La Chronique Agora

Le marché du vent souffle depuis l'Europe (1)

Par Emmanuel Gentilhomme (*)

Le souffle de l’Antiquité
Eole n’a pas eu beaucoup de chance : perdu au milieu du panthéon grec, il n’est qu’un dieu de deuxième classe. Sa résidence en témoigne : on dit qu’il habite les îles Eoliennes, une petite formation volcanique située au nord-est de la Sicile, un peu au-dessus de la pointe de la botte italienne. Et selon l’Odyssée du poète Homère, Eole est de basse extraction, puisqu’il est le fils d’un simple mortel : le roi Hippotas.

Mais il est l’ami des dieux grâce à son rôle de "fonctionnaire mythologique", en charge de l’administration des vents : Eole les retient enfermés dans les grottes de ses îles, et ne laisse sortir que sur instruction de l’Olympe. Déifié par la charge qu’il occupe, cet Eole est un curieux garçon : sur son île flottante ceinte d’un mur de bronze, il habite avec ses six filles, qu’il a mariées avec ses fils, et tout ce joli monde passe son temps à banqueter.

Vents dérangeants ou vents dérangés ?
Je ne sais s’il faut y voir un rapport avec l’étrange famille d’Eole, mais les vents d’aujourd’hui ont comme un air de famille : alizés de l’Atlantique, bise glaciale du Nord, brûlant khamsin proche-oriental dont on dit qu’il rend fou, harmattan qui emporte vers l’ouest la chaleur du Sahara, mistral qui précipite sur le sud de la France le froid qu’il a dérobé au nord… Les vents ont tout l’air de fauteurs de trouble peu recommandables.

Et pourtant… les Perses auraient été les premiers à savoir tirer de l’énergie de cette matière première insaisissable, capricieuse, mais gratuite. Et si d’aventure vous avez récemment croisé par les plaines de Beauce, vous aurez remarqué que de drôles de machines à hélices surveillent de plus en plus étroitement les semis des céréaliers.

L’Europe, puissance éolienne numéro un
Evidemment, la mode de l’énergie venteuse ne touche pas que la France, mais le monde entier. A commencer par l’Europe, première puissance éolienne au monde ! En 2006, le Vieux continent disposait d’une "capacité éolienne installée" de 74 000 mégawatts (MW). Grâce à des pays comme l’Allemagne et l’Espagne, l’Europe concentre 48 000 MW, soit les deux tiers du total mondial.

Le Danemark est le pionnier du secteur : en 1890, l’ingénieur Poul La Cour développe une machine à vent destinée à l’industrie. Il mettra au point la première éolienne commercialisée au début du XXème siècle. Puis les énergies fossiles éclipseront toutes les autres… C’est suite aux chocs pétroliers des années 70 que les recherches reprennent, encore au Danemark.

Aujourd’hui coté en bourse, le constructeur et exploitant d’éoliennes danois Vestas revendique une part de marché mondiale de 28% et 33 500 turbines installées. Sans compter des sociétés comme l’allemande REpower, récemment rachetée par l’indien Suzlon (numéro cinq mondial), l’espagnol Gamesa, et combien d’autres….

Eolien : hausse du rendement et baisse des coûts
Le principe de l’éolienne est assez simple : non seulement le vent est gratuit et non polluant, mais il est puissant. Ainsi, quand la vitesse du vent gagne 20%, la quantité d’énergie que l’on peut en retirer grimpe de 60%. En outre, le vent est aussi efficace : le progrès technique permet aux turbines modernes de transformer en courant 50% de l’énergie qu’il développe. Bien évidemment, le vent est irrégulier donc en moyenne, le rendement énergétique moyen d’une éolienne est de 25%.

Le progrès technique joue énormément dans ce secteur naissant : actuellement, les éoliennes de 90 mètres produisent moins de 2 MW. Elles sont déjà beaucoup plus imposantes que celles de la génération précédentes. La prochaine génération sera plus haute encore, avec une puissance envisagée de 5 MW, sans compter les projets d’éoliennes implantées en mer… Ces progrès abaissent aussi le coût de revient : selon l’American Wind Energy Association (AWEA), le coût moyen par MW éolien a été divisé par cinq en 25 ans, vers les 55 $ / MW actuellement.

Et ce n’est pas fini, comme nous le verrons dès demain…

Meilleures salutations,

Emmanuel Gentilhomme
Pour la Chronique Agora

(*) Emmanuel Gentilhomme est journaliste et rédacteur financier. Il a collaboré à plusieurs reprises avec le Journal des Finances et la Société Générale. Il suit de près les marchés boursiers européens et étrangers, mais s’intéresse également à la macroéconomie et à tous les domaines de l’investissement.

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