La Chronique Agora

Les indices ont fait la moitié du chemin… mais dans quelle direction ?

** La débâcle de vendredi semble enrayée. Même si d’importants supports ont été cassés (notamment sur l’EuroStoxx 50, stable en clôture), les opérateurs n’ont pas déclenché de vague de ventes de précaution comme cela s’était produit mi-janvier puis mi-mars, les indices boursiers enchaînant les séances de repli dans une ambiance de plomb.

Pour autant, l’enfoncement des 4 880 points (MM100) survenu vendredi — et largement commenté ce week-end — n’était pas accidentel. Il était cependant logique de se demander si les circonstances exceptionnelles ayant entraîné une chute de 2,3% du CAC 40 pouvaient à leur tour susciter une contre-réaction sur les marchés pétroliers et délivrer les opérateurs de la peur de voir le baril tester les 150 $ avant fin juin (comme le prévoit une étude récente de Morgan Stanley).

Le pétrole n’est malheureusement pas retombé sous les 135 $ et le correctif haussier au-dessus des 4 993 points n’a pas eu lieu. L’indice CAC 40 s’est même enfoncé jusque sur 4 775 points, renouant avec ses planchers de la mi-avril, et n’a pu ensuite se hisser au-delà des 4 820 points. Mais ce qui est intéressant — et peut-être rassurant pour ceux qui n’ont pas vu la correction venir — c’est le fait qu’autour de 4 780/4 785 points, le CAC 40 vient de retracer très exactement 50% de la hausse engrangée entre 4 430 et 5 140 points, c’est-à-dire les clôtures extrêmes de l’année 2008. L’indice a donc fait la moitié du chemin… mais dans quelle direction ?

** C’est ce qui a motivé dès jeudi soir puis vendredi après-midi, sur le Téléphone Rouge, notre recommandation de profiter de cette situation pour engranger de copieux gains sur nos positions short (via les warrants et les trackers)… alors que nous redoutions 48 heures auparavant de voir la bourse de Paris suivre l’exemple du Nasdaq 100. Ce dernier a en effet franchi la dernière ligne de défense des bears — c’est-à-dire les 2 035 points — pour s’en aller effacer les dernières pertes résiduelles subsistant depuis la cassure du 3 janvier.

Et la résistance s’est effectivement organisée lorsque le CAC 40 a fait une première incursion vers 4 780 points. Les acheteurs étaient bien présents dès l’ouverture, et ils ont absorbé sans broncher les cinq premières salves de ventes qui se sont succédées jusqu’à l’heure du déjeuner.

Si nous n’avions pas voulu douter de la pertinence de notre stratégie baissière vendredi, nous aurions été contraints de la remettre en question ce lundi : la journée a été particulièrement active avec plus de six milliards d’euros échangés sur les 40 vedettes du CAC, un volume très comparable aux 6,6 milliards d’euros négociés vendredi.

** Toutes les valeurs liées de près ou de loin à la thématique « énergie » ont été très ramassées — ce qui n’est pas forcément bon signe d’un point de vue macro-économique, mais a stabilisé le marché parisien dès les premiers échanges. Nous n’aurions pas été surpris de voir le CAC 40 chuter vers notre objectif des 4 760 points dans le sillage des valeurs bancaires : ces dernières ont été affectées par de possibles nouvelles dépréciations massives d’actifs chez UBS (de deux à quatre milliards de dollars) puis par l’annonce de pertes historiques chez Lehman Brothers (-2,8 milliards de dollars) qui, malgré de récents démentis, va lancer une augmentation de capital de 6,1 milliards de dollars.

Cela n’a pas déstabilisé Wall Street, qui semblait pourtant très vulnérable à la résurgence de la thématique des subprime.C’est à ce moment qu’il nous est apparu difficile de ne privilégier que le scénario d’une rechute du CAC 40 vers les 4 500 ou du Dow Jones sous les 12 000.

L’indice industriel US a dans un premier temps rebondi « comme prévu » (+0,4%)… et c’est justement ce qui a bloqué le rebond des places européennes : il ne s’agissait apparemment que d’une reprise technique car le Nasdaq perdait symétriquement 0,8% supplémentaires, ce qui affectait CapGemini, Alcatel-Lucent ou STMicro.

Paris est donc resté entre deux eaux mais garde le contact avec les 4 800, l’Euro-Stoxx 50 clôturant inchangé (+0,02% à 3 598 points, pour ne pas dire 3 600), à un niveau qui correspond aux planchers de la mi-avril.

** Le reflux de 1,5% des prix du pétrole (à 136,5 $) n’a pas suffi à restaurer la confiance des opérateurs, durement éprouvée vendredi par la flambée historique du cours du baril, passé en 24 heures de 122 $ à 139 $ sur fond de tensions géopolitiques entre Tel-Aviv et Téhéran.

La glissade du dollar, invoquée dans un premiers temps jeudi dernier pour expliquer la flambée du marché pétrolier, semble enrayée vers 1,5730 après sa chute de 1% vendredi. Un trou d’air de -2% en 48 heures, consécutif aux piètres performances du marché du travail américain et aux déclarations de Jean-Claude Trichet augurant un durcissement de politique monétaire de la BCE début juillet : les taux longs remontaient lundi soir au-delà de 4% aux Etats-Unis et 4,5% en Europe.

Les craintes de poursuite de la récession aux Etats-Unis s’estompaient un peu ce lundi avec la publication d’une hausse de 6,3% des promesses de ventes de logements en avril : c’est le premier signe d’embellie sectorielle observé depuis longtemps. La question qui nous préoccupe est de savoir combien les promoteurs ont dû « lâcher » pour attirer les acheteurs… et subsidiairement, combien de dossiers d’emprunteurs vont réussir leur examen de passage.

Nous avons le sentiment que l’évolution des prix ces dernières semaines ne va pas contribuer à faire que les propriétaires se sentent plus riches… ou les banquiers plus sûrs de revoir leur argent.

Philippe Béchade,
Paris

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