de 2% lors du vote du budget l’an dernier par le Parlement.
L’Hexagone devrait toutefois échapper à la récession puisque, après avoir enregistré une contraction de son PIB (-1,2% au deuxième trimestre), celui-ci devrait croître de 0,2% au troisième et de 0,6% au quatrième trimestre 2008.
En d’autres circonstances pas si lointaines — souvenez-vous de la déprime de la mi-juillet –, de tels pronostics auraient pu assombrir bien davantage l’ambiance boursière, mais mardi, la variable pétrole primait sur toute autre considération. Et l’espoir d’un assagissement de l’inflation, qui pourrait inciter la BCE à réduire son taux directeur à 4% d’ici fin 2008, devrait entretenir un courant acheteur qui faisait défaut fin août.
Les places européennes devraient conserver une orientation très favorable au cours des prochaines séances. L’Euro Stoxx 50 gagnait hier 1,5%, avec à la clé le débordement du palier des 3 410 points sous lequel il avait ricoché trois semaines auparavant.
A Paris, le franchissement de la résistance des 4 540/4 545 points (testée autour du 11 août) n’est pas encore assuré mais, avec la progression du dollar au-delà des 1,45 euro, tous les espoirs restent permis. Nous sommes donc plus que jamais enclin à privilégier notre scénario d’un troisième mouvement haussier (depuis le plancher de la mi-juillet) avec le retracement potentiel des 4 630 points (MM100) puis des 4 700 points d’ici la mi-septembre.
Philippe Béchade,
Paris