** Peut-être que nous nous trompons. Si la journée de mardi illustrait la nature profonde de ce marché, nous nous trompons à coup sûr.
* Nous partons de l’hypothèse que les efforts de la Fed pour relancer l’économie seront plus visibles sur le marché de l’or que sur le marché boursier. C’est à cause de ça — et de notre instinct de survie — que nous achetons de l’or et vendons les actions. Les cours des valeurs, en fin de compte, dépendent des bénéfices. Le cours de l’or, en fin de compte, dépend de l’inflation. Les autorités peuvent injecter toujours plus de cash et de crédit… mais elles ne peuvent pas effacer toutes ces mauvaises dettes qui nuisent aux bénéfices. C’est-à-dire qu’elles peuvent augmenter le taux d’inflation… mais pas rendre les entreprises plus prospères.
* Nous assistons à une Guerre des Mondes — entre l’inflation et la déflation. Nous ne savons pas quel côté gagnera, mais nous parions que si l’inflation privilégie l’or, la déflation, elle, ne veut pas de bien aux actions.
* Mais que voyons-nous ? Cette semaine, la Fed a promis de l’inflation — à pleines poignées. Elle a dit qu’elle injecterait 200 milliards de dollars supplémentaires pour lutter contre la déflation. L’Europe et le Canada suivent sa trace — avec 45 milliards de dollars supplémentaires.
* D’où provient toute cette oseille… de l’épargne ? Ne nous faites pas rire, cher lecteur. Elle a été créée "à partir de rien", comme l’a dit Keynes autrefois.
* Et quel est l’effet de créer de l’argent "à partir de rien" et de l’injecter dans la masse monétaire ? Plus de dollars… plus d’inflation monétaire.
* Selon notre hypothèse, les investisseurs devraient voir venir les choses à des kilomètres. Ils auraient dû se précipiter sur l’or. Au lieu de ça, ils ont acheté des actions. Le Dow a grimpé de plus de 400 points ; l’or n’a pris que quatre dollars.
* Allez comprendre. Tout de même, le pétrole a dépassé les 108 $. Et parfois, les investisseurs ont besoin d’un peu de temps pour comprendre que deux et deux font quatre. Attendons de voir ce qui va se passer dans les jours qui viennent avant de tirer une quelconque conclusion.
* De toute façon, il était temps qu’un rebond se produise pour les actions. Les matières premières sont à un sommet historique. Le pétrole aussi. Et les preuves du malaise des consommateurs s’accumulent ; ils sont de plus en plus sous pression… forcés de réduire leurs dépenses — ce qui endommagera plus encore les profits des entreprises.
* Alors que la hausse des prix rabote les budgets des ménages, et la baisse des prix des actifs rabote la richesse mondiale. La majeure partie de l’économie semble ralentir. L’immobilier baisse. Les revenus des ménages baissent. Nous allons attendre quelques jours pour voir la direction que prennent les actions.
* Le tableau montre toujours la même scène : les Etats-Unis s’appauvrissent. Leur devise achète moins de choses. Leurs travailleurs gagnent moins d’argent. Leurs actifs ont moins de valeur que par le passé.
** "La question n’est pas de savoir s’il y a une récession ou non… s’il s’agit d’inflation ou de déflation. Il s’agit de la réévaluation des Etats-Unis — à la baisse. Vendez les Etats-Unis… vendez leur devise… vendez leurs actions… vendez leur politique… vendez leur économie… vendez leurs obligations. Vendez tout", nous disait un ami le week-end dernier. "Il me semble clair que les meilleurs jours des Etats-Unis sont derrière eux. Les Etats-Unis ont profité d’une part disproportionnée de tout pendant trop longtemps — valorisations boursières… épargne mondiale… énergie mondiale… calories mondiales… puissance militaire mondiale. C’est en train de changer. Le monde est en train de se réajuster. Il ne se déséquilibre pas, au contraire : il retrouve l’équilibre. Ce sera un monde où les Etats-Unis jouent un moins grand rôle… et accaparent une moins grande part des ressources mondiales".
* Il a probablement raison. L’Asie se développe bien plus rapidement que les Etats-Unis. Les salaires grimpent de 10% par an en Chine… et de 15% en Inde. Les marchés boursiers sont en plein boom. Dans de nombreux pays étrangers, la croissance du PIB atteignait en moyenne le triple du chiffre américain ces 10 dernières années. Maintenant que l’économie US ne se développe plus du tout… les Asiatiques font la course en tête.
* Cela ne nous pose pas de problème particulier. Les Etats-Unis ont eu une veine extraordinaire. Ils avaient de l’énergie bon marché… l’armée la plus puissante au monde… et la devise de réserve planétaire. A présent, ils ont les plus grosses dettes de la planète… les déficits les plus profonds… et le problème financier le plus colossal de tous les temps. En deux mots, les Etats-Unis ont fait circuler leurs reconnaissances de dettes un peu partout, et doivent désormais plus d’argent à plus de gens que quiconque dans toute l’histoire de l’humanité. Ils ont plus d’engagements financiers que n’importe quel pays au monde (avec un déficit de financement de 60 000 milliards de dollars — sans tenir compte du coût de la guerre en Irak, qui pourrait se monter à 5 000 milliards de dollars)… et des désavantages compétitifs par rapport à une bonne partie du reste de la planète. Les Asiatiques fabriquent des choses moins chères. Les Européens fabriquent des choses de meilleure qualité.
* Comment des personnes si sympathiques se sont-elles retrouvées dans un tel pétrin ? Les Américains sont-ils plus bêtes que les autres ? Plus paresseux ? Plus imprudents… plus irresponsables ?
* Non… ils sont simplement victimes de leur propre bonne fortune. Les choses étaient trop faciles pendant trop longtemps. Un ensemble de circonstances unique en son genre a permis aux Américains d’emprunter et de dépenser plus qu’il n’avait jamais été possible. Et c’est bien ce qu’ils ont fait.