La Chronique Agora

Le marché du vent souffle depuis l'Europe (2)

Par Emmanuel Gentilhomme (*)

La bourse et l’éolien, une histoire d’amour…
Comme la Bourse ne vous est pas étrangère, vous avez sans doute croisé de jeunes valeurs exploitant le vent ces derniers temps. Comme EDF Energies nouvelles, le numéro un français de l’énergie tirée du vent, ou Theolia, Aerowatt, Voltalia… Vous aurez aussi remarqué que Séchilienne-Sidec s’est mis aux éoliennes en 2007. Le vent est à la mode !

Vous vous souvenez peut-être du rachat de la bien-nommée Compagnie du Vent (non cotée) par Suez, en novembre dernier. Pour la modique somme de 321 millions d’euros, le futur Suez-GDF a acquis un peu plus de 50% des parts de cette société. Chiffre d’affaires 2007 : 11,3 millions d’euros (sic) ! Même en tenant compte de très fortes perspectives de croissance, voilà qui est cher payé… Sans doute les valeurs de "l’énergie verte" ont-elles suscité un peu trop d’optimisme durant la seconde moitié de l’année 2007. Depuis lors, le dernier épisode de l’interminable crise des subprimes a permis de purger les excès.

Le secteur redevient intéressant
Car aujourd’hui, l’intérêt industriel et financier pour l’énergie à base de vent ne se dément pas. La fameuse notion de "développement durable" et son corollaire d’énergies renouvelables est la cause première de l’émergence de ce secteur.

S’il est apparu avant, et reste dominant relativement à d’autres énergies alternatives (solaire, biomasse…), c’est sans doute que l’éolien a bénéficié très tôt de deux puissants soutiens.

– Le premier est politique : l’Union européenne a pour objectif que 20% de son énergie soit d’origine renouvelable en 2020. La banque suisse Gonet & Cie, dans une note de janvier 2008, estime que pour l’atteindre, la part des éoliennes dans l’énergie européenne devra passer à 12%,"ce qui sous-tend un fort accroissement des productions off-shore".
– Le second est financier : de nombreux Etats-membres ont accordé, en amont, des subventions à l’installation, ainsi qu’un prix de rachat attrayant pour l’électricité ainsi produite, en aval.

Attention à la pale !
Mais gare : si l’électricité éolienne est finalement devenue rentable, et qu’elle est compétitive relativement au gaz, au charbon en passant par le nucléaire, il reste des goulets d’étranglements dans le secteur.

La vénérable banque helvétique ("depuis 1845", indique sa brochure) écrit que la "flambée récente de l’acier — qui compte pour environ 20% du prix d’une turbine et 70% de celui d’une tour — a sensiblement renchéri le coût des éoliennes, de même que la hausse des autres matières premières (fibre de verre, plastiques spéciaux, métaux composites)".

"De fait, le coût des turbines a augmenté de 60% sur les trois dernières années, (l’industrie) est pénalisée également par un manque de capacités de production de certaines composantes",indique l’analyste de la banque genevoise, Roland Duss. Des pièces essentielles — comme les boîtes de vitesse — viennent régulièrement à manquer, ce qui a pour conséquence de retarder les livraisons.

Les fameuses éoliennes marines ne sont pas pour demain matin : problèmes techniques et réglementaires — le Danemark tarde à délivrer les autorisations — ne cessent de reporter leur mise en service. Et "les dépassements de coûts sont conséquents", note Gonet, qui estime que ces éoliennes marines ne seront pas disponibles avant 2009-2010. Pour le moment, il faudra se contenter des éoliennes terrestres. Les éoliennes sont donc victimes de leur succès…

La capacité va doubler en 8 ans
Malgré ces difficultés, le marché éolien connaît une gigantesque croissance — et se joue du "ralentissement américain". Les "acteurs intégrés" — producteurs et exploitants d’éoliennes, comme Gamesa, Theolia, Vestas — sont à privilégier, selon Gonet & Cie. En intégrant toute la filière, ils sont moins exposés aux retards de livraison qui plombent les prévisions.

Le Global World Energy Council (GWEC), sorte de syndicat mondial du secteur, estime que d’ici 2016, la capacité installée mondiale aura doublé. Ce qui se traduit par une hausse annuelle de 19%. Comment sera répartie cette croissance ? Selon les données compilées par Gonet & Cie, les plus fortes progressions annuelles devraient concerner, d’ici 2030 : l’Europe (+ 15% par an), l’Amérique du Nord (+25% par an) et enfin… l’Asie (+28% par an).

Attendez-vous à une montée en puissance de l’Asie dans l’éolien
Ainsi donc la part de marché éolienne de la Vielle Europe devrait-elle reculer de 72% en 2004 à 51% en 2006, avec une prévision du GWEC de 44% pour 2010. L’Europe perd sa position avantageuse, et c’est encore l’Asie qui l’emporte. Nous ne l’avons pas fait exprès, mais même lorsque l’on évoque les éoliennes, cher lecteur, on en revient immanquablement à ces incroyables pays émergents, Inde d’abord, et Chine ensuite.

Meilleures salutations,

Emmanuel Gentilhomme
Pour la Chronique Agora

(*) Emmanuel Gentilhomme est journaliste et rédacteur financier. Il a collaboré à plusieurs reprises avec le Journal des Finances et la Société Générale. Il suit de près les marchés boursiers européens et étrangers, mais s’intéresse également à la macroéconomie et à tous les domaines de l’investissement.

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