La Chronique Agora

Liquidation totale

Dan Denning : Je sais que c’est fou… mais je viens d’écrire le brouillon de ma prochaine lettre d’information… en conseillant aux lecteurs de liquider toutes leurs positions boursières et d’opter pour les liquidités. Si vous pensez que c’est fou ou juste stupide, inutile de poursuivre votre lecture.

Je voulais voir si une lettre conseillant aux gens de tout vendre maintenant avait un petit air de panique… si cela semblait raisonnable… ou si cela restait sensé/logique une fois envisagés tous les risques, coûts et objections. Ce pourrait également être d’une stupidité monumentale.

Mais je n’en suis toujours pas certain. J’ai donc fait une liste de raisons pour et de raisons contre la liquidation de toutes les positions boursières, pour investir dans les liquidités.

Voyez-vous quelque chose que j’aurais manqué ? Qu’en pensez-vous ? Y a-t-il des exceptions ?

Les raisons contre :
1) Les précédents : même si les valeurs peuvent stagner pendant des années, elles ont généralement grimpé au cours du temps.
2) Les émotions : des décisions influencées par un sentiment de crainte de plus en plus présent, et non une estimation calme des probabilités et des risques.
3) Les coûts de transaction : entre les taxes, les frais et les pertes d’opportunités, ce conseil pourrait être douloureusement malavisé.
4) Le manque de preuves : nous n’avons aucune preuve qu’une perturbation des marchés du crédit, même majeure, mettra les actions entièrement à genoux, menant à des ventes forcées et à une baisse des cours.
5) Les réactions gouvernementales (fiscales ET monétaires) : elles n’ont pas vraiment atteint leur pleine vitesse. Elles pourraient fonctionner, ou pas. Mais les gouvernements essaieront de faire plus lorsqu’ils pensent qu’ils le doivent.

Les raisons pour :
1) Les preuves de marchés illiquides.Le tumulte d’août a pris de court les emprunteurs ayant fait jouer l’effet de levier. Mais il a également précipité quelque chose de plus grand. Il serait stupide d’ignorer ce signe.
2) Le marché du "papier" commercial est sec. Si les entreprises ne peuvent plus emprunter en utilisant des actifs titrisés en guise de nantissement, elles seront elles aussi forcées de liquider des actifs pour obtenir des fonds… ou de réduire radicalement leurs coûts (en licenciant).
3) La liquidation des positions utilisant l’effet de levier. Ces opérations se produisent dans une discrétion aussi totale que désespérée — dans une tentative de le faire de manière ordonnée… c’est-à-dire de vendre sans causer de panique.
4) Les ventes des hedge funds. Ils doivent lever des fonds en vendant des actifs. Plus de vendeurs, moins d’acheteurs.
5) Les refus des hedge funds. Les fonds refusent de restituer l’argent de leurs clients en invoquant leur incapacité à valoriser les actifs… pour lesquels il n’y a pas de marché… et donc pas de prix (valeur zéro, dans les faits).
6) Les interventions des banques centrales.Les banques centrales sont déjà enlisées jusqu’aux genoux, ce qui démontre que nous avons dépassé le stade de la théorie. De mauvaises manœuvres, des manœuvres erronées, toute manœuvre diminuant la confiance des marchés dans les banquiers ou dans les banques peuvent déclencher de nouvelles ventes.
7) Rien ne vaut la peine d’être acheté, ni même détenu, avec le niveau de risque et la volatilité actuels. Les actions ne vont pas remonter de 30% à partir de maintenant. Vous pourriez donc racheter en décembre au même prix, ou à peu près.

Est-ce que je m’inquiète pour rien ? Nos lecteurs sont-ils aussi effrayés que moi, au point de prendre une telle décision ? C’est la première fois, durant mes dix années de carrière, que je m’inquiète autant.

Durant toutes les autres mini-crises, je pensais qu’il y avait des choses valant la peine d’être achetées, d’autres classes d’actif corrélées négativement à "l’accident" que je pensais voir arriver. Mais si la bulle du crédit se dégonfle bel et bien (un peu comme le Hindenburg), la meilleure solution est encore de garder les pieds fermement sur terre, avec du cash en poche.

Chris Mayer, rédacteur en chef de Capital & Crisis : Dan, je ne sais pas, je suis un investisseur de long terme… j’ai donc du mal à envisager ce genre de placement uniquement en liquidités. De toute façon, il faut toujours avoir des favoris dont vous pensez que, quelques années plus tard, ils vaudront bien plus qu’aujourd’hui.

Autre chose : imagine qu’on mette ça en place et qu’il ne se passe rien d’ici décembre… voire que le marché grimpe un brin. Que faire ensuite ?

La liquidation complète, c’est comme de tout parier à la roulette… Pourquoi ?

John Forde, penseur macroéconomique sans portefeuille : Dan, je pense que le courage nécessaire pour appliquer cette stratégie est intéressant, tout comme l’ampleur de l’opération. Mais en fin de compte, je suis d’accord avec Chris ; n’y a-t-il vraiment aucune position qui en vaille la peine ?

Même les membres les plus baissiers de notre groupe parlent généralement d’un déclin long et lent… Alors peut-être que sortir des actions US est une bonne idée. Mais il y a bien d’autres choses intéressantes, une fois qu’on regarde ailleurs.

Et une bonne partie se trouve probablement chez toi, Dan. En Australie.

Byron King, rédacteur de Outstanding Investments: Dan, tu dis que "rien ne vaut la peine d’être acheté, ni même possédé, étant donné le niveau de risque et la volatilité". D’accord, il y a de grands risques, dans le monde…

Mais la planète a déjà brûlé son pétrole à 40 $… son pétrole à 50 $… et peut-être son pétrole à 60 $. Achèterais-tu un pétrolier plein de brut, à destination de Shanghai, à 70 $ ? N’en vaudra-t-il plus que 65 $ lorsque le navire arrivera au port ? Ou bien vaudra-t-il 75 $ d’ici décembre, voire 85 $ après une tempête ou deux ?

Liquider toutes ses positions, cela revient à dire que les idées que vous trouviez si géniales il y a quelques mois de ça ne sont plus si géniales.

Et vous, cher lecteur, qu’en pensez-vous ? Trouvez-vous, comme Dan, que le moment est venu d’abandonner le navire boursier… ou bien explorez-vous d’autres pistes ? Envoyez-nous vos idées à contacteznous@publications-agora.fr!

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