La Chronique Agora

Les maîtres de l'univers

** Goldman est de toute évidence "au sommet du monde", comme disent les journaux. L’industrie financière domine l’univers. Et ses Maîtres pointent chez Goldman. Cette semaine, le Maître des Maîtres de l’Univers a été officiellement accepté par le Sénat américain en tant que Maître du département du Trésor US.

* Dieu est en Son royaume. Goldman est au Trésor. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.

* Mais nous sommes pleins de points d’interrogation. Lorsqu’une entreprise est déjà au sommet du monde, où va-t-elle ensuite ? Et quel genre de monde est-ce, qui aurait à son sommet une entreprise comme Goldman ?

* Dans un monde plein de "-ations", nous notons la financiarisation, la mondialisation, la titrisation et la dérivation. Les mots sont longs, et nouveaux. Mais les idées sont vieilles et communes. En bref, c’est un monde favorisant le brassage de monnaie et la dette aux dépens de l’industrie et de l’épargne. Après tout, George W. Bush n’a pas demandé au président de General Motors de prendre le plus haut poste financier du pays, secrétaire au Trésor. Non, il s’est tourné vers l’alpha de toute cette entité floue et rusée, le "plus grand fonds de couverture au monde"… Goldman Sachs.

* S’est-il conclu un accord financier important ces cinq dernières années ne portant pas l’empreinte de Goldman ? Y a-t-il une obligation ou une reconnaissance de dette sur la planète ne mentionnant pas Goldman quelque part en petits caractères ? Y a-t-il une spéculation, un dérivé ou une transaction que Goldman n’ait pas commis à l’excès ?

* Non ? C’est pour cela que la firme new-yorkaise est une légende vivante. Ses innovations, connexions et ambitions ont transformé les Etats-Unis en Nation de la Spéculation. Et maintenant, la bulle de crédit que Goldman a contribué à créer menace non seulement l’économie mondiale — mais Goldman lui-même.

** Dans toute la sombre nuit de l’histoire, depuis le début des Etats-Unis d’Amérique jusqu’à l’aube du 21ème siècle, le pays a accumulé 5 700 milliards de dollars de dette fédérale brute. Six ans après les débuts ensoleillés du millénaire, le chiffre atteint déjà la moitié de cette somme. Au cours des mêmes années de ce début de siècle, la dette immobilière américaine a augmenté de 3 000 milliards de dollars, la majorité étant constituée de ces diaboliques prêts à taux variable — où les paiements grimpent après que les taux initiaux aient expiré. Et tout cet argent n’est pas utilisé pour acheter des maisons : "l’extraction de valeur" a grimpé à plus de 9% au troisième trimestre 2005.

* Pendant ce temps, le trading à l’échelle planétaire de Goldman a stimulé et accéléré l’insolvabilité aux Etats-Unis comme à l’étranger. Lorsqu’une grande entreprise — ou même une nation souveraine — veut emprunter de l’argent, vers qui se tourne-t-elle ? Vers Goldman, bien entendu. Ces milliers de milliards de dollars de transactions sur les dettes ont aidé les Etats-Unis à financer un déficit courant se montant à 7% du PIB national. Et ils ont attiré la nation la plus riche au monde — avec une position créditrice nette par rapport au reste du monde équivalent à 5% du PIB dans les années 80 — à devenir le plus grand débiteur de la planète, avec une position négative nette égale à 20% du PIB.

* A présent, les ménages américains sont confrontés à un double problème. Les taux grimpent. Et les remboursements immobiliers font de même. Plus de 1 000 milliards de dollars de prêts à taux variable vont grimper cette année. 1 700 milliards sont programmés pour l’année prochaine. En outre, le gouvernement US — qui a également réglé ses dépenses avec des financements de court terme à taux d’intérêt bas — doit maintenant refinancer l’équivalent de milliers de milliards de dollars d’obligations à des taux plus élevés. "George W. Bush a le plus gros prêt à taux variable du monde", déclare Niall Ferguson.

* Pas étonnant qu’ils aient fait venir Henry Paulson au département du Trésor.

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