La Chronique Agora

Les tendances du deuxième semestre

La question n’est plus de savoir si l’or va monter, mais de savoir à quel rythme.

La récente correction des secteurs or et matières premières est imputable aux fonds de couverture et fonds spéculatifs, lit-on communément. Il paraît plus juste de renverser la proposition : la récente hausse de l’or et des matières premières a été causée par un afflux de liquidité des fonds de couverture et fonds spéculatifs ; un reflux était inévitable (et sain) après cette exubérance. Ayant pris 40% depuis le début de l’année, avec un cours dépassant 710 $, le métal jaune a reflué à 580 $ l’once, soit -20 %. Il s’est ensuite ressaisi à 610 $ l’once.

L’or à long terme reste résolument haussier. Son parcours à plus court terme dépendra essentiellement de l’évolution du regard des investisseurs sur la situation actuelle.

Malgré les hausses des taux de la Fed, l’or a progressé. Ce fait est inversement analysé par les acteurs du marché, qui se divisent en deux camps. D’un côté les tenants depuis 2000 d’un marché haussier de l’or, ultrasceptiques quant au sort de toute monnaie fiduciaire, qui voient, bien sûr, un augure favorable : “même avec des taux d’intérêt à la hausse, un actif qui ne rapporte rien intéresse. C’est bien la preuve qu’il existe une inflation rampante et que l’or reste le refuge monétaire”. A l’opposé, les tenants des actifs papiers qui voient un argument contre l’or : “vous voyez bien que le métal jaune n’a pas valeur de monnaie refuge, puisqu’il monte. Il monte parce que c’est une matière première. En tant qu’actif financier, il devrait au contraire baisser face à la hausse des taux d’intérêt un peu partout dans le monde”.

Les fluctuations à court terme de l’or dépendront donc du nombre de revirements d’opinion et notamment du comportement opportuniste des fonds de couverture. Toute monnaie fiduciaire naît affectée d’une maladie génétique grave : l’inflation par le recours facile des politiques à la planche à billets. Les évolutions des taux d’intérêt et des indices des marchés vont servir le cours de l’or.

 
Or et écart de taux d’intérêt
Dans la période 2000 à 2003, la Fed a agressivement baissé les taux d’intérêt à court terme. L’objectif était de stimuler une économie faiblissante. L’écart entre taux d’intérêt à long terme et à court terme s’est alors creusé. Puis la Fed a doucement relevé ses taux pour ménager un atterrissage en douceur. La situation actuelle, durant laquelle l’écart entre taux longs et taux courts s’est réduit, est très différente de celle des années 70. Durant cette période, les taux d’intérêt à court terme avaient été relevés pour faire face à l’inflation, et les taux d’intérêt à long terme avaient suivi car les marchés craignaient alors que la Fed n’en fasse pas assez. Aujourd’hui, les marchés estiment que la Banque Centrale américaine (et ses consoeurs) lutte efficacement contre l’inflation. Ils n’ont pas peur du long terme. Simultanément, il existe une forte demande d’argent à court terme pour financer de la spéculation. Mais il existe peu de demande d’emprunt à long terme pour augmenter des investissements durables.

 
Or et indice des métaux
La comparaison de l’évolution de l’or et de l’indice des métaux industriels permet de mesurer si l’or se comporte plutôt comme une matière première pour la joaillerie et la technologie ou plutôt comme une valeur refuge. Depuis cinq ans, l’or a pris du retard par rapport aux métaux de base (aluminium, cuivre, plomb, nickel, zinc et étain). Le métal jaune ne s’est apprécié que d’un coefficient 2, contre un coefficient 2,8 pour les métaux industriels. Les économies émergentes qui s’équipent (bâtiments, logements, réseaux d’infrastructure) ont tiré la demande. Le retard de l’or s’est même accentué jusqu’en mai. Mais si le marché haussier de l’or a été jusque là moins vigoureux que celui des métaux industriels, la tendance semble prête à s’inverser.

Or et marchés en actions
Les marchés actions ont effacé leurs gains de l’année en fin de semestre. L’économie américaine ralentit et ralentira encore au second semestre en raison de la baisse de l’immobilier et de la fin des liquidités faciles. La tendance globale des indices actions est donc au mieux stagnante et probablement baissière pour les six à douze mois à venir. Même si la Fed met fin à sa campagne de hausse des taux à court terme, l’or deviendra un refuge face à des bourses anémiques et à des matières premières qui ne baisseront pas dans l’immédiat.

Dans ce scénario, l’or devrait terminer l’année autour de 650 $ l’once et se retrouver autour de 850 $ l’once d’ici 2007.

Dans un scénario boursier plus pessimiste, la hausse du métal jaune pourrait largement dépasser ces prévisions. Certains observateurs prévoient une stagflation : ralentissement économique au sein des pays riches accompagné d’une hausse de l’inflation à cause de la demande intérieure des pays nouvellement riches. Qui aura le plus de poids ? Hélas, les statistiques ne répondent pas à cette question. Impossible de savoir si les demandes de l’Inde, de la Chine, de la Russie, et du Brésil compenseront la perte d’appétit de l’Europe et des USA. Mais si ce scénario pessimiste se dessine, l’or pourrait se retrouver propulsé vers les 1 000 dollars ou plus. Car les pays moteurs de la demande mondiale refuseront la loi du dollar. Ils voudront de l’or pour couvrir leur risque dollar ; comme la production d’or n’est pas à ce jour adaptée à une forte demande du secteur financier, un déficit se créera. Et comme la prospection est une affaire de longue haleine, ce déficit durera.

Or, dollar et euro
Beaucoup de Français tiennent le langage suivant : “oui, l’or monte… mais en dollars”. Sous-entendu, “en euros, ce n’est pas une bonne affaire”. Vous avez d’ailleurs été nombreux à m’écrire pour me questionner à ce sujet. Début 2000, l’once d’or était à 300 $. L’euro venait de naître et sa parité de nouveau-né était de 1. Aujourd’hui l’once d’or est à 600 $ et la parité euro-dollar de 1,28. Cela fait quand même 72% de plus-value.

Admettons que le dollar touche la parité de 1,5. Si l’or, acheté aujourd’hui (à 600 $ et à parité euro-dollar de 1,28) atteint 800 $, cela fait quand même une plus-value supérieure à 15%. Une moins bonne affaire peut-être, mais une affaire quand même. Au delà de la parité 1,50, on entrera dans une véritable crise monétaire. Traditionnellement, le dollar s’est toujours inscrit entre 4,50 FF et 10 FF, soit une parité de 1,46 à 0,656 /euro.

Or physique ou actions aurifères ?
Je vous dirai : or physique ET actions aurifère, car ce n’est pas la même chose. L’or physique est un actif tangible, l’extincteur, le parachute, la bouée de sauvetage de l’investisseur pessimiste qui pense que tout perdre est un jour possible. Une action aurifère est un actif papier susceptible de monter plus que le cours du métal. Mais, les actions ne constituent en aucun cas un refuge dans des marchés boursiers fortement baissiers. Même si le secteur minier aurifère s’est bien comporté lors du krach de 2001, il n’en a pas toujours été ainsi. En outre, c’est un secteur extrêmement volatile. On achète des actions aurifères par passion, de l’or physique par raison.

… et les actions aurifères européennes ?
On aimerait qu’il en existe. Il n’est pas impossible que la Scandinavie se réveille si l’or atteint doucement les 800 $ l’once. Pour le moment, ce sont les Canadiens qui vont à la mine dans cette région.

 

 

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