La Chronique Agora

Le Parlement slovaque a revoté et approuvé dans l’urgence le FESF "renforcé" !

▪ Quelle a donc été la réaction des marchés lorsqu’est tombé ce scoop, également qualifié de breaking news sur les sites d’information anglo-saxons ?

Nulle ! Rien à signaler ! Le vide sidéral !

Les indices boursiers — alors en repli moyen de 2% en Europe — n’ont même pas frémi d’aise, ni salué la nouvelle d’un sursaut de quelques points !

« C’était déjà dans les cours », ont aussitôt affirmé les opérateurs de marché qui ne doutaient pas un instant de l’issue favorable du second vote.

Nous avons assisté à un des ces non-événements qui laissent les marchés indifférents et qui témoignent de leur sens aigu de l’anticipation.

Pourquoi alors consacrer deux paragraphes à une telle anecdote ?

Tout simplement parce que même si les députés slovaques avaient, dans le grand secret de leur délibération, décidé d’adresser un puissant message d’euroscepticisme aux 16 autres pays de la Zone euro, il n’en aurait été tenu aucun compte !

▪ La Slovaquie, c’est un confetti économique, une quantité négligeable qui se mesure derrière la virgule : 0,95% du PIB de l’Eurozone. Sa contribution théorique au FESF c’est 1% du total.

Vu depuis la City ou Wall Street, Bratislava n’est qu’un village qu’il est désormais possible de situer sur la carte du monde. Mais il peut être utile de le mentionner à l’occasion d’une partie de Trivial Pursuit, au lieu de sécher lamentablement sur le nom de la capitale de cette ex-République d’Europe de l’Est (qui compte à peine cinq millions d’habitants).

S’il s’était agi de la Tchéquie, les Américains auraient été un peu plus nombreux à pouvoir affirmer que « ça leur disait quelque chose ». La raison en est que de nombreux réalisateurs d’Hollywood tournent à Prague des scènes censées se dérouler à Paris. Ils y retrouvent une certaine compatibilité d’ambiance architecturale… et surtout des coûts de tournage bien inférieurs à ceux qu’ils supporteraient au pied de la butte Montmartre !

▪ Pour en revenir à la Slovaquie, le vote négatif de mardi a servi de révélateur. Le fonctionnement de l’Europe basé sur le principe de l’unanimité des décisions est caduc.

Dès que la fronde du Parlement slovaque a été actée, les principales chancelleries européennes ont fait savoir qu’elles passeraient outre. Peu importe la manière, on trouvera toujours une exception de procédure, une argutie constitutionnelle.

Au sein des 3 000 pages de traités européens, il doit bien se trouver une disposition qui permet de se passer – exceptionnellement — de l’approbation d’une pièce rapportée, invitée sur le tard à participer au concert des grandes nations fondatrices de l’Eurozone.

Bruxelles, Paris, Berlin et Wall Street ont bien compris que les exceptions vont devenir la règle. L’euro-fédéralisme est en marche ; il ne peut fonctionner qu’à la majorité et non à l’unanimité.

Cela risque de susciter pas mal de frustrations chez certains pays  qui critiquent déjà la tentation du tandem franco-allemand à décider de tout sans consulter personne. Nous tenons peut-être là l’explication de cette sortie de M. Manuel Barroso au sujet de la recapitalisation des banques dont il n’est pas certain qu’elle représente une volonté commune, ni même un projet concret. Il s’agit plutôt de rappeler qu’il existe encore sur l’échiquier des décideurs européens.

L’Europe a besoin d’un conseil d’administration de taille restreinte, qui aurait la capacité de proposer des solutions et de les faire approuver par une majorité simple ou qualifiée.

Les technocrates de Bruxelles pourront toujours discuter de la composition du noyau dur, de l’inamovibilité de certains membres, de la rotation des droits de vote. Cela nous rappelle d’ailleurs la manière dont fonctionne la Fed : la moitié +1 des gouverneurs approuvent ou rejettent les initiatives monétaires qui sont discutées collectivement.

Si c’est bien ce genre de processus qui s’est enclenché avec le cas de figure slovaque, cela pourrait priver les marchés et les spéculateurs d’une de leurs armes favorites : jouer sur les divisions internes en Europe, attaquer en meute des pays isolés et controversés comme la Grèce et peut-être bientôt l’Italie (qui supporte la quatrième dette du monde).

▪ L’Italie de Berlusconi est en effet politiquement vulnérable. Le président du Conseil est bien davantage connu pour ses coucheries avec des mineures que pour sa bonne gestion des dossiers majeurs. Quant au récent plan d’austérité de 55 milliards d’euros approuvé par Rome, personne n’y croit, c’est de la commedia dell’arte !

C’est maintenant que risque de s’enclencher une course de vitesse entre la spéculation et Bruxelles. Tant que la refonte du FESF n’est pas arrêtée et votée, ni les Européens ni la BCE ou le FMI n’ont les moyens financiers et juridiques de voler au secours de l’Italie.

L’Europe se retrouverait aussi démunie qu’au début de l’été au cas où la défiance vis-à-vis de sa dette ressurgirait — et si les taux longs refranchissaient la barre fatidique des 6,00/6,20%.

L’émission de bons du Trésor organisée ce jeudi dans la péninsule n’a pas reçu un très bon accueil. Il faut préciser que la BCE avait averti qu’elle réduisait la taille de ses interventions sur le marché des dettes souveraines la semaine dernière.

La Bourse de Milan a chuté de 3,7% hier. Cela constitue un signal de renversement de tendance sur le marché italien, mais cela reste un signal isolé, donc non probant.

▪ Il n’en irait pas de même si le CAC 40 et l’Euro-Stoxx 50 dupliquaient ce vendredi le repli qu’ils ont subi hier. Le CAC 40 a reculé de 1,33% au final contre -2% au plus bas du jour. L’Euro-Stoxx 50, quant à lui, a abandonné 1,7%, contre -2,5% vers 16h30. Rien de très impressionnant mais un petit air de déjà-vu lors des rechutes survenues après le 17 et le 31 août.

Le basculement pourrait cette fois s’amorcer de façon plus anodine qu’il y a deux mois. Wall Street a évolué en dents de scie durant plus de six heures ce jeudi, après un repli initial voisin de 1,2 à 1,3%.

Mais au final, le Dow Jones et le S&P ne s’effritaient que de 0,3%, tandis que le Nasdaq (+0,6%) alignait une septième séance de hausse sur une série de huit. Nous n’avions pas vu ce cas de figure depuis début juillet dernier.

L’indice a poursuivi sa progression vers 2 620 points et retrace, au point près, son zénith du 16 septembre dernier. Il présentait jeudi soir des caractéristiques de surachat comparables au 7 juillet dernier.

C’était juste à la veille du déclenchement de la grande correction entre 2 878 points et 2 330 points… ce même niveau retracé en clôture le 3 octobre. Une simple coïncidence… ou peut-être pas !

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