La Chronique Agora

Les raisons de vendre pullulent ?

** Le triste scénario des séances de lundi et mardi s’est répété en Europe ce mercredi — avec encore un peu plus de brutalité, comme en témoignent les scores de clôture qui s’étageaient entre -1,1% à Londres et -1,8% à Amsterdam.

La tentative de rebond amorcée par les places européennes entre 10h et 17h s’est trouvée prise à contre-pied par un nouveau coup de pompe affectant Wall Street après moins d’une heure de cotation.

Le CAC 40, qui ne cédait plus que 0,2% vers 16h30 et à peine plus de 0,3% vers 17h (après avoir perdu plus de 1% en début de matinée), a replongé en moins d’une demi-heure jusque sur le palier des 3 000 points (-1,5%) avant d’en terminer sur une perte de 1,27%… juste en deçà des 3 010 points.

L’Euro Stoxx 50 lâchait également 1,27%. De son côté, Wall Street a brusquement tourné casaque un peu après 16h30, le Dow Jones passant d’un gain de 50 points (+0,7%) à une perte de 0,75% ; le Nasdaq a chuté de 1% sous les 1 730 points (à la mi-journée).

Très emblématique de la versatilité de Wall Street, Alcoa — qui vient d’inaugurer le bal des résultats trimestriels de groupes américains — avait rouvert en hausse de 1,5% avant de rechuter brusquement sous les 10 $ pour perdre 3% moins de deux heures plus tard.

Aucune statistique macro-économique n’était attendue aux Etats-Unis ce mercredi. En revanche, les opérateurs ont pu découvrir que le PIB de la Zone euro s’est contracté de 2,5% et celui de l’Union européenne de 2,4% au premier trimestre 2009 par rapport au trimestre précédent, selon Eurostat.

La production industrielle en Allemagne a quant à elle rebondi de 3,7% (comme prévu) au mois de mai, après une contraction de 2,6% de la production industrielle en avril. Francfort a d’ailleurs limité son repli à -0,55%.
 
** Cela va dans le sens du dernier communiqué du FMI : il confirme ses prévisions de chute du PIB global pour l’année 2009 à -1,4% mais se dit convaincu que l’économie mondiale commence maintenant à sortir d’une récession sans précédent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Il ne s’agit pour l’heure que d’une simple stabilisation. Le processus est à un état d’avancement inégal dans les pays développés, lesquels connaîtront collectivement une récession de -3,8% en 2009. La reprise y sera probablement timide en fin d’année et ne devrait pas connaître d’accélération avant le second semestre de 2010.

S’agissant de données plus concrètes, le seul chiffre significatif pour Wall Street concernait le niveau des stocks hebdomadaires de pétrole. Les réserves se sont reconstituées bien plus vite que prévu alors que la driving season bat son plein : le prix du baril de brut s’inscrivait en nette baisse mercredi soir, avec un WTI qui replonge de 2,7% à 61,3 $.

Le marché des matières premières — et le pétrole en particulier — continue d’attirer beaucoup de spéculateurs. Cela explique la déconnexion des cours du brut par rapport à une réalité économique qui reste obstinément morose — et l’OPEP ne prévoit pas de véritable redémarrage de la demande avant 2012 ou 2013.

** Mais alors… d’où proviennent ces flux de liquidités qui s’engouffrent beaucoup plus abondamment qu’ils le devraient sur le marché des contrats à terme (adossés au pétrole, mais également au cuivre, au plomb, au platinoïdes et aux céréales) ?

En quelques mois, avec la disparition de Bear Stearns, Lehman, Merrill Lynch et Wachovia, il apparaîtrait que la moitié des volumes quotidiens traités sur le NYSE, le CBOT ou le NYMEX sont souvent imputables aux programmes de trading expert de Goldman Sachs. C’est une situation de domination technique du marché absolument sans précédent !

Une des particularités de cette robotisation machiavélique (parce que destinée à faire perdre leurs repères aux autres intervenant) des échanges, c’est qu’elle implique de clôturer l’intégralité des positions en intraday, ce qui occasionne souvent des décalages de cours "inexplicables" en fin de séance.

Autrement dit, Goldman Sachs "tourne du papier" — des centaines de millions de titres et des centaines de milliers de contrats par jour. La firme assure ainsi la liquidité, qui sans cela serait en chute libre, comme sur le Dow ou le CAC 40 depuis trois mois… mais cela ne rajoute pas un dollar dans le système financier.
 
Celui-ci tourne en quelque sorte à vide, tout en maintenant l’illusion de marchés en pleine effervescence… mais il n’y a pas de "fond acheteur", et cela commence à se voir.

** Face à cette réalité qui dérange, de nombreux opérateurs auraient considérablement réduit leurs initiatives. Cela explique la chute globale du chiffre d’affaires à Wall Street et en Europe, malgré la formidable campagne d’intox des médias concernant la ruée (complètement fictive) des investisseurs depuis le retournement de tendance de la mi-mars.

S’agissant des sommes réellement injectées sur le marché américain, Goldman Sachs les aurait obtenues d’AIG (via l’exercice de CDS), à l’issue d’un accord à l’amiable négocié sous le contrôle d’Henry Paulson.

L’ex-PDG de Goldman Sachs a ainsi orchestré, au nom de l’indispensable neutralisation du risque systémique, le transfert de liquidités le plus massif de toute l’histoire. Il est passé des caisses de l’Etat américain vers une vingtaine d’établissements bancaires privés de premier plan — dont les six plus gros ont capté 80% des sommes prélevées sur l’épargne du public.

L’assureur déchu n’a en effet pu régler sa dette envers Goldman (10 milliards de dollars officiellement empruntés au TARP, mais ce serait en réalité une somme deux fois plus importante) que grâce à l’argent des contribuables américains — soit 185 milliards de dollars à ce jour.

Cette sinistre farce — qui ne profite qu’aux plus cyniques des brasseurs d’argent — pourrait en fait leur coûter jusqu’à 600 milliards de dollars si le tsunami des prêts commerciaux atteignait les rivages de Wall Street d’ici l’automne prochain.

** Selon les dernières données disponibles, collectées ce mercredi auprès des banques américaines, le taux de d’incidents de remboursement de plus de 90 jours sur les prêts classiques de type "Alt-A" (assortis de conditions peu favorables pour l’emprunteur) aurait franchi le cap historique des 6%.

Et le nombre de défauts sur les prêts "jumbo" (supérieurs à 750 000 $) battrait également tous les records jamais observés au mois de juin, avec un triplement des procédures de saisie en l’espace de 12 mois.

Les banques se montrent très discrètes au sujet du nombre d’impayés sur les emprunts adossés aux surfaces commerciales (boutiques) et à l’immobilier d’entreprise (les bureaux et les entrepôts). Pas de prêts subprime à déplorer dans l’immobilier professionnel… mais de gros programmes achevés et qui ne trouvent pas preneur génèrent de lourds sinistres pour les établissements de crédit.

En ce domaine, la crise ne fait que commencer — et elle est d’une intensité dont aucun banquier n’a gardé le souvenir au cours des 50 dernières années.

C’est peu de dire que les médias évitent de soulever ce lièvre… mais ce n’est peut-être qu’une question de timing. L’heure n’est peut-être pas encore venue de faire paniquer les marchés car il y a encore quelques juteuses augmentations de capital à placer auprès du même public naïf qui s’est jeté sur les émissions obligataires de Goldman Sachs et autres Bank of America au mois de mai dernier.

Nous ne pouvons que vous renouveler nos conseils de prudence alors que les principaux indices boursiers cassent des supports majeurs en cascade depuis 48 heures… Cependant, nous faisons le pari que c’est si évident que certains ne résisteront pas à la tentation de prendre la troupe des baissiers (en pleine confiance) à rebrousse-poil, en orchestrant un rebond qui vous laissera incrédule.
[NDLR : En tout cas, cette configuration boursière réussit à certains… et notamment à ceux qui suivent les conseils de Marc Dagher dans le cadre de @Turbos Trader. Depuis quelques jours, ils ont en effet pu engranger coup sur coup des gains de 44,29%, 70,21% et 70%, alors que les marchés repartaient à la baisse. Vous pourrez d’ailleurs retrouver Marc en vidéo sur nos sites ce vendredi 10 juillet, avec une analyse complète des marchés… et des conseils sur la meilleure manière d’en profiter : ne manquez pas ce rendez-vous exceptionnel !]

Philippe Béchade,
Paris

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