La Chronique Agora

L'éthanol fait réagir nos lecteurs

Eh bien, mes petits-déjeuners me donnent peut-être du vague à l’âme… mais ce n’est rien comparé aux réactions provoquées par l’article d’Eric Fry sur l’éthanol, dont je vous livre quelques extraits ci-dessous :

** "Je lis quotidiennement et avec beaucoup d’intérêt vos différentes revues et les articles de vos chroniqueurs", commence G.F. "La position d’Eric Fry dans son article L’éthanol est un mauvais investissement me paraît reposer sur une information très partielle. Je pense que la Chronique Agora gagnerait à repenser sa ligne éditoriale sur un sujet aussi fondamental que les biocarburants".

"La démonstration d’Eric Fry est faussée à la base car elle semble ne considérer que le cas des Etats-Unis et postule que éthanol = maïs. Or de plus en plus, l’éthanol sera produit à partir de canne à sucre (comme c’est le cas au Brésil), et sans doute très prochainement, avec d’autres plantes. En ce qui concerne le bio-diesel, outre la palme asiatique jusqu’ici sans reproches, l’accent est mis désormais sur des plantes non comestibles comme la jatropha, qui peuvent être cultivées en milieu semi-aride et ne créent pas d’effet d’éviction. Pourquoi persisterait-on à utiliser des plantes alimentaires chères pour produire de l’énergie alors qu’on peut le faire avec des plantes nécessitant peu de soin et d’eau et poussant sur des terres non utilisables pour les cultures classiques ?"

"Contrairement à ce que sous-entend E.F., il n’y a pas pénurie de terres cultivables. Bien sûr, les terres potentiellement agricoles sont en quantité limitée mais on est encore loin d’avoir atteint la limite. Sans aucune déforestation, des millions d’hectares non utilisés peuvent être mis en exploitation et la FAO a raison d’affirmer que le problème alimentaire peut être résolu grâce à des investissements dans l’agriculture. Il y a suffisamment d’espace cultivable pour les plantes alimentaires et pour celles destinées à produire de l’énergie. L’eau est sans conteste un facteur limitatif. Mais il existe une réserve importante de terres irriguées non encore cultivées et pour les autres, l’irrigation est aussi une affaire d’investissement (comme l’agriculture israélienne le démontre amplement). Comme le soulignait à juste titre le Directeur Général de Veolia Eau, il ne manque pas d’eau sur la planète ; ce qu’il faut c’est la purifier ou la désaliniser, et bien évidemment, pour certaines zones, la transporter. Investissements ici encore, et donc opportunités de profits, de travail et de croissance économique".

"Les autres arguments usuels (non mentionnés par E.F.) contre les biocarburants ne sont pas du tout rédhibitoires. Il est sans doute vrai que les coupeurs de canne sont traités inhumainement dans certaines exploitations. Mais ce n’est pas une fatalité inhérente à cette activité. Pourquoi le versement d’un salaire décent et des conditions de travail convenables ne pourraient-ils pas être imposés et contrôlés par les gouvernements nationaux dans les exploitations de canne à sucre, comme dans toutes les autres branches? Quant aux dangers écologiques des monocultures dans certaines régions, c’est là aussi affaire de règlementation — on impose bien la jachère et la rotation des cultures dans la communauté européenne — d’information et d’incitation. C’est par manque d’information sur les marchés et sur les opportunités que les producteurs se focalisent, en général avec un temps de retard, sur les mêmes cultures. Une meilleure information sur l’offre et la demande, avec la généralisation (en cours) des bourses agricoles, et la diffusion des semences et des techniques conduiront naturellement a à une plus grande diversité des cultures. Autre épouvantail sans cesse agité, la déforestation dans les pays en développement est un problème réel, dont le remède est encore une fois la  règlementation et le contrôle public. Il est faux de prétendre en tout cas que la déforestation est liée à la recherche désespérée de nouveaux espaces pour les cultures destinées aux bio, puisque les espaces cultivables encore inexploités sont abondants. Le ‘bilan énergétique’, enfin, ne condamne que l’utilisation de certaines plantes (encore le maïs) et se montre positif pour la majorité des autres (canne à sucre, palme, jatropha, etc.)".

Je tiens à remercier G.F. pour ces arguments supplémentaires venant éclairer notre lanterne — c’est vrai qu’Eric et tous nos rédacteurs américains abordent en priorité le point de vue des Etats-Unis, où le battage médiatique fait autour de l’éthanol mérite d’être remis en perspective un peu plus vigoureusement que sur nos rivages européens, plus modérés (moins "sous influence" politique ?) dans ce domaine.

** En ce qui concerne l’utilisation de plantes autres que le maïs, Sylvain Mathon, rédacteur en chef de Matières à Profits, revient de l’Equateur avec quelques indices en poche :

"Nous avons tendance à faire du manioc l’ingrédient privilégié de la cuisine africaine", expliquait-il. "Mais à vrai dire, cette plante est originaire d’Amérique du Sud, où elle demeure très répandue : son acclimatation africaine ne date que de deux siècles".

"Facile à cultiver, avec un rendement élevé à l’hectare, le manioc constitue une alternative non coûteuse aux céréales ou au riz, non seulement pour l’alimentation des familles à faibles revenus, mais aussi pour la nourriture des animaux (sous forme de cossettes), et surtout pour la production industrielle".

"Il est riche en amidon : c’est pourquoi ses dérivés entrent dans l’élaboration des enrobages de médicaments, ou bien servent de stabilisants pour les potages et les surgelés. Ce n’est pas tout : ce tubercule peut servir de matière première à la fabrication de bioéthanol…"
 
"Vous comprendrez aisément pourquoi plusieurs pays, voyant là une ressource inespérée, incitent à sa culture (notamment l’Indonésie, quatrième producteur mondial, et les Philippines). Selon la FAO, la fabrication d’éthanol à base de manioc serait rentable dès 45 $ le baril du pétrole. Alors à plus de 110 $…"

"La production mondiale [de manioc] ne cesse de progresser et s’élève à environ 12 millions de tonnes (+20% par rapport à 2006). Le Nigeria en est le plus gros producteur, suivi par le Brésil, la Thaïlande et l’Indonésie, puis le par Congo. Comme pour bien d’autres denrées, vous ne serez pas surpris d’apprendre que la Chine est le premier importateur mondial de produits dérivés de manioc…"

** Enfin, un autre de nos lecteurs, M.V., nous apporte une opinion d’initié sur la question de l’éthanol :

"J’ai été longtemps impliqué dans le business des produits sucrés (saccharose de betteraves et de canne, glucose de céréales)", nous dit-il. "Fabriquer de l’éthanol à partir de maïs est une absurdité technologique et économique. Je m’explique : le rendement à l’hectare de cette culture atteint 10 tonnes de grain. Un tonne de grain fournit 600 kg d’amidon après un processus d’extraction extrêmement coûteux. Soit six tonnes d’amidon à l’hectare. Cet amidon doit être ensuite traité pour fournir la ‘soupe’ qui conduira à la fermentation en éthanol à partir de levure."

"La culture de maïs nécessite en outre d’énormes quantités d’eau (naturellement fournie parfois par les T-Storms [abréviation de thunderstorm, orage en anglais, NDLR] aux Etats-Unis). Il ressort de cette industrie d’énormes quantités de co-produits qui servent habituellement à l’alimentation du bétail après séchage. Tout ceci consomme énormément d’énergie ‘primaire’."

"Si l’on considère la culture de canne à sucre, le schéma est complètement différent : la production de canne atteint 100 à 120 tonnes de canne à l’hectare avec un rendement en sucre de l’ordre de 20%, soit 20 tonnes de sucre à l’hectare, à comparer aux six tonnes du maïs. La production d’éthanol base canne est productrice nette d’énergie puisque le résidu ligneux de la canne sert de combustible et sert pour partie à produire l’énergie nécessaire à la transformation. Le surplus est disponible"…

"Il est clair que si l’on désire utiliser de l’éthanol pour la carburation, c’est à partir de canne que l’on obtiendra les meilleurs résultats tant écologiques qu’économiques. Cela ne suffira pas de toute façon à alimenter le parc automobile actuel. Le reste est une histoire de prévarication des sénateurs américains par l’industrie de l’amidon US (ADM en tête)".

Voilà, cher lecteur, qui apporte de nouveaux arguments pour ou contre l’éthanol… et vient nuancer les propos d’Eric. Mais le débat reste ouvert : à suivre, donc !

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