La Chronique Agora

Les résultats des stress tests irlandais plombe le CAC 40

▪ Le Dow Jones réalise son meilleur premier trimestre depuis 1998 avec une hausse qui avoisine les 7%. C’est à regretter qu’une centrale nucléaire n’explose pas plus fréquemment et que des zones géopolitiques entières ne se disloquent pas à la stupéfaction générale…

En d’autres termes : catastrophe nucléaire + incertitude totale sur l’avenir du Proche-Orient + inflation + débâcle du secteur immobilier aux Etats-Unis = flambée des actions.
Au motif — accrochez-vous à vos manuels d’économie ! — qu’elles constituent le placement le plus sûr et le moins cher. Tout ceci, évidemment dans le contexte de politique monétaire non conventionnelle en vigueur depuis deux ans et trois mois.

Nous lisons de plus en plus de commentaires dont la teneur est diamétralement opposée. La majorité des stratèges continue d’encenser le génie de Ben Bernanke qui consiste à maintenir les taux au niveau zéro. Ceci permet aux entreprises de doper leur trésorerie en faisant du carry trade ou d’emprunter pour racheter leurs propres titres afin de booster artificiellement le revenu par action.

C’est cette dernière option qui vient d’être privilégiée par Home Depot. Face à l’absence d’opportunité de croissance (organique ou externe) dans le secteur de la distribution, le numéro deux américain va assécher le flottant en faisant disparaître (à crédit) des millions de titres. Si les profits stagnent, les actionnaires peuvent malgré tout s’attendre à une confortable hausse des dividendes.

Partant de ce principe, les actions ne peuvent effectivement jamais perdre de valeur ! Mais n’est-ce pas l’aveu implicite qu’il n’y a pas de véritable croissance aux Etats-Unis ? Ni même en Chine où de nombreuses enseignes de distribution occidentales se plantent littéralement — notamment dans le segment du bricolage.

Nous constatons dans bien des cas — parfois célèbres comme Caterpillar, General Electric, General Motors — que seuls des tours de passe-passe fiscaux, comptables et financiers parviennent à entretenir une profitabilité fictive.

Il s’agit de respecter l’impératif de la croissance à deux chiffres de la rentabilité. Quitte à sacrifier le futur de l’entreprise car les bonus eux, sont versés aux dirigeants dès la fin de l’exercice en cours ; et pas dans cinq ou dix ans, lorsque de nouveaux sites industriels ou miniers deviendront opérationnels, après des années de négociations et de démarches administratives.

Vous objecterez qu’embellir le bilan, cela rassure les investisseurs et cela vaut souvent mieux que de fermer des magasins et licencier des employés. Mais hélas, les entreprises le font aussi. Elles l’ont fait dès le début de la crise, avec une frénésie jamais observée depuis 1929/1934.

Ce genre de stratégie, cela fonctionne encore dans des pays qui ne sont pas au bord du dépôt de bilan. Mais nous craignons fort que l’Irlande, l’ex-phare du capitalisme dérégulé en Europe (et champion du dumping fiscal), n’ait franchi le point de non-retour. Les pertes accumulées par ses principales banques dépassent largement le PIB du pays.

▪ L’Irlande — déjà en récession depuis trois ans — a imposé une cure d’hyper-austérité. Cette dernière n’a fait que renforcer la contraction de l’activité, sans endiguer l’inflation pour autant. C’est la double peine pour la population locale et c’est une charge de 60 à 80 milliards d’euros pour l’Europe.

Les détenteurs de valeurs bancaires apparaissaient nerveux depuis le début de la semaine. Cela est probablement dû à la divulgation du résultat des stress tests irlandais ce jeudi, en fin d’après-midi.

Ils sont tombés à 17h31, c’est-à-dire quatre minutes avant le fixing de clôture. Dommage car c’est 240 secondes trop tôt pour un CAC 40 qui tentait de préserver le seuil des 4 000. L’indice souhaitait terminer le trimestre sur un score rond qui ait fier allure — plutôt qu’un 3 989,2 qui ne ressemble à rien.

Le CAC 40 a chuté de pratiquement 15 points (-0,4%) en clôture (contre -0,5% à 17h29). Pour une fois, les robots algorithmiques ne sont pour rien dans un mouvement aussi soudain que bizarre. La cause irlandaise est clairement identifiée.

Le marché tablait sur une fourchette de renflouements allant de 20 à 25 milliards d’euros. Ce sera 24 milliards d’euros. Tous les experts qui travaillent sur ce dossier savent que la facture globale sera plus proche de 35 à 38 milliards d’euros cette année. Cela implique qu’une rallonge des plans de sauvetage est à prévoir d’ici quelques mois.

Ce sauvetage n’a de pertinence qu’à condition qu’il n’aggrave pas l’effondrement du secteur immobilier. Rappelons que les prix sont en baisse de 65% depuis le début de la crise à Dublin.

Les banques irlandaises pourraient se retrouver quasiment sans fonds propres. Même scindées entre very bad bank et phoenix bank, les maintenir en survie artificielle ne ferait que rajouter au fardeau de la dette publique. Et ce, sans aucun espoir d’assainir la situation.

Nous redoutons que le recours à la planche à billets ne cesse de produire ses merveilleux effets hypnotiques et psychotropes sur les marchés. Si tel était le cas, l’Amérique se retrouverait très vite dans la même situation. En fait non. Le conditionnel n’est pas de mise car elle y est déjà jusqu’au cou. Sans quantitative easing le système financier américain et l’Etat fédéral seraient en dépôt de bilan.

▪ Le QE, c’est juste un plan de sauvetage de l’intérieur. Mais comptablement, les Etats-Unis sont tout aussi insolvables que l’Irlande. Sauf que ça ne se dit pas, c’est tabou !

L’autre tabou — celui de la hausse des taux, n’est pas près d’être levé aux Etats-Unis.

Les stratèges qui gèrent l’épargne de dizaines de millions de ménages américains sont convaincus à 75% que la Fed ne remontera pas ses taux en 2011 et à 60% qu’elle ne bougera carrément pas avant la mi-2012.

Ben Bernanke pourra-t-il tenir cette ligne de conduite — en niant le problème de l’inflation — aussi longtemps que le consensus l’espère ?

En Europe, les derniers espoirs de neutralité de Jean-Claude Trichet se sont envolés jeudi matin. La hausse des prix (CPI) s’est encore accélérée en mars à 2,6% dans l’Euroland.

L’inflation dépasse largement l’objectif central des 2% pour le quatrième mois consécutif. Jürgen Stark estime — dans une tribune publiée jeudi par le Financial Times — que la BCE doit adapter sa politique monétaire avant d’être prise de vitesse par les événements.

Et de combien les taux seront-ils rehaussés en Europe au cours des 12 prochains mois ? De bien plus de 0,25% probablement ! Cela nous vaudrait une rechute du dollar vers 1,61/euro (plancher historique). Un véritable hara-kiri commercial !

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*1,35 euro par appel + 0,34 euro / minute.
Depuis la Belgique : composez le 09 02 33110, chaque appel vous sera facturé 0,75 euro / minute.

Depuis la Suisse : composez le 0901 801 889, chaque appel vous sera facturé 2 CHF / minute

 
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