La Chronique Agora

Les gladiateurs descendent dans l'arène

1 — EDF convoiterait RWE
EDF aurait en ligne de mire RWE, le n°2 de l’électricité en Allemagne derrière E.ON. C’est une radio allemande qui aurait divulgué l’affaire, avec force détails. Alors certes, c’est ENCORE une rumeur, mais pour le coup, elle me paraît bien réelle. EDF serait même prêt à renoncer à ses 45% dans le capital de l’électricien allemand ENBW pour éviter les problèmes de concurrence. Il y a certainement des pourparlers en cours, c’est une évidence. Déboucheront-ils ? Impossible à dire. EDF, je l’apprends à l’instant, aurait démenti. Berlin aussi.

Qu’est ce qui est en jeu ? La création d’une gigantesque puissance électrique au cœur de l’Europe. Mais pas seulement… Car tout comme EDF, RWE achète et distribue aussi du gaz. Le premier affiche une capitalisation de 118 milliards d’euros, le second, de 44 milliards d’euros.

Que deviendrait le rapprochement Suez – GDF dans tout cela ? Le mix énergétique est stratégique. Il faut être clair. EDF peut faire du gaz et le distribuer sans GDF. GDF ne peut pas, seul, distribuer de l’électricité. Alors bien sûr, SUEZ pourrait être une bonne option. Mais elle n’est pas complètement satisfaisante, à mon humble avis.

Délirons un peu… Que pensez-vous d’un Suez-GDF-RWE ? Ça ne serait pas mal du tout… Non ?

2 — Oleg sur tous les fronts
Deuxième nouvelle de la journée, qui touche toujours à nos matières premières favorites : le roi de l’aluminium Rusal, devenu n°1 du secteur suite à la fusion de Rusal, Susal et du suisse Glencore, aurait des visées sur Chrysler. Ou plus précisément son président Oleg Deripaska (retenez ce nom !), 2ème fortune russe, 40ème fortune mondiale, très proche de Poutine. Il a construit son empire lors des privatisations des années 90, comme tout oligarche qui se respecte !

Son holding privé (Basic Element) investit partout. Assurance, énergie, agriculture, aéroports, construction, BTP et… industrie automobile. Il semble parti pour aider l’équipementier automobile canadien Magna et le financier Onex à racheter le constructeur américain Chrysler.

Eh oui… Le boom des matières premières (ici plus précisément de l’aluminium) a généré des profits gigantesques. Je vous le disais déjà hier en parlant des rumeurs de rachat par BHP Billiton de Rio Tinto.

Et tout cet argent sert aujourd’hui à racheter des entreprises, faire monter les enchères, concentrer le secteur des matières… Après avoir accumulé pendant des années des sommes faramineuses grâce à l’envolée des cours des ressources naturelles, les groupes abattent aujourd’hui une à une leurs cartes sur la table. Un véritable jeu de Monopoly, grandeur nature…

Restons en Russie, dans les hydrocarbures
Rosneft a mis la main sur la quasi-totalité des actifs de Ioukos, l’ex-empire du pauvre Khodorkovski, totalement démantelé. Je ne me ferai décidément jamais aux méthodes russes… Maintenant, Vladimir Poutine a donc deux énormes monopoles russes à sa disposition, l’un dans le gaz (le géant Gazprom), l’autre dans le pétrole (avec Rosneft). Le marteau et l’enclume des temps modernes… La concentration des pouvoirs politique, économique, financier et stratégique entre les mains de cet homme est tout simplement faramineuse. Et malsaine… A côté de lui, Bush fait presque « enfant de cœur ».

Et là encore, toute cette puissance repose sur les matières premières. La Banque centrale russe fait tourner la planche à billets à tout va, et inonde le pays de roubles. Avec comme sous-jacent non plus les réserves d’or comme par le passé, mais les matières premières dont les cours s’envolent. Ce qui permet tous les excès… Et que font les Russes avec tout cet argent ? Ils rachètent des groupes occidentaux de plus en plus grands et gros. A l’image de ce que font d’ailleurs déjà les Indiens et Chinois.

Ce qui m’amène directement à l’OPA d’Alcoa sur Alcan

Alcoa veut redevenir le n°1 de l’aluminium
Pourquoi Alcoa veut-il ingurgiter Alcan ? Parce qu’il sait très bien qu’il y a urgence. Voilà deux ans que les pourparlers entre les deux groupes patinent. Alors Alcoa prend les devants. Passant par-dessus le management de son concurrent, il s’adresse directement aux actionnaires d’Alcan. Objectif : redevenir le n°1 de l’aluminium. Bel enjeu ! Le nouveau groupe produirait sept millions de tonnes d’aluminium contre quatre millions pour le n°1 actuel, le russe Rusal (Oleg Deripaska !)

Pourquoi y a-t-il urgence ?

** D’abord parce qu’il pourrait se faire souffler Alcan par un groupe minier occidental ou russe (Rusal !). Quand les opportunités sont là, il faut savoir les saisir ! D’ailleurs, cela ne m’étonnerait pas de voir un gros groupe minier faire une surenchère sur l’offre hostile d’Alcoa. Attendons de voir…

** Pire : s’il ne grossit pas, Alcoa pourrait devenir la cible de gros groupes miniers comme Rio Tinto ou BHP (les rumeurs de rachat d’Alcoa par ce dernier sont régulières), voire Rusal…

** Enfin, n’oubliez pas que l’aluminium est au plus haut. Son cours a doublé en quatre ans. Il cote actuellement autour de 2 800 $ la tonne sur le LME. Des profits énormes ont été engrangés. C’est le moment ou jamais de se lancer…

** Et puis il faut avoir une taille critique sur le marché. Alcoa ne l’a plus, Alcan non plus. Tous les deux perdent des parts de marché du fait de l’émergence des Russes et des Chinois, qui contrôlent déjà 30% du marché de l’aluminium. Et cette tendance ne fait que commencer. Ces deux pays surfent sur l’envolée des cours de l’aluminium, mais aussi sur des coûts de production hyper-compétitifs, pour s’imposer. Nos deux groupes américain et canadien n’ont pas ce dernier avantage. Il leur faut donc réagir. Réagir pour survivre… Alcoa l’a parfaitement compris. Pas Alcan.

Les actionnaires le comprendront-ils ?

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