▪ Voilà quelque chose d’intéressant. Tous les ans, le magazine Foreign Policy ["Politique étrangère", ndlr.] élabore une liste des 100 Plus Grands Penseurs de la Planète. Nous l’avons parcourue, en cherchant notre nom…
Mais attendez…
La clé, ici, c’est que ce sont des penseurs "mondiaux". Ce ne sont pas uniquement des penseurs, en d’autres termes, ce sont des gens qui pensent à la manière dont les gens de l’autre côté de la planète devraient conduire leurs affaires.
Avant même de regarder la liste, nous avions des soupçons. "Politique étrangère" ? Nous sommes contre. Pourquoi nous inquiéter de choses qui ne nous concernent pas ?
"Eh bien… on ne peut pas se mettre la tête dans le sable", répondrez-vous peut-être. "Il faut s’y intéresser, parce que les choses qui se passent à l’étranger vous affectent".
Oui, c’est vrai. Elles nous affectent. Mais il en va de même pour le prix du whisky, les embouteillages sur l’autoroute et la météo. Aucun ne vaut la peine qu’on y pense. Nous ne pouvons rien y faire. Et il serait indécent d’essayer.
Imaginez que nous nous intéressions soudain à l’activité d’un fabricant de whisky. Que pourrions-nous faire ? Le forcer à baisser ses prix ? Essayer de lui montrer comment fonctionner plus efficacement — comme si nous en avions la moindre idée ? Mettre en place un cartel d’acheteurs pour négocier des prix plus bas ? Au mieux, nous perdrions notre temps. Au pire, nous réussirions ! Le producteur de whisky ne réagirait alors plus aux forces du marché… mais aux forces des empêcheurs de tourner en rond. Quel bazar ce serait !
Se mêler des choses qui vous sont proches est déjà assez mauvais. Se mêler de choses lointaines est pire encore. L’ignorance se multiplie au carré de la distance. Plus on s’éloigne, plus il est difficile de voir ce qui se passe. Les détails disparaissent. Tout ce que l’on peut voir, ce sont des contours vagues. Des ombres… des reflets… des silhouettes… Dans le noir, vous marchez sur tous les râteaux et tombez dans tous les trous.
Et en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, vous exigez des "réformes" dans des pays dans lesquels vous n’avez jamais mis les pieds… vous fixez le cours de la devise chinoise… et vous envahissez l’Irak.
▪ Mais voyons plutôt qui, selon le magazine Foreign Policy, sont les 100 plus grands penseurs du monde.
Oh-oh. Aux premier et deuxième rangs, on trouve Warren Buffett et Bill Gates. Hmm. Ce sont des hommes intelligents. Mais qu’est-ce qui en fait des "penseurs" ? A quoi ont-ils pensé ? Et quelles sont leur pensées sur le sujet ?
Selon Foreign Policy, ils sont là non pour leurs contributions à la richesse de l’humanité, mais à cause de leurs activités caritatives. Attendez une seconde. Qu’est-ce que la philanthropie a à voir avec la pensée ?
Bon… nous donnons notre langue au chat pour celle-ci. Alors qui est le troisième penseur ? Barack Obama ! Non, là… ça devient ridicule. Avez-vous déjà vu Obama trouver une pensée originale ? Non. Ce n’est pas son truc. Il est politicien. Les politiciens ne sont pas des penseurs. Ils peuvent faire… mais ils ne pensent pas.
A l’occasion, on obtient un politicien qui fait semblant d’être un penser, comme Woodrow Wilson, qui était président de l’Université de Princeton. Mais au fil du temps, il se révèle quasi-invariablement être un idiot et une canaille.
Il doit y avoir des exceptions — Marc-Aurèle et Thomas Jefferson nous viennent en tête. Cependant, ils semblaient mal adaptés à la profession politique, et auraient probablement dû éviter les fonctions publiques.
Alors continuons. Il doit bien y avoir quelqu’un sur cette liste qui soit un vrai penseur.
Revenons à l’année dernière… voyons voir… qui était le premier penseur de Foreign Policy ?
Ben Bernanke !
Eh bien, c’est le pompon. Qu’est-ce qui se passe avec ces gens ? Ne peuvent-ils faire la différence entre des charlatans fatigués, avec des idées usées et vides de sens… et de vrais penseurs ?
Les rédacteurs de Foreign Policy devraient penser, eux aussi. Peut-être qu’alors, ils se mêleraient de ce qui les regarde.