La Chronique Agora

Le pétrole a "nettement reculé"… c’est juste son cours qui n’a pas bougé !

▪ Le CAC 40 a démontré hier des ressources insoupçonnées. Il avait effacé en quelques heures vendredi dernier la moitié des pertes des quatre séances précédentes ; chacun s’attendait à le voir reprendre son souffle.

C’est bien ainsi que les choses se sont passées… durant les deux premières heures de cotation. Car les haussiers sont vite revenus à la charge : après une entame de séance timide, l’indice CAC 40 s’en est allé refermer le gap des 4 088 points. Il a ensuite littéralement bondi par-delà les 4 110 points — sans lien avec une baisse du baril de pétrole ou un rally des indices US — puis les 4 130 points, revenant à moins de 1% de son zénith annuel inscrit il y a 10 jours.

Le millésime boursier de février se solde ainsi par un gain global de 2,6%. C’est le sixième mois de hausse sur une série de huit (et le troisième consécutif) pour le marché parisien… et c’est du six sur six pour le Nasdaq qui a brièvement retracé les 2 800 points.

Le vent d’euphorie s’est un peu calmé en Europe en fin de journée. Cependant, le CAC 40 est resté ancré au-dessus des 4 100 points. Il reconstitue une marge de sécurité de près de 3% par rapport à sa MM50 (3 990 points) ; cela invalide une fois encore les indications clairement baissières véhiculées par les oscillateurs hebdomadaires.

Il semble y avoir eu une fois encore une ferme volonté de tirer les indices pour cette ultime séance du mois, en espérant que les gains accumulés inciteront les gérants à prendre encore plus de risques en cette entame de mois de mars.

▪ Pour qui se contente de surfer sur une tendance désormais éternellement haussière, les raisons de ce mouvement perpétuel se résument à une formule volontairement anodine : « marché de flux ».

Vous ne manquerez pas de la compléter par les précisions qui conviennent : « flux de fausse monnaie imprimée sans limite théorique par la Fed et destinée à enrichir — également sans limite — les fossoyeurs du système financier ».

L’autre observation, c’est que les commentateurs succombent plus que jamais à la tentation de déduire des cours de Bourse la raison qui les a fait grimper ou reculer.

▪ Ils se sont donc empressés — sans le moindre commencement de preuve — de justifier l’envolée indicielle du jour par le net recul du pétrole (c’est juste son cours qui n’a pas bougé !) suite à un flux (encore un !) de « bonnes nouvelles » en provenance de Libye : la démocratie et la prospérité viendraient donc de s’établir en un week-end après 42 ans de dictature ?

Les dernières informations disponibles laissaient espérer une chute imminente du régime de Mouammar Kadhafi. Les défections se sont multipliées dans son entourage ces dernières 72 heures, et les insurgés seraient aux portes de Tripoli.

Le dictateur ne contrôle plus la production pétrolière… mais c’était déjà le cas vendredi dernier (certains commentateurs semblent le découvrir tardivement).

Nous continuons de redouter, comme nous l’écrivions lundi, que Mouammar Kadhafi — dont les actifs sont peu à peu gelés partout dans le monde et qui dispose encore d’un arsenal militaire impressionnant — ne décide que, perdu pour perdu, il lui reste encore la possibilité d’ordonner la destruction de certaines installations pétrolières.

S’il ne passe pas à l’acte, c’est peut-être parce qu’une telle menace lui permet encore de négocier un exil ou une immunité pour lui et sa famille avec les puissances arabes et occidentales qui exigent son départ.

Pour en revenir à la prétendue décrue du cours de l’or noir si favorable aux indices boursiers, nous n’en avons pas trouvé trace !

Le marché pétrolier, que nous supposons le mieux informé et le premier concerné, ne bouge pratiquement plus depuis vendredi. Il a enregistré un repli symbolique de 0,5% du prix du baril, à 97,2 $ ce lundi soir — les exportations de pétrole ont repris dans l’est de la Libye.

▪ L’accalmie temporaire des tensions géopolitiques aurait également occulté les mauvais chiffres rendus publics hier à 14h30 par le département du Commerce américain. Les dépenses des ménages n’ont augmenté que de 0,2% en janvier après avoir progressé de 0,5% en décembre — alors que le consensus tablait sur un score inchangé de 0,5% d’un mois sur l’autre.

La hausse de 1% des revenus des ménages laissait espérer une expansion de la consommation américaine dans un climat de confiance retrouvée, d’après l’indice du Michigan publié vendredi. Cependant, il ne s’agit que d’une moyenne ; les principaux bénéficiaires de cette manne salariale sont ceux qui viennent de percevoir leurs primes de fin d’année… et plus précisément une partie des 140 à 150 milliards de dollars de bonus versés aux brasseurs d’argent de Wall Street.

Ces derniers ne sont manifestement pas encore résolus à investir dans l’immobilier. Les promesses d’achat de logements neufs étaient en recul (-2,8%) en janvier pour le second mois consécutif.

Mais les investisseurs ne veulent retenir que la hausse surprise de l’indice PMI de Chicago. Il passe de 68,8 à 71,2 — un chiffre publié à 16h00, bien après que les places européennes ont réussi à afficher une progression de 1,4% en dépit des mauvais chiffres publiés en début d’après-midi.

▪ Wall Street qui avait rouvert en hausse de 0,5% en termine à peu près dans les mêmes eaux. Le S&P 500 s’adjuge 0,55% tandis que le Nasdaq clôture à l’équilibre, non sans avoir affiché jusqu’à -0,5% à une heure de la clôture.

Le Dow Jones s’est en revanche envolé de 100 points au cours des  90 dernières minutes de cotation pour gagner 0,8% et clôturer au plus haut du jour, à 12 230 points. Il est en effet plus commode de tirer une trentaine de titres vers le haut qu’un demi-millier s’agissant du S&P ou de bien davantage s’agissant du Nasdaq Composite !

Le petit passage à vide observé à l’heure du déjeuner pourrait avoir été causé par une déclaration alarmiste concernant l’inflation. Elle provenait de William Dudley, le président de la Fed de New York, qui s’exprimait depuis la Stern School of Business de l’université de New York.

Le successeur de Tim Geithner est réputé pour être le plus fervent supporter du « QE2 » mis en place début décembre dernier. Il n’est pas du genre à calquer son discours sur celui de la BCE… Pourtant, ses remarques au sujet du « nécessaire ancrage des anticipations inflationnistes » ressemblent à un copier/coller de l’habituel couplet inaugural récité par J.C. Trichet lors de chaque conférence de presse ou audition devant le Parlement européen.

Mais réflexion faite, Wall Street a vite réalisé que William Dudley est la dernière personne qui puisse être prise au sérieux — après Ben Bernanke — lorsqu’il est question de combattre l’inflation ou de préserver la valeur du dollar.

Autant demander à un alcoolique monté sur des chaussures à bascule de vanter les bienfaits de l’abstinence et d’assurer la promotion d’une eau minérale à forte teneur en magnésium.

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