▪ Encore une journée passée en état d’apesanteur sur les marchés. Encore une journée à supporter les pieux mensonges de ceux qui se prétendent tous acheteurs, alors qu’ils n’investissent même le prix d’une calculette dans ce rally haussier.
Les gérants d’OPCVM qui ramassent effectivement du papier, c’est dans 99% des cas par le truchement de programmes informatiques qui assurent une stricte réplication indicielle. Cela se traduit au mieux par une surpondération marginale des portefeuilles en actions.
▪ Un marché qui grimpe mais qui n’a pas la confiance de ses acheteurs
La plupart des acheteurs ne travaillent que sous forme de rapides allers/retours intraday — c’est dire à quel point ils ont confiance dans la pérennité de cette hausse.
« Ca monte parce que le marché n’est pas cher : le CAC 40 se situe encore 20% sous ses niveaux de février 2011 », martèlent en coeur de fins stratèges. Ils devraient alors se ruer sur Véolia qui « n’est pas cher » à 9 euros par rapport aux 24 euros affichés y a 12 mois ; ou bien sur Alcatel qui « n’est pas cher » à 1,4 euro par rapport aux 4,2 euros d’il y a tout juste six mois.
C’est fou ce que la seule évocation d’un recours à la planche à billets par Ben Bernanke peut chambouler les esprits. Les commentateurs ne peuvent même plus envisager une consolidation des indices depuis que la rumeur d’un QE3 circule.
Les deux précédents QE avaient été initiés alors que les indices boursiers venaient de subir des corrections majeures et que la récession constituait un sujet d’inquiétude quotidien.
Le QE3 qui euphorise actuellement Wall Street démarrerait avec une croissance à 2,8% et un Nasdaq revenu à son plus haut niveau historique depuis le 7 juillet 2011, le 31 octobre 2007 ou encore le 24 janvier 2001. Rappelons-le, cela fait 11 et 2 mois que l’on n’a pas revu le Nasdaq au contact des 2 880 points.
▪ Les valorisations des acteurs du Net sont stratosphériques
N’importe quel prétexte fait l’affaire pour tirer les cours vers des records vieux de trois ans et demi à Wall Street. Prenez par exemple l’introduction de Facebook. La firme serait valorisée 100 milliards de dollars. Autrement dit, chaque internaute inscrit représente 100 $ aux yeux des investisseurs, c’est-à-dire plus qu’un abonné à un téléphone mobile dans les années 2000.
Il ne vous aura pas échappé que la moitié du milliard de profils consultables sur Facebook correspond à un adolescent qui ne reverse pas un cent à son site favori : le business model, c’est le « tout publicité ». Et les ados constituent une catégorie de la population réputée pour son pouvoir d’achat quasi-illimité.
Mais si Facebook parvient à engranger les budgets de communication que les banquiers introducteurs (Morgan Stanley et JP Morgan) lui prédisent, cela signifie que Google ou Amazon, à niveau de recettes égal, devraient valoir bien plus cher.
Ce sont donc tous les acteurs de la « Net-économie » qui devraient être réévalués. Le marché est en train de nous rejouer la techno-bulle de 1998/2000 en version 2.0.
▪ Pas de consolidation en vue
Les investisseurs n’ont plus d’autre choix que de « courir après le papier » car aucune mauvaise nouvelle ou statistique économique décevante ne provoque plus la moindre consolidation depuis la mi-janvier.
Les gérants ne cessent de citer l’amélioration du chômage aux Etats-Unis. Pourtant, chacun sait bien que cette embellie résulte de la radiation massive des chômeurs arrivés en fin de droit ou découragés de chercher du travail
La durée hebdomadaire du travail ne progresse pas ; l’intérim stagne et il en va de même pour le nombre d’heures supplémentaires effectuées ou de nouveaux postes proposés.
Nous verrons aujourd’hui combien de victimes de la crise ont à leur tour cessé d’exister statistiquement. Il faudrait que les créations nettes d’emplois dépassent largement les 200 000 pour que la tendance s’améliore (non pas artificiellement) sur le marché du travail.
▪ Le refinancement (impossible) de la Grèce booste les marchés
Nous avons entendu ce jeudi plus d’un gérant sur deux invoquer le prétexte de l’accord sur le refinancement de la Grèce !
C’est une véritable hallucination collective car le fameux compromis est systématiquement repoussé au lendemain depuis 15 jours. Mais personne n’est jamais déçu, ni inquiet que les protagonistes de ce dossier continuent de s’écharper en se prétendant prêts d’aboutir.
Jean-Claude Juncker vient de qualifier aujourd’hui les négociations avec les créanciers privés « d’ultra-difficiles ». Cela ne représente qu’une partie du problème car les créanciers publics vont également devoir consentir une décote sur leurs encours d’emprunts grecs.
▪ Les causes profondes de la dette souveraine ne sont pas réglées
Le regain de confiance sur les marchés obligataires est d’abord mécanique puisque la BCE a injecté il y a six semaines 490 milliards d’euros à 1%. Les émissions d’OAT françaises à 10 ans ont été bien accueillies et on assiste à une chute de 12 points de base du rendement à 2,92% — soit 105 points de base par rapport au Bund.
La dette souveraine coûte un peu moins cher à refinancer, mais ses causes profondes ne sont en rien résolues et ce n’est pas la croissance (inexistante) qui va l’alléger en 2012.
Les investisseurs ont superbement ignoré l’avertissement de la BCE lancé ce jeudi concernant l’anticipation d’un durcissement des conditions du crédit.
A Wall Street, ils n’ont retenu que le léger recul des inscriptions hebdomadaires aux allocations chômage à 367 000 contre 379 000 (révisé) la semaine précédente. Ils ont également complètement occulté le piètre chiffre de la productivité au quatrième trimestre : elle ressort en progression de seulement 0,7% quand le PIB est annoncé à 2,8% (ce qui est probablement un peu surévalué).
Nous sommes donc confrontés à des marchés qui se prétendent 100% haussier — puisque les séances de hausse s’enchaînent inexorablement — mais les volumes demeurent inexistants avec moins de 2,9 milliards d’euros à Paris ce jeudi.