La Chronique Agora

Le marché prend de l'avance… mais sur quoi ?

** Vendredi, on a appris que la Royal Bank of Scotland cherchait à lever 10 milliards de dollars supplémentaires. La nouvelle est tombée alors que la City se trouvait confrontée à "son jour le plus noir en près de 20 ans", selon le Daily Telegraph, et allait perdre 3 500 emplois. Ce qui montre bien à quel point les affaires marchaient bien pour le secteur de la finance ces deux dernières décennies. Un peu de pluie ne lui ferait pas de mal, selon nous.

* Pendant ce temps, de l’autre côté de l’Atlantique, Citigroup a émis un avis de tempête, tandis que Merrill Lynch demande à revoir la situation. Citi affirme avoir environ 9 000 employés de trop ; une série de lettres de licenciement sont sur le point d’être envoyées. Quant à Merrill Lynch, la société a affirmé n’avoir pas besoin de capitaux supplémentaires — mais ça, c’était avant qu’elle n’annonce 10 milliards de dollars supplémentaires passés en pertes et profits à cause de dettes subprime. A présent, la banque déclare être "ouverte" à de nouvelles levées de fonds.

* Comme nous l’avons mentionné récemment, il y a beaucoup de ‘flation. Nous supposons que ça aura pour effet d’augmenter les cours des matières premières et de l’or… et de diminuer (ne serait-ce que relativement) les prix des actions et des maisons. Mais on n’aurait pas pu s’en rendre compte en regardant l’évolution des marchés ces derniers jours.

* Le Dow a grimpé. On dit que le marché "prend de l’avance" et voit des choses que les mortels ne peuvent distinguer. L’indice a baissé de 10% environ depuis octobre dernier, mais dernièrement, il semble vouloir grimper. Que voit-il ?

* Nous pensons qu’il voit de l’inflation. Mais le consensus pense que le Dow voit un boom. "La négativité est très surfaite", déclare l’opinion populaire. La finance a atteint son plancher… les constructeurs immobiliers ont atteint leur plancher… le dollar a atteint son plancher. De plus, les autorités ont agi avec rapidité et fermeté pour corriger ce qui dérangeait les marchés. Les banques centrales ont injecté des centaines de milliards de dollars dans le système bancaire. La Fed a radicalement baissé ses taux. Le Congrès réfléchit à des mesures permettant de secourir les propriétaires… et voilà qu’arrive la Banque d’Angleterre qui (selon la BBC) prépare un plan de renflouement des prêts hypothécaires de 50 milliards de dollars. Eh bien, voilà qui règle la question, pour nous. Normalement, à partir de maintenant, c’est en avant toute !

** Comme nous l’avons déjà souligné, les gros titres sont peut-être négatifs, mais pas le sentiment général. La plupart des gens pensent que le moment est bien choisi pour acheter une maison — ce qui signifie qu’ils pensent encore qu’"on ne peut pas se tromper avec l’immobilier". Quant aux actions, à 20 fois les bénéfices, elles ne sont pas bon marché.

* Lorsqu’on atteint de véritables planchers, on peut acheter les actions à cinq à huit fois les bénéfices.

* En fait, lorsqu’on atteint de véritables planchers, les gens cessent de les chercher. Notre vieil ami Marc Faber a envoyé une liste très pratique reprenant les cours du krach de 1929. Le graphique montrant l’évolution des marchés ressemble à une montagne, avec des corniches… suivies de pentes plus rapides. Mais à chaque corniche… à chaque pause lors de la descente… on trouvait un personnage public affirmant à qui voulait l’entendre que la baisse était terminée :

* "Le moment est venu d’acheter des actions", déclarait R.W. McNeal dans le New York Herald Tribune après la première partie du krach. "Le moment est venu de nous rappeler les mots de feu J.P. Morgan… selon qui tout homme baissier sur les Etats-Unis va faire faillite".

* C’est "la longue glissade de l’espoir", déclare Marc.

* Il apparut que quiconque était haussier sur les Etats-Unis en octobre 1929 fit faillite. Les actions ne retrouvèrent pas leur sommet de 1929 avant les années 50 — et avant cela, plus de 1 000 banques avaient fait faillite… un quart de la main d’oeuvre avait perdu son emploi… et le Dow avait abandonné 89% de sa valeur.

* Et à présent, cher lecteur… la presse peut parler de dépressions, de marchés baissiers et de crises du crédit — mais on n’a encore rien vu. Lorsqu’on atteindra un véritable plancher, personne n’en parlera ; les gens auront perdu tout intérêt. Voilà comment ça se passe. Lorsqu’on atteindra le véritable plancher, les gens ne seront pas intéressés par l’achat d’actions ; ils en seront venus à considérer les actions comme un jeu réservé aux riches. Et ils envisageront à nouveau les maisons comme des biens de consommation, non comme une catégorie d’actifs. Quant à la dépression… ils n’auront pas besoin des journaux pour leur dire à quel point les choses vont mal.

* Nous pensons que ce jour n’est plus très loin. Combien de temps reste-t-il, nous n’en savons rien. Comme nous le disons souvent, nous n’avons pas de boule de cristal.

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