La Chronique Agora

Les mauvais joueurs sont décidément partout !

▪ La sérénité régnait en début de matinée vendredi dernier à Wall Street. Les opérateurs pouvaient en effet souffler un peu et se reposer sur leurs lauriers avec le sentiment du devoir accompli.

Les indices américains avaient été littéralement arrachés à la hausse au cours du dernier quart d’heure jeudi soir, le Dow Jones s’envolant d’une centaine de points. Cela n’avait pas le moindre rapport avec une actualité favorable de dernière minute (OPA, message optimiste de la Fed, abandon définitif des projets de taxation des banques et des transactions financières…).

La huitième progression consécutive qui s’est matérialisée vendredi avec la complicité des indices européens en proie à une « phase haussière maniaque » s’inscrivait dans la logique des grandes manoeuvres enclenchées à l’approche de la journée des « Quatre sorcières ».

Grâce au coup de reins providentiel de jeudi soir, les deux indices historiques (Dow et S&P), encore dans le rouge à cinq minutes du coup de cloche final, affichaient en clôture un gain de 0,15% en moyenne et une performance annuelle « positive » de 0,06% et 0,09% respectivement. Les cours ont continué de progresser vendredi à l’ouverture mais les ficelles sont tellement grosses que l’on pourrait y suspendre un taureau reproducteur charolais par les cornes.

La succession de mauvais chiffres qui ont ponctué les dernières séances de la semaine n’ont nullement perturbé les spécialistes des produits dérivés. Ils se sont emparés des manettes et fait effectuer aux actions un parcours en apesanteur qu’eux seuls seraient en mesure d’expliquer à quelques observateurs initiés, tant les voyants macro-économiques clignotent unanimement dans le rouge depuis la mi-juin.

▪ Voilà ce qui sera encore perçu — à juste titre — comme un déni ostentatoire de la triste réalité avec laquelle se débattent M. et Mme Tout-le-Monde. La hausse de Wall Street n’a pour seule finalité que d’enrichir en quelques jours ou quelques heures une minorité de brasseurs d’argent suffisamment puissants pour courber l’espace/temps quand l’optimisation de leurs stratégies trimestrielles l’exige.

Il paraît entendu que la fixation du juste prix d’un actif demeure à une distance intersidérale de leurs préoccupations les plus immédiates. Mais la physique newtonienne n’admet aucune exception… A chaque action correspond une réaction en sens opposée et d’égale intensité — et ce sera à la baisse cette fois-ci.

▪ Une lecture très « premier degré » inviterait à conclure que les marchés anticipent une évolution favorable du commerce mondial et une stabilité des taux à des niveaux planchers pour une « période de temps très étendue » — le tout sur fond d’inflation maîtrisée. Mais dans ce cas, il faudra trouver une explication crédible pour justifier le nouveau record absolu inscrit par l’once d’or à 1 260 $ l’once.

Tout va si bien et les bourses marchent d’un pas assuré vers un avenir radieux ? Dans ce cas, quel intérêt peuvent trouver des investisseurs cohérents avec eux-mêmes dans l’achat d’un actif qui ne rapporte rien et dont la hausse est qualifiée de « bullesque » pour ceux qui n’en détiennent pas (ils s’accrochent au postulat que l’inflation ne saurait ressurgir puisque les banques n’ont aucune intention de prêter leurs excédents de liquidités aux consommateurs) ?

Nous prendrons sans trop de difficulté la défense des acheteurs de métal précieux. En effet, le bon accueil réservé à l’émission de trois milliards de bons du Trésor espagnols jeudi (à un taux tout de même très élevé de 4,91%) ne saurait faire oublier que le système bancaire ibérique — soutenu à coup d’injections massives d’argent public depuis fin 2008 — demeure fragile.

Si l’endettement de l’Etat espagnol n’est pas l’aspect le plus inquiétant (mais attendez que Madrid ait versé tout ce qui sera nécessaire aux caisses d’épargne régionales pour assurer leur survie d’ici 2012…), les ménages espagnols sont en revanche au bord de l’asphyxie (chômage de masse et surendettement). Les cas de faillites personnelles y sont infiniment plus nombreux que dans n’importe quel autre pays d’Europe.

▪ Les Espagnols espéraient retrouver quelques raisons de croire dans l’avenir avec leur équipe de football, qui figurait parmi les archi-favorites : une Coupe du monde gagnée, c’est un point de PIB en plus ! Malheureusement, leurs chances de qualification ont été compromises avec une surprenante défaite dès le premier match.

En France, les sponsors des Bleus s’arrachent les cheveux et ne savent plus comment rentabiliser — sans évoquer l’équipe de France — les achats d’espace contractés avant ce Mondial de cauchemar pour les supporters tricolores.

Ah, si seulement les joueurs de l’équipe de France avaient pu amener leurs voitures personnelles sur le terrain ! Ils auraient dominé n’importe quelle équipe mondiale (sauf celles du sultanat du Bruneï et des Emirats, mais elles n’étaient pas qualifiées) avec un avantage d’au moins 5 000 chevaux fiscaux, tant le parking des Bleus — composé de Ferrari, Aston Martin, Bentley, Mac Laren, Mercedes… — écrase la concurrence.

Plus fort encore, les Bleus ont réussi à être encore plus inaccessibles aux supporters que l’équipe de la Corée du Nord. Ils affichent en plus lors de leurs rares apparitions publiques une mine plus antipathique que les vigiles qui gardent leur hôtel à 650 $ la nuit (et leur oreillette, c’est pour le boulot, pas pour s’isoler du petit peuple qui les acclame malgré toute l’étendue de leur mépris) !

On regrette l’Irlande, éliminée suite à la main de Thierry Henry. Le public se rend à présent compte que la Coupe du monde, qui se voulait multicolore, manque cruellement de joueurs roux !

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