▪ Quel dommage, ce Jérôme Kerviel. Un si beau jeune homme. Avec un avenir si prometteur. Rappelons — pour ceux qui étaient sur la planète Mars ces derniers jours — que Kerviel est le trader de la Société Générale qui a perdu 4,9 milliards d’euros en trades non-autorisées.
Voilà que le malheureux doit faire face aux conséquences de ses actes. Le problème, c’est que ça ne lui a guère plu. Et à notre avis aussi, la sanction était inappropriée.
Kerviel a été condamné à cinq ans de prison (dont deux avec sursis). Il est également censé rembourser 4,9 milliards d’euros…
Selon les déclarations du juge, par ses actions délibérées, Kerviel a mis en péril l’existence d’une banque qui employait 140 000 personnes, dont il faisait partie et dont l’avenir a été menacé.
Eh bien, nous sommes certain qu’il ne l’a pas fait intentionnellement — enfin, il n’avait pas l’intention de faire sombrer la banque.
De plus, beaucoup d’autres gens ont fait des trades bien plus conséquents et parfaitement autorisés… qui ont aussi mis leurs banques en danger. En fait, certains des PDG des plus grandes banques au monde ont mis leurs institutions en péril. Et lorsque les banques ont terminé dans le fossé, ils n’ont pas été condamnés à cinq ans au violon et une amende de 4,9 milliards d’euro. On leur a plutôt donné un bonus de 50 millions !
Kerviel a conté une anecdote sur un tour de cartes lors d’une fête d’entreprise :
« Mesdames et messieurs, à vous et à nos clients de trouver la marge. Elle a disparu. Où est-elle allée ? Pas ici. Pas là. Aha ! La voilà, dans ma poche ! »
Elle n’est pas allée dans la poche de Kerviel. Il est sans le sou. L’amende atteint les 6,7 milliards de dollars environ. On dit qu’il gagne 3 000 $ par mois. Vous parlez de mensualités ! Voyons-voir : s’il épargne la moitié de son argent tous les mois, et qu’il consacre intégralement cette somme au remboursement de la Société Générale… ça fait 36 000 $ par an.
Hm… Si le pauvre homme vit 200 000 ans… il sera encore en train de payer.
▪ Mais attendez. Imaginons que toute cette histoire d’assouplissement quantitatif décolle…
Oui, cher lecteur, les banquiers centraux sont probablement les plus grands traders voyous de tous. Vous vous rappelez d’Alan Greenspan ? Il nous faisait part de son opinion hier dans le Financial Times. Nous l’avons lu deux fois. A aucun moment nous n’avons trouvé quoi que ce soit de neuf. Il dit que le problème, c’est la crainte. Tant que la crainte ne diminue pas… on ne peut pas s’attendre à ce que les entreprises lancent beaucoup de nouveaux projets ou embauchent beaucoup de nouveaux employés. Grand merci pour cette observation révolutionnaire, Alan.
Alan Greenspan est probablement plus responsable que tout autre être humain de la crise financière actuelle. Il a fait un gigantesque pari et a mis toute l’économie mondiale en danger. Il a parié qu’il en savait plus long que le marché. Il a mis le taux directeur de la Fed sous le taux d’inflation des prix à la consommation… et l’y a laissé pendant quatre ans. Plus de 12 000 milliards de dollars ont été perdus rien qu’aux Etats-Unis. Où est la cellule de prison qui l’attend ? Où est l’amende de 12 000 milliards ?
Aujourd’hui, les banquiers centraux parient à nouveau gros… très gros… et ils risquent non seulement de mettre les 140 000 employés de la Société Générale au chômage… mais aussi des centaines de millions d’autres personnes partout dans le monde.
Les banques centrales parient qu’elles peuvent ajouter des milliards de dollars d’assouplissement quantitatif à la masse monétaire mondiale sans causer de catastrophe. Peut-être que oui, peut-être que non. Cela n’a encore jamais été tenté.
Mais toutes les expériences précédentes en matière de monnaie papier se sont soldées par un désastre. La monnaie papier n’a jamais survécu à un cycle du crédit entier. Lorsque le crédit se développait, les gens se contentaient du papier. Lorsque le crédit se contractait, les gens prenaient peur et voulaient quelque chose de plus substantiel. Les devises papier finissent toujours par perdre toute valeur.
Les paris de Kerviel allaient bien tant que le crédit se développait. Il avait gagné plus d’un milliards de dollars, à un moment. Puis, lorsque les marchés ont commencé à baisser, il en est allé de même pour ses paris.
Est-ce que ce sera différent pour les banques centrales ? Est-ce que leurs paris tourneront mal aussi — peut-être lors d’une explosion spectaculaire durant laquelle le dollar lui-même perdra quasiment toute valeur ? Rappelez-vous, si le dollar ne perd ne serait-ce que l’équivalent de 5% de sa valeur de 1900 — il ne reste rien. Il ne vaudra plus rien.
Est-ce possible ? Les banquiers centraux risquent une catastrophe monétaire intégrale, dans le monde entier, en ayant entièrement connaissance de ce fait… C’est un meurtre monétaire avec préméditation, en d’autres termes.
Où est la cellule attendant Bernanke ? Qui va le condamner à payer 10 000 milliards de dollars ? Comment va-t-il les payer ?
Ne vous faites pas de souci, Jérôme. Vous pourrez peut-être rembourser votre dette à la société avec un timbre-poste… Nous avons dans notre portefeuille un billet de 10 000 milliards de dollars du Zimbabwe. Pourquoi pas un billet de 10 000 milliards de dollars américains ? Nous ne sommes pas en train de le prédire… simplement d’essayer de lui soutenir le moral. Et qui sait ?