La Chronique Agora

Le paradoxe obligataire incite à la méfiance

▪ Paradoxe de 2009 : la prise de conscience du nécessaire désendettement. Pourtant, Etats et entreprises n’ont jamais fait autant appel au marché. Autant les obligations publiques sont risquées et peu généreuses, autant les obligations corporate (d’entreprises) offrent des performances plus qu’enviables et recèlent encore des opportunités.

Les titres émis partent comme des petits pains. Même les investisseurs institutionnels comme le Fonds de réserve des retraites s’y mettent et pourraient nettement accroître, dans leurs livres de comptes, leur part d’obligations d’entreprises. Du côté des émetteurs, les entreprises américaines puis européennes ont refait du crédit.

Même les petits groupes comme Oxymétal se lancent, avec son émission de cinq millions d’euros de convertibles. Les fallen angels, ces entreprises telles que Pernod Ricard ou Renault dont la note a été dégradée, ont réussi leurs levées. C’est au tour des cycliques. Lafarge vient d’émettre pour 750 millions d’euros de titres à 10 ans, avec un coupon, faible, de 5,5%.

L’autre cimentier, le Mexicain Cemex, fait coup double : une émission en euro et une en dollar. Objectif : rééchelonner la dette (cette année, Cemex est tombé dans la catégorie spéculative à cause de sa dette de 17,1 milliards de dollars) et assainir le bilan.

▪ Le risque a payé
Etait-il opportun d’acheter de la dette Cemex ou Renault, dans un contexte de récession économique puis de croissance molle pour 2010 ? Si on ne prend en compte que le coupon, oui. Les spreads offerts, c’est-à-dire l’écart de taux qui fait que l’investisseur préfère une obligation corporate à un emprunt d’Etat, ont atteint des niveaux proches des records (autour de 8%), avant de revenir à leur niveau d’avant la faillite de Lehman Brothers.

"Le rendement des obligations d’entreprises n’est pas à un niveau historiquement élevé, mais lesspreads de crédit sont encore très importants", note Jamie Stuttard, responsable des gestions de taux européennes de Schroders. "Lesspreads restent toujours supérieurs à la moyenne à long terme", ajoute Patrick Moonen, stratège à ING Investment Management.

Mais il ne faut pas fermer les yeux sur les déboires de ces entreprises. Or, dans un contexte de taux bas, les investisseurs sont moins regardants sur les risques que sur le rendement offert et comparent entre eux plusieurs actifs, les obligations corporate et les obligations étatiques. Les coupons promis par les obligations spéculatives ont reflété cette incertitude.

Selon l’agence de notation Moody’s, le taux de défaillance pour le high yield atteint 13% en cette fin d’année, soit au-dessus de sa moyenne historique de 10%. Les spreads vont continuer à se resserrer, d’autant que les risques de défaillance s’amenuisent. Moody’s prévoit, pour le high yield américain — l’essentiel du marché –, un taux de 4,38% en 2010.

Pour l’Europe, l’agence Standard & Poor’s est plus pessimiste, avec 8,7%. Certains secteurs restent encore très fragiles : les télécommunications, l’industrie chimique, l’hôtellerie, l’énergie, les transports, les produits de consommation, selon Standard & Poor’s.

▪ Indispensable bond picking
Si des opportunités se présentent sur le crédit, plus que jamais la sélection au cas par cas doit être minutieuse. Prenez le leader médical allemand, Fresenius, indique Schroders : dans la catégorie high yield, il n’en présente pas moins une activité stable et une belle trésorerie.

Historiquement, un cycle haussier sur le crédit dure entre trois et huit ans, a calculé Schroders. La demande devrait rester forte : il reste des liquidités à placer et de l’argent pourrait quitter le marché monétaire (qui n’est plus rémunérateur) ou les bons du Trésor, estime Ofi Asset Management. Le crédit de "grade d’investissement" est encore intéressant, ajoute Pictet.

Le compartiment de la dette spéculative est plus dangereux : une correction n’est pas à exclure d’ici deux ans, comme cela s’est produit en 1990. Conservez deux à trois ans en portefeuille vos achats de titres de 2009, scrupuleusement sélectionnés (en direct ou par l’intermédiaire des fonds, si possible à échéance).
[NDLR : Comment bien sélectionner vos investissements obligataires — et vous protéger contre les pièges qui vous guettent sur ce marché ? Toutes les réponses sont ici…]

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