** Plaignez les riches. Plaignez les PDG. Plaignez les capitalistes.
* Pauvre Warren. Il en est à ses derniers 25 milliards. Quant à Bill Gates, c’est à peine s’il peut garder la tête haute : son trésor est passé à 18 milliards de dollars à peine.
* Faites une recherche Google sur le scandale AIG — vous obtiendrez 621 000 pages trouvées.
* Hélas, être riche n’est plus aussi facile ou amusant qu’auparavant.
* AIG est la principale affaire du jour. Elle provoque consternation, outrage… et crises d’apoplexie. Pour commencer, les bonus distribués ont été largement sous-évalués. La somme réelle est de 450 millions de dollars, déclare le Wall Street Journal. Un membre du Congrès américain avance que de nombreuses primes étaient déguisées en d’autres choses… et que le total réel approche plutôt les un milliard de dollars.
* Le lumpenélecteur moyen n’a aucune idée de la manière dont fonctionnent les renflouages. Il était prêt à croire que des centaines de milliards de dollars provenant des contribuables feraient grimper le prix de sa maison, mais maintenant qu’il voit comment les choses fonctionnent vraiment, il est assez irrité. Il ne comprend peut-être rien à la macroéconomie, mais il sait reconnaître la duplicité quand il la voit.
* Sous la pression, AIG a révélé ce qu’elle avait fait de l’argent du renflouage. Nous n’avons pas été surpris de découvrir Goldman Sachs au sommet de la liste des destinataires. Le grand homme de Goldman était dans la pièce avec les autorités — en tant que seul représentant de Wall Street — lorsque la décision a été prise de secourir AIG. De plus, le grand homme des autorités de l’époque — Hank Paulson — avait lui aussi été une huile chez Goldman. Les dés étaient donc pipés dès le départ. Le gouvernement a donné de l’argent à AIG, et AIG l’a donné à une longue liste de spéculateurs — dont Goldman.
* Cela nous semble parfaitement naturel. Si nous avions été au courant de toute cette histoire, nous aurions aussi tenté d’empocher une partie du butin. Mais les politiciens feignent la stupéfaction et l’horreur. Le sénateur Grassley a même dit que les dirigeants d’AIG devraient "démissionner ou se donner la mort". Il s’est ensuite calmé et a déclaré qu’il ne le pensait pas.
* Mais nous nous serions contenté d’une petite correction à ses remarques, donnant aux benêts d’AIG une dernière chance de s’en sortir avec honneur : "démissionner ET se donner la mort, dans cet ordre".
* Barney Frank a ajouté qu’il était peut-être "temps de licencier des gens". Pourquoi pas ? Les autorités détiennent désormais 80% du géant de l’assurance. Allez-y, licenciez qui vous voulez. C’est à peu près le seul plaisir restant aux vrais capitalistes.
** Mais revenons-en aux tribulations des riches…
* Pour commencer, M. le Marché lamine les riches — et vite. Ces 12 derniers mois, la fortune moyenne a probablement perdu environ la moitié de sa valeur. Non seulement les riches possédaient des millions de dollars d’actions et d’immobilier… mais ils faisaient également partie des quelques privilégiés ayant accès à des produits dérivés, des SIV, des hegde funds et autre private equity. Bon nombre de ces actifs compliqués et contradictoires ont entièrement disparu. Ou peut-être qu’ils avaient la chance de compter Bernie Madoff parmi leurs amis.
* Ensuite, ce que M. le Marché ne prend pas, M. le Politicien le lorgne. Partout dans le monde, on complote d’augmenter les impôts… et de fermer les paradis fiscaux. Le président Obama a déjà révélé ses plans pour noyer les riches.
* Enfin, les malheureux riches sont devenus des parias. On ne les invite plus à des oeuvres de bienfaisance — ni même à rejoindre leurs collègues pour boire une bière après le travail. Les Européens se sont toujours méfiés des riches. Mais aux Etats-Unis, autrefois, on respectait les riches — simplement parce qu’ils étaient riches. Les gens leur demandaient leur avis sur la politique… la mode… l’art. Ils étaient supposés être des autorités sur toutes choses, et étaient généralement traités avec respect… voire avec déférence.
* A présent, les riches sont considérés comme des crétins, des perdants, des incompétents et des malfaiteurs. Même les Américains regardent les riches et pensent qu’ils doivent être soit stupides soit incompétents.
* "Derrière chaque grande fortune se cache un grand crime", déclarait Balzac. Bien entendu, il parlait de la France… où c’était probablement vrai. L’argent est considéré comme sale, en France. Mais aux Etats-Unis, l’argent était censé être propre… innocent… honnête et droit. L’homme le plus riche de la ville s’asseyait toujours au premier rang à l’église et se portait candidat à la mairie.
* Mais voilà la dépression, et même les riches souffrent. Contrairement aux galopins affamés, aux veuves malchanceuses et aux orphelins innocents, personne ne verse une larme pour les riches. Nous prenons toujours le parti du perdant… et nous soutenons toujours une cause perdue. Alors quand nous pensons aux riches… avec leurs costumes italiens… leurs voitures allemandes… et leurs comptes suisses… nos yeux se brouillent. Bien entendu, les riches sont des êtres humains aussi — comme le reste d’entre nous. Et oui, cher lecteur, nous les méprisons tout autant que quiconque. Lorsqu’il s’agit d’intelligence et de rectitude morale, ils ne sont probablement pas meilleurs que les autres — mais probablement pas pires non plus. Tout de même, nous admirons et respectons leur argent. Il ne vaut pas mieux que celui des autres — mais ils en ont plus.