La Chronique Agora

Les marchés optent pour la béatitude… pour l’instant

▪ Les acheteurs ont repris la main vendredi alors qu’aucun nouveau sujet d’inquiétude ne s’était matérialisé au Proche-Orient.

Les appels réitérés de Mouammar Kadhafi à la guerre civile ne font que l’isoler chaque jour davantage. Sa fin de règne s’apparente de plus en plus à celle d’un Néron de pacotille qui s’inspirerait de la Reine Rouge de Lewis Caroll… exigeant que l’on coupe toutes les têtes.

Des dictateurs sont tombés, d’autres suivront. Les gouvernements des démocraties se réjouiront de la déchéance de ceux qu’ils n’osaient critiquer quelques mois auparavant (trop de gros contrats étant en jeu)… mais ils devront vite improviser de nouvelles relations politiques et commerciales, sur des bases qui semblent baigner aujourd’hui dans le flou le plus total.

Ce qui survient au Proche et pourrait se produire au Moyen-Orient n’a rien à voir avec une transition droite/gauche à la française ou alternance républicains/démocrates à l’américaine.

▪ Les marchés, qui n’aiment pas les incertitudes, optent dans un premier temps pour la béatitude. Cependant, s’il apparaissait que les Etats-Unis perdent de leur influence dans des pays qui sont en train de s’inventer un autre avenir que celui imaginé par la Maison Blanche et le Pentagone, ils pourraient changer radicalement d’attitude.

Après l’accès de nervosité du week-end dernier et une correction qui a dépassé les -4,5% en quatre séances, la semaine s’est achevée sur un beau rebond boursier : +1,5% sur le CAC 40. La perte hebdomadaire se trouve ainsi ramenée à -2% à Paris.

Pour tous ceux qui se réjouissent que la tendance de fond haussière ressurgisse à la veille d’un week-end (un signe de confiance apprécié), la seule déception provient des volumes qui se sont nettement contractés (3,3 milliards d’euros). Cela prouve que les acheteurs ne sont pas revenus en force après quatre séances consécutives de repli.

Chez nos voisins, l’embellie se solde par une grosse performance de Milan (+1,85%) et Madrid (+1,65%), loin devant Londres qui gagne 1,2% et Francfort 0,75%.

Wall Street semblait trouver un second souffle à mi-séance. Le S&P a repris 1% et le Nasdaq 1,5%, à 2 780 points — ce qui lui permet de réintégrer son canal ascendant moyen terme. Plus timide, le Dow Jones n’affichait que +0,5%, handicapé par la lourdeur du secteur pharmaceutique (les valeurs défensives sont délaissées).

▪ L’optimisme des traders à New York a été ravivé par l’indice de la confiance des consommateurs publié par l’Université du Michigan. Il est révisé à la hausse, à 77,5 contre 75,1 en estimation préliminaire (et 74,2 pour janvier).

Wall Street aurait pu réagir négativement à la révision en nette baisse de la croissance au quatrième trimestre. Le PIB américain vient ainsi d’être minoré à 2,8%, contre 3,2% en estimation préliminaire, alors que les économistes tablaient plutôt sur une révision en légère hausse (à 3,3%).

Le chiffre définitif, qui sera publié mi-mars, permettra peut-être d’inscrire un score définitif de 3%. Cela sans que l’indice des prix ne bronche puisqu’il est confirmé à 1,8% en données brutes, l’inflation s’établissant à 0,5% hors alimentation et énergie (un miracle !).

Cet ajustement résulte d’une baisse de 2,5% de la consommation des ménages américains au quatrième trimestre (au lieu de -0,9% initialement). Toutefois, l’aspect rassurant de la situation conjoncturelle fin 2010, c’est l’envolée de 5,3% des investissements des entreprises — leur meilleur score depuis 2007.

▪ Les statistiques économiques sont un peu passées au second plan : les opérateurs gardent surtout leur regard braqué sur les cours du pétrole.

Loin de flamber comme la veille, le baril de WTI s’équilibrait vendredi autour de 97 $ sur le NYMEX, après avoir reflué nettement sous la barre fatidique des 100 $ jeudi en fin de matinée.

Mais s’il devait se maintenir entre 90 et 100 $ au cours des prochain mois — comme l’envisagent de nombreux experts –, le renchérissement de la facture pétrolière qui dépasse déjà 30% en un an risque de ruiner les efforts de nombreux pays pour combattre l’inflation.

▪ La Chine, surnommée l’usine du monde, est celle qui a potentiellement le plus à perdre au cas où ce scénario se confirmerait. L’arrimage du yuan au dollar a comporté jusqu’ici de nombreux avantages… mais avec une flambée durable du baril, cela devient clairement un inconvénient.

Bien conscient du problème, le Premier ministre chinois, Wen Jiabao, a réduit ce dimanche l’objectif de croissance de 8% à 7% pour les cinq prochaines années. Tout le monde sait bien que Pékin n’a pas encore réussi à freiner la croissance qui flirte toujours avec les 10% (10,3% en 2010). Pourtant, l’effet d’annonce pourrait avoir une influence positive sur le marché pétrolier ces prochaines heures.

▪ Aucune nouvelle révolution ne s’est enclenchée ce week-end. Si l’avenir de la Libye demeure très incertain, le contrôle du robinet gazier et pétrolier a pratiquement échappé à Mouammar Kadhafi.

Le seul risque serait qu’il ordonne la destruction des installations tombées aux mains de ses opposants — comme Saddam Hussein incendiant en représailles les puits koweïtiens qu’il ne pouvait plus exploiter suite à sa défaite face à la coalition en janvier 1991.

Cela pourrait créer un manque marginal et passager de l’approvisionnement sur le marché du « physique » que l’Arabie Saoudite s’est engagée à combler.

Quoi qu’il en soit, le terme de février — qui s’achève ce lundi — se solde par un sixième mois de hausse consécutif des indices boursiers occidentaux.

▪ Le mois de mars est souvent celui des renversements de tendance à moyen ou long terme — ce fut le cas notamment en 2003 et 2009. Le marché semble aussi invulnérable (à l’inflation, à l’insolvabilité des PIGS, à l’actualité géopolitique) aujourd’hui qu’il apparaissait incapable de se redresser deux ans auparavant à la même époque.

Malgré une correction de 2% en moyenne de Paris, de l’Eurotop 100 ou du S&P 500 la semaine dernière le pourcentage de haussiers n’a pratiquement pas varié. Remarquons toutefois qu’ils se sont montrés plutôt timides vendredi puisque les volumes ont fondu de 25% sur le CAC 40 et sur le Dow Jones par rapport à la moyenne des quatre séances de consolidation qui ont précédé le rebond.

Optimisme, certes… mais mise de fond symbolique et un coup d’oeil circulaire pour bien mémoriser l’emplacement des sorties de secours (4 000 points sur le CAC 40, 1 300 sur le S&P et 12 000 sur le Dow).

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