La Chronique Agora

L'économie n'est pas une voiture

** L’économie n’est pas une voiture. On ne peut pas simplement appuyer sur la pédale de frein, changer de vitesse, allumer le clignotant et s’en aller vers le soleil couchant. Ce n’est pas aussi mécanique que les économistes sans imagination aimeraient vous le faire croire.

– Non, le problème, c’est que toute l’économie mondiale est orientée vers la production de biens achetés à crédit. Avec un marché baissier du crédit pour le moins brutal, la capacité de production est beaucoup trop importante par rapport à la chute abrupte de la demande mondiale. Trop de choses produites, pas assez de gens pour les acheter. La réponse du gouvernement : pousser les gens à acheter plus de choses en leur donnant plus d’argent. Ce qui est, pour utiliser le terme exact, vraiment idiot.

– Si vous êtes du type anti-matérialisme, le marché baissier du crédit et la chute de la demande en "trucs" est une bonne chose. Les "trucs", ça encombre. Si vous en achetez trop, vous devez louer un local pour les entreposer. Comme l’a dit un jour George Carlin, "voilà ce qu’est votre maison. Un endroit pour entreposer vos trucs pendant que vous allez acheter d’autres trucs".

** Les actions sont aussi des "trucs". Et cette semaine, du moins à New York, les trucs que les investisseurs possèdent ne s’en sont pas très bien sortis. On peut sentir l’indécision des investisseurs. Elle flotte dans l’air au-dessus du marché. Il serait agréable de croire que les marchés financiers ont atteint leur plancher et que l’économie, même si elle ne remontera pas en 2009, ne tombera pas plus bas.

– Les soi-disant experts ne sont pas d’accord à ce sujet. L’économiste Jeffrey Sachs a dit au quotidien espagnol El Pais que le monde affrontait une récession sévère, mais pas une Grande Dépression. Il a raison au moins sur un point. Ce ne sera pas la Grande Dépression. Elle a déjà eu lieu dans les années 30. Ce serait plutôt la "Plus Grande Dépression", comme l’appelle notre ami Doug Casey.

– Sachs voudrait rassurer les gens. La récession ? Oui. La dépression ? Pas de risque. Mais pourquoi pas ? La présidente de la Fed de San Francisco, Janet Yellen, a déclaré que cette récession ne sera pas une récession "ordinaire" et qu’elle sera "plus longue et plus profonde" que la normale. Mais qu’est-ce que cela signifie réellement ? Cela signifie certainement une contraction continue dans l’emploi, les services et la production.

– "La baisse actuelle devrait durer plus longtemps que les baisses précédentes… Nous aurons de la chance si la récession se termine en 2009", a déclaré Martin Feldstein, ancien président du Bureau national d’analyses économiques des Etats-Unis. Feldstein a ajouté que le gouvernement n’aura d’autre choix que de se mouiller et de dépenser beaucoup pour rattraper la chute des dépenses de consommation et d’investissement d’affaires.

– Mais voici ce que nous pensons. Peut-être que les gouvernements essaient de maintenir tout un système économique qui n’est simplement plus adéquat. Nous prévoyons un renversement dans la psychologie de masse quand les gens vont cesser de se voir comme des consommateurs… et commencer à se voir comme des gens. Il se peut même qu’ils commencent à se voir comme des producteurs créatifs… de leur propre nourriture, ou d’un travail qui ne leur donne plus le sentiment d’être aliénés.

– Nous n’avons pour autant aucune idée de ce que cela signifie pour le prix des actions. Mais nous restons sur nos prédictions de l’année dernière. La bulle des bons du Trésor US pourrait encore se la jouer Nasdaq (c’est-à-dire grimper à des niveaux complètement irrationnels et inimaginables). Mais vous pourriez voir, durant le premier trimestre, un mouvement sortir hors des liquidités et des obligations gouvernementales vers les valeurs boursières.

– C’est le rebond boursier dont nous avons besoin, ne serait-ce que pour préserver notre bien-être émotionnel. Il n’est pas difficile de voir comment cela se produit. Les gens ont tendance à acheter des actions parce qu’elles montent et à les vendre parce qu’elles chutent. Nous allons assister à un rebond contre-cyclique.

– Après ça ? Vous verrez la longue réorientation de la vie économique mondiale. La rareté — des capitaux et des matières premières — va se réaffirmer. La capacité de production excessive va rouiller, s’enrouer et se couvrir de toiles d’araignées. Il y aura un vrai travail à faire… à mains nues.

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