** Cette mi-février est marquée par la multiplication des signaux de ralentissement économique en Europe mais aussi par la publication de chiffres moins mauvais que prévu aux Etats-Unis.
Wall Street n’en a pas profité la semaine dernière : les investisseur demeurent dubitatifs sur l’efficacité des mesures de relance et jugent la mise au point du TARP 2 — présenté au Congrès mercredi par Timothy Geithner — très laborieuse et pleine de zones d’ombre.
Même si le phénomène n’a pas fait la une des journaux télévisés, le pétrole a subi une violente rechute jusque sur 33,5 $, égalant ses plus faibles niveaux depuis le 19 décembre ou le 15 janvier. Dans le même temps, les stocks de brut, d’essence et de fioul continuent de gonfler aux Etats-Unis.
Une cassure des planchers annuels en direction des 30 $ n’est plus à l’ordre du jour puisque les cours ont repris 5% vendredi dernier en début de soirée. Cette faiblesse traduit cependant le pessimisme excessif qui règne au sujet de la conjoncture mondiale.
Sur le front des valeurs mobilières, le phénomène d’aversion au risque est réapparu et s’est soldé le mercredi dernier par un arbitrage massif des actions (-4% à -5% en moyenne) au profit des bons du Trésor. Leur rendement s’est détendu de près de 20 points de base en une semaine à 2,77% sur le T-Bond à 10 ans et à 3,50% sur le 30 ans.
** Les indices boursiers ont bien tenté de rebondir le vendredi, mais sans grande conviction… ni volumes à l’achat puisque 2,48 milliards d’euros seulement ont été échangés. Le début de séance promettait beaucoup, mais la prudence l’a finalement emporté à la veille d’un pont de trois jours aux Etats-Unis.
Wall Street, fermé aujourd’hui, n’a pas tardé à subir les effets d’ajustements de positions de la part d’opérateurs qui ne veulent prendre aucun risque… même si le Congrès vient de valider le plan de relance de 789 milliards de dollars — ce qui était largement attendu.
Les places européennes parvenaient à terminer la journée sur une note positive (+1,% environ) mais la hausse fut sans commune mesure avec les de 2,5% de gains affichés au cours de la matinée. La semaine s’est donc achevée sur une perte de 4,3% sur l’Euro Stoxx 50, très comparable à celle du Dow Jones (-5,1% et -10% depuis le 1er janvier).
L’indice phare de Wall Street éprouve beaucoup de difficultés à refranchir le palier des 8 000 points et s’y maintenir. La rechute de 1% du Dow Jones vers les 7 850 points et de 0,5% du Nasdaq vendredi dernier démontre que les mains acheteuses demeurent fragiles. Le constat est le même pour le CAC 40 qui butait sur les 3 000 points (à 2 997 points).
** Comme un symbole de la vulnérabilité des marchés, Londres basculait dans le rouge (-0,3%) au cours des derniers échanges alors que Lloyds s’effondrait de 33%. Le groupe pâtit de lourdes pertes liées au rachat de HBOS. L’Angleterre se prépare à connaître sa pire récession depuis le début des années Thatcher, avec un chômage réel qui dépasserait déjà largement les 14,5% — le taux officiel étant de 6,4%.
Tony Blair a reconnu que ces chiffres sont truqués. L’ex-premier ministre a révélé que sur quatre millions "d’handicapés" recensés outre-Manche — un record mondial rapporté à la population totale –, trois millions sont atteints d’une invalidité fictive (myopie, strabisme, légère surdité, spasmophilie… tout y passe), ce qui constitue un camouflage du chômage réel.
L’escroquerie du mythe du plein emploi ne s’arrête pas là puisqu’il faut rajouter 750 000 femmes répertoriées comme parents isolés et qui ont droit à une "généreuse indemnité" (une sorte de RMI amélioré)… à condition de rester dans leur doux foyer et ne pas faire mine de chercher du travail.
Ces heureux sujets de Sa Majesté, sponsorisés par le gouvernement, n’ont effectivement plus aucune chance de retrouver un poste dans un pays où la contraction du PIB pourrait atteindre 5% d’ici la fin du premier semestre 2009.
** Pour mémoire, le PIB de la Zone euro (à 15) et celui de l’Union européenne (27 membres) s’est contracté de 1,5% par rapport au trimestre précédent, selon les estimations rapides publiées par Eurostat, l’Office statistique des Communautés européennes.
Principal moteur de l’économie européenne, le PIB allemand s’est de fait contracté de 2,1% au quatrième trimestre par rapport au troisième, après deux baisses consécutives de 0,5% les trimestres précédents. Le PIB français s’est quant à lui replié de 1,2% au quatrième trimestre 2008, selon l’estimation provisoire du ministère de l’Economie, et sur l’ensemble de l’année 2008, la croissance n’a atteint que 0,7%.
** Beaucoup d’opérateurs reconnaissaient vendredi que l’actualité du jour ne les avait guère inspiré et qu’une des préoccupations qu’ils gardaient en tâche de fond concernait la météo du premier week-end des vacances de février… et, pour certains d’entre eux, l’état des routes menant aux stations de ski.
Avec l’enneigement exceptionnel qu’ont reçu tous les massifs montagneux, les routes sont très glissantes ; l’usage des chaînes s’impose dans la plupart des cas pour gravir les derniers kilomètres… et il faut de surcroît faire très attention au danger d’avalanche.
L’analogie avec les marchés financiers est assez frappante. Manifestement, les indices boursiers affrontent des conditions hivernales extrêmes et patinent dans les montées tandis qu’ils ont le plus grand mal à s’arrêter dans les descentes.
Tous les gouvernements essaient d’installer des chaînes sur les roues motrices de leurs économies (soutien au système bancaire ainsi qu’investissement dans l’industrie et le BTP). Cependant, ils se montrent souvent maladroits et donnent l’impression d’avoir toutes les peines du monde à interpréter le mode d’emploi — par quel bout commencer, comment bien positionner les attaches et verrouiller le dispositif ?
Les premiers à reprendre la route sont les Américains. Ils s’apprêtent à redémarrer tout doucement en évitant de faire rugir leur moteur huit cylindres de 4,2 litres qui développe 225 chevaux. Si les chaînes tiennent bon, ils pourront accélérer progressivement. Ils seront même en mesure de tracter les maladroits qui n’ont pas réussi à équiper leurs véhicules des dispositifs d’hiver adéquats.
Mais attention, il ne suffit pas d’être en mesure de gravir avec détermination les premiers lacets des routes enneigées. Un autre danger beaucoup plus considérable guette les automobilistes : il s’agit des avalanches, toujours imprévisibles et souvent dévastatrices. Et les marchés en ont déjà subi toute une série depuis septembre dernier : il s’agissait d’avalanches de faillites et de sinistres indicateurs économiques !
Philippe Béchade,
Paris