▪ « Les investisseurs commencent à s’inquiéter devant le renouveau des menaces de stagflation », titrait le Financial Times hier.
Rappelez-vous la stagflation, dans les années 70 : les prix ont grimpé, pas l’économie.
On dirait qu’il se passe la même chose actuellement — grâce aux autorités.
L’économie est prise entre une force implacable d’un côté et un objet fixe de l’autre. Entre une grande correction… et l’impression monétaire. La déflation et l’inflation.
« Ne luttez pas contre la Fed », disent les vétérans des marchés. L’argent facile de la Fed stimule les prix partout dans le monde. Mais pas tous les prix — du moins pas en Occident. En revanche, les prix des produits cotés — comme l’alimentation et l’énergie… et les actions… grimpent rapidement. L’action américaine standard a grimpé de 100% au cours des deux dernières années.
Parallèlement, le secteur privé est au beau milieu d’une Grande Correction. Il a heurté un mur durant la crise de 2007-2009. Il veut — et doit — dessaouler, se dégriser, faire une cure de désintoxication… se débarrasser de ses dettes et corriger ses erreurs.
Un article de l’International Herald Tribune soulignait l’un des effets de ce processus :
« Mis à mal par la récession, les Américains adoptent une nouvelle frugalité »…
« Les voitures, les téléphones et les vêtements, autrefois facilement jetés, sont utilisés plus longtemps »…
L’humeur générale est en train de changer… elle évolue avec l’économie. Le lumpen consommateur n’est plus le panier percé qu’il était autrefois. Parce qu’il n’est plus du tout convaincu qu’il est en train de s’enrichir. Le prix de sa maison baisse. Son emploi, quand il en a un, ne lui donne plus l’espoir de voir son salaire augmenter.
Tandis que les autorités gonflent les prix partout dans le monde, en Occident, le citoyen moyen ne peut plus suivre. Les prix des produits et des services locaux chutent parce qu’il ralentit sa consommation.
Les prix qui dépendent des marchés mondiaux et de l’énergie grimpent en revanche rapidement.
Résultat : la force irrésistible de l’impression monétaire de la Fed se heurte au mur de la Grande Correction…
… Suite à cette collision, les débris volent en tous sens… nous donnant un tableau mitigé et déconcertant qui ressemble de près à de la stagflation.
▪ Quelques distorsions rendent l’image encore plus difficile à voir.
Les autorités réfractent les prix au moyen de leur propre verre courbe. Elles filtrent les choses qui grimpent — l’alimentation et l’énergie. Puis elles publient un chiffre de l’inflation « centrale » et se congratulent devant cette structure de prix constante et apparemment stable.
Bien entendu, en réalité, elles ne montrent qu’une partie du tableau. En enlevant les principaux composants, les autorités agrandissent nécessairement ceux qui restent — principalement l’immobilier, qui a clairement baissé aux Etats-Unis. Le consommateur qui ne mange pas, ne se chauffe pas et ne se déplace pas peut profiter de prix stables. Le reste d’entre nous constate l’érosion du pouvoir d’achat par la hausse des prix du carburant, du pain et de beaucoup d’autres choses.
L’autre distorsion concerne les sommes que les consommateurs ont à dépenser. Si l’on observe les hausses de revenus aux Etats-Unis ces 10 dernières années, on s’aperçoit qu’en moyenne, les gens sont devenus plus riches.
Mais la richesse créée durant cette période n’a pas été également distribuée. Elle s’est plutôt concentrée entre les mains des « riches ». En deux mots, la richesse créée durant les années 2000 était en grande partie frauduleuse — basée sur des augmentations déraisonnables de la dette. Malgré tout, de nombreuses personnes ont pu empocher de gigantesques sommes d’argent — notamment dans le secteur financier… ou parmi les gens ayant des actifs boursiers. Cela mène au mythe selon lequel « les gens » sont plus riches aujourd’hui qu’il y a 10 ans. Ce n’est pas vrai. L’individu moyen n’a pas participé au grand brassage d’argent de la dernière décennie — sinon de manière modeste, voire fâcheuse. Il a acheté une maison plus cher que ce qu’elle valait ; maintenant, il s’enfonce un peu plus dans son fauteuil chaque fois qu’il lit la section « immobilier » de son journal. Sa valeur nette décline.
Corrigez ces distorsions, et le tableau s’assombrit. Des revenus bas. Des dettes élevées. Une baisse des prix des maisons. Une hausse des prix de tout le reste ou presque.
La stagflation ? Oui… ce n’est que la dernière évolution en date de la Grande Correction.
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