La Chronique Agora

Les "Big Three" en mauvaise posture

** Le verdict est tombé dans la nuit de jeudi à vendredi — le plan proposé par le Congrès US pour le renflouage des trois grands constructeurs automobiles américains a été refusé par le Sénat. Entre nous, je trouve un peu mesquin de mégoter sur 15 milliards de dollars alors que des centaines de milliards viennent d’être déboursés (sans doute en vain) pour tenter de sauver un système déliquescent.

Philippe Béchade nous présentait son analyse de la situation jeudi : "[Le plan de renflouage des Big Three] pourrait être retoqué par le Sénat où les républicains ultralibéraux demeurent très influents et continuent de se montrer hostiles au ‘sauvetage des dinosaures’ avec l’argent des contribuables. Ils se sont pourtant fait beaucoup plus discrets lorsque 200 milliards de dollars ont été mobilisés dans l’urgence pour sauver — par voie de renationalisation pure et simple — les GSE (notamment Freddie Mac et Fannie Mae) le week-end des 6 et 7 septembre derniers".

"Est-il bien utile de rappeler à nos lecteurs que les GSE se sont longtemps distingués comme de très généreux sponsors de candidats républicains et même comme ancien employeur — dans le cas de Freddie Mac — du directeur de la campagne de John McCain ?"

"Nous ne saurions accuser les sénateurs les plus intransigeants au sujet du respect des principes libéraux de faire preuve de ‘sévérité sélective’… mais nous les trouverions plus crédibles s’ils dénonçaient avec la même véhémence les 150 milliards de dollars d’argent publics engloutis — et ce pourrait être en pure perte — dans la tentative de sauvetage d’AIG, autre sponsor notoire de parlementaires républicains ‘bon teint’."

Hé oui, le coeur politique a ses raisons que la raison économique ignore…

En attendant, GM et les autres constituent un exemple typique de sociétés en panne… à court de liquide… et attendant désespérément des secours. Lesquels pourraient venir d’une source inattendue — et s’accompagner d’effets collatéraux pas forcément positifs, comme nous l’explique Jean-Claude Périvier dans la lettre Défis & Profits : "L’effondrement des bourses occidentales en particulier — mais pas uniquement — est une opportunité de bonnes affaires pour qui a de l’argent, et les Chinois en ont.

"[…] la chute des prix excite les investisseurs chinois, sans parler de l’appétit permanent pour les matières premières. Voilà qui pourrait être une bonne nouvelle pour les compagnies occidentales à la recherche d’argent frais et en panne de crédit. Ce pourrait être un bon moyen pour s’extraire de cette période de récession, pensent certains managers. De fait, les choses évoluent. Les Américains comme les Européens pensent en effet que les investisseurs chinois ont du bon pour sortir de la mauvaise passe actuelle. Et ils ont tendance maintenant à céder aux sirènes chinoises"…

"Les sociétés chinoises ont investi 34 milliards de dollars au premier semestre 2008 (229% de plus qu’en 2007 sur la même période), et leurs caisses sont remplies de dollars, tandis que leurs taux d’intérêt baissent".
 
"Des achats significatifs ont commencé : ceux du Norvégien Awilco Offshore comme de la banque sud-africaine S.O. Standard Bank ont retenu l’attention, mais les Chinois sont partout : en Amérique latine pour acquérir des mines, en Afrique pour des exploitations agricoles et des infrastructures. Tout cela procède d’une démarche patiente et méthodique à laquelle il est difficile de résister, mais qui inquiète les pouvoirs publics occidentaux".

"On a appris le mois dernier que les Chinois avaient réussi une nouvelle percée au sein de l’Union européenne, en Grèce plus précisément. Le port du Pirée, l’un des plus importants de Méditerranée, va être géré par une société chinoise, Cosco Pacific ! La concession, d’une durée de 35 ans, confiera donc aux Chinois la gestion du parc de conteneurs. Quand on sait que le gestionnaire d’un port peut paralyser tout mouvement et par là même tout le commerce, il y a de quoi s’interroger (l’histoire est peu connue, mais un grand port français a failli être paralysé il y a quelques années par un piratage de son système informatique de gestion des conteneurs)".

A l’ère de la mondialisation, la colonisation peut prendre d’autres formes que l’offensive armée ou l’occupation des territoires… et la Chine nous démontre qu’elle est en train de passer maître dans ces nouvelles tactiques.

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