La Chronique Agora

Le scepticisme pétrolier de Wall Street

** La Chine est en pleine explosion ; le Moyen-Orient est en pleine implosion. Le pétrole doit être "à l’achat"… au moins sur les creux. Et si le pétrole est "à l’achat", il devrait en être de même pour  les valeurs pétrolières… au moins sur les creux. Malheureusement, ce genre de raisonnement par déduction a produit des résultats peu enthousiasmants ces derniers temps. Les cours record du pétrole n’ont pas déchaîné de passion pour les valeurs pétrolières.

– Dans ce curieux dédain à leur égard, nous pensons percevoir une opportunité d’achat. Mais soyez prévenu, la plupart des esprits sophistiqués peuplant les places mondiales ne seraient pas d’accord avec vous. Le scepticisme à l’égard des valeurs pétrolières est une des caractéristiques principales des marchés, en particulier à Wall Street.

– Les analyses de Wall Street ont terriblement sous-estimé le potentiel de gain du secteur pétroler depuis que le marché haussier de l’or noir a commencé. Ce scepticisme finira peut-être par produire une prévision exacte — mais probablement pas tant que les missiles se croiseront au-dessus de la frontière israélo-libanaise, ni tant que l’économie chinoise enregistrera une croissance à deux chiffres de son PIB.

** Durant le second trimestre 2006, la Chine s’est développée de pas moins de 11,3% — son rythme le plus rapide en plus de dix ans. Après avoir publié ce chiffre stupéfiant lundi, le gouvernement chinois a promis de serrer la vis des prêts et des investissements, comme il avait promis de le faire après le PIB vigoureux du premier trimestre.

– Mais visiblement, on ne fait pas toujours ce qu’on dit. C’est vrai que la banque centrale chinoise a déjà augmenté ses taux d’intérêt une fois cette année, tout en poussant les banques à réduire quelque peu leurs prêts. Mais une minuscule hausse de taux ne suffit absolument pas à ralentir le mastodonte de l’économie chinoise.

– Pour remettre cela en perspective, rappelez-vous que la Réserve fédérale américaine a augmenté ses taux 17 fois d’affilée depuis juin 2004. Pourtant, l’économie américaine continue son chemin. Si 17 hausses n’ont pas suffi à mettre à genoux l’économie américaine, dont la croissance est plus lente… est-ce qu’une seule hausse handicapera la puissante économie chinoise ?

– Nous en doutons.

– L’économie chinoise a été multipliée par dix depuis que Deng Xiaoping a entamé ses réformes en 1978 ; elle a dépassé la Grande-Bretagne, pour atteindre le quatrième rang mondial. Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que la Chine soit devenue un consommateur de plus en plus vorace de pétrole brut. L’économie du pays, qui s’industrialise rapidement, consomme environ sept millions de barils par jour, arrivant en deuxième place derrière les Etats-Unis et leurs 22 millions de barils quotidiens.

– Il ne fait aucun doute que l’économie chinoise subira un ralentissement à un moment ou à un autre dans le futur. Mais les booms suivant les krachs, la consommation pétrolière du pays ne peut qu’augmenter inexorablement. Et bien entendu, la Chine n’est pas le seul consommateur de pétrole brut. Le reste du monde brûle 8% de pétrole supplémentaire par rapport à 2003 — une quantité équivalent à six millions de barils par jour.

** Par conséquent, la croissance de la demande chinoise n’est qu’une partie de la demande que les analystes de Wall Street sous-estiment. De l’autre côté, le renouveau des hostilités en Israël ne représente qu’un seul composant des risques menaçant le ravitaillement — eux aussi sous-évalués par les analystes.

– Peut-être est-ce pour cette raison qu’ils ont passé la majeure partie des trois dernières années  à sous-estimer les bénéfices des entreprises pétrolières. Début 2005, par exemple, Wall Street s’attendait à ce qu’ExxonMobil gagne 4,20 $ par action, tout en prédisant que les bénéfices du géant pétrolier CHUTERAIENT à 4,02 $ par action en 2006, avant de retomber à 3,95 $ en 2007.

– Jusqu’à présent, cependant, les marchés de l’énergie ont refusé d’accepter les perspectives pessimistes de Wall Street.

– ExxonMobil a gagné 5,35 $ par action l’an dernier, et est en bonne voie pour une nouvelle augmentation de ses profits cette année. L’estimation actuelle du consensus pour les bénéfices 2006 d’Exxon est à 6,17$ l’action — plus de 50% au-delà des bénéfices attendus par Wall Street il y a 16 mois seulement.

– Depuis que le brut a dépassé les 35 $ le baril début 2003, le gratin de Wall Street n’a fait que rattraper et réviser ses estimations hasardeuses. Et même maintenant, alors qu’ils se trompent du tout au tout depuis plusieurs années, les analystes s’accrochent à leurs prévisions sceptiques. Ils s’attendent à ce que les bénéfices d’Exxon CHUTENT à 5,75 $ d’ici 2008.

– Peut-être, comme semblent l’imaginer ces sceptiques, que l’économie chinoise ralentira peu à peu, tandis que la paix s’installera soudain au Moyen-Orient. Mais dans un monde où les réserves pétrolières sont rares, le marché haussier du pétrole mérite le bénéfice du doute… surtout quand le doute en question provient de Wall Street.

 

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