La Chronique Agora

Les obligations US, futures victimes de la dette

▪ « Quel est votre point de vue sur les révolutions en Afrique du Nord ? » nous a demandé un lecteur.

En règle générale, nous évitons d’avoir un avis sur les choses dont nous ne savons rien — c’est-à-dire à peu près tout. En ce qui concerne les événements actuels, nous n’avons pas de meilleures idées que les services secrets ou les divers ministères de l’Intérieur. Peut-être que les révolutions sont nourries par des rivalités entre clans. Il est plus probable que l’augmentation des prix de la nourriture — créée par Ben Bernanke — en soit la cause. Qui sait ? Peut-être que les gens ont vraiment soif de liberté, de démocratie et de frappuccinos made in Starbucks.

Mais l’être humain est un animal agité. Il est souvent heureux avec les choses telles qu’elles sont. Puis un caillou se loge dans sa chaussure, et il commence à boiter et se plaindre.

Chacun a sa propre démangeaison. Un homme a une femme grasse et en veut une maigre. Un autre a une femme svelte et se languit d’une épouse mieux en chair. Un autre encore souhaite faire revenir sa femme décédée à la vie. Un autre a une femme pleine de vie et souhaite sa mort.

Posez la question à l’un d’entre eux, il vous donnera la réponse acceptable en public : il cherche la « liberté » — c’est du moins ce qu’il dira aux médias. Mais quel genre de liberté ? En général, la liberté de donner des ordres aux autres. Il voudra voter, mais seulement pour pouvoir dire aux autres comment éduquer leurs enfants, quels dieux adorer et combien d’argent ils devraient lui envoyer.

La seule chose certaine, c’est qu’aucun gouvernement ne survit éternellement. Francis Fukuyama a cru voir arriver « la fin de l’histoire » lorsque la démocratie a mis un orteil en Russie. Les dictateurs doivent être renversés, souvent au cours de révolutions sanglantes. Mais les gouvernements démocratiques vont et viennent sans que l’histoire s’en souvienne.

Sauf que la démocratie a elle aussi une date de péremption. Son défaut fatal a été identifié il y a des siècles. Lorsque la majorité réalise qu’elle peut voter de manière à s’attribuer de l’argent aux dépens de la minorité — ou de la génération suivante — le système est condamné. Les gouvernements élus changent, mais le système ne fait que s’enfoncer toujours plus profondément dans la dette — jusqu’à ce qu’il ne puisse plus aller plus loin.

Que se passe-t-il ensuite ?

Nous n’en savons rien. Mais nous n’allons pas tarder à le découvrir, tous autant que nous sommes.

▪ En attendant…

On aurait dit que ces derniers jours n’ont pas apporté la grande rupture de tendance que nous attendons. Mais qui sait ? Demain est un autre jour. Tout peut arriver.

Quoi qu’il se produise, mieux vaut se préparer à ce qui devrait arriver. De la manière dont nous voyons les choses, les actions et les obligations devraient baisser. Le temps où l’on gagnait de l’argent en actions et en obligations est révolu, en d’autres termes. Le moment est venu de faire le dos rond, et d’attendre que la crise s’apaise.

Pourquoi ?

Il y a trop de choses qui ne vont pas sur les marchés… dans l’économie… et dans la situation politique.

… Et… ah oui… les gens qui essaient de résoudre ces problèmes sont une bande de… quel est le terme technique, déjà ? Ah oui, des clowns.

Qu’est-ce qui ne va pas avec le marché ? Eh bien… les obligations grimpent depuis près de 30 ans. Les rendements ont chuté, passant de 20% environ pour les bons du Trésor US à 10 ans au début des années 80 à 3,42% vendredi dernier. Très bien, si vous détenez des obligations. Et ça pourrait vous pousser à croire que vous pouvez les garder éternellement. Trente ans, c’est long.

Malheureusement, rien ne dure éternellement… et surtout pas un marché haussier des obligations. Les tendances obligataires durent généralement une génération environ. Les rendements US ont chuté, d’une manière générale, des années 20 jusqu’à l’administration Eisenhower. Puis ils ont grimpé jusqu’à ce que Paul Volcker finisse par reprendre le contrôle de l’inflation au début des années 80. Ensuite, ils ont chuté pendant trois décennies.

Chutent-ils encore ? Personne ne le sait. Mais il nous semble qu’ils ont trouvé un plancher. Et même si ce n’est pas le cas, vous vous en tireriez probablement mieux en pensant que c’est le cas. Parce que le plancher ne saurait être loin… et ce pourrait être l’enfer ensuite.

Parallèlement, du côté du marché boursier, les actions sont chères — proches de leurs sommets record de 1929, 1966 et 1999 pour les actions américaines. En fait, les cours nominaux sont à peu près à leurs niveaux de la fin des années 90, après avoir doublé depuis 2009. Si les haussiers ont raison, ces prix élevés ne sont qu’un début.

Mais qu’est-ce qui pourrait les faire grimper ? L’économie de consommation fonctionne grâce à  deux pistons principaux. L’emploi donne aux consommateurs plus d’argent à dépenser. Et la hausse des prix des maisons augmente leur valeur nette. Aucun de ces deux pistons ne fonctionne actuellement. On trouve un demi-million d’Américains en plus au chômage par rapport à deux ans auparavant. Et les prix des maisons continuent de baisser.

Comment est-il possible qu’une vraie prospérité se développe dans de telles conditions ?

Mais attendez, il y a pire. Les autorités ajoutent encore de la dette au système — alors même que le secteur privé a désespérément besoin de s’en débarrasser. Non seulement ça, mais ils rendent le système tout entier dépendant du financement à taux négatif. La Fed prête sous le taux d’inflation des prix à la consommation. Les entreprises, les consommateurs, les banques et les spéculateurs ne tardent pas à avoir besoin d’argent bon marché simplement pour continuer à opérer. Surtout, le gouvernement en a besoin. Vous pouvez facilement voir comment ça fonctionne. Les financements à taux zéro permettent au gouvernement américain d’accumuler un déficit de 1 500 milliards de dollars cette année. Mais les autorités n’ont que des revenus de 2 200 milliards de dollars. Ils dépensent donc 60 cents supplémentaires pour chaque dollar qu’ils encaissent. Et bientôt, la dette américaine officielle portant des intérêts atteindra les 15 000 milliards de dollars — près de sept fois les revenus…

Maintenant, imaginez que les autorités américaines doivent payer des intérêts ne serait-ce que de 5%. Voyons voir, 5% de 15 000 milliards, ça fait… 750 milliards de dollars… soit environ un tiers de toutes les recettes fiscales.

Vous voyez le problème ? Les taux d’intérêts bas permettent aux autorités d’emprunter. Elles accumulent des dettes gigantesques… et ensuite, elles ont tant de dettes qu’elles ne peuvent se permettre d’augmenter les taux. Elles sont coincées. Elles doivent continuer à emprunter jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour arrêter… et nous sommes tous fichus.

 
Note : Cet article vous a plu ? Pour recevoir tous les jours l’édition complète de La Chronique Agora par e-mail, il suffit de vous inscrire.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile