La Chronique Agora

Le maïs a un grain

** Pour la plupart des gens, le trading en céréales se résume à acheter une boîte de corn flakes. Dommage, parce que le marché des futures en céréales fournit d’excellentes opportunités. En ce moment même, par exemple, acheter des futures sur le maïs — ou des options call sur ces futures — me semble présenter un rapport profit/risque très attirant.

– Les marchés de céréales, qui concernent des produits comme le blé, le maïs, le soja, l’avoine et le riz, sont situés pour la plupart à Chicago. Le blé s’échange aussi dans le Kansas et à Minneapolis. En fait, le marché de Minneapolis (MGE, Minneapolis Grain Exchange) est le plus grand marché de céréales au monde. Les futures sur le maïs, par contre, s’échangent sur le Chicago Board of Trade. Le symbole du maïs est facilement mémorisable, c’est la lettre "C" (de corn, maïs, en anglais). Le prix du maïs, qui tourne autour de 247 cents le boisseau, est redescendu de ses récents sommets, principalement grâce à de bonnes perspectives pour les récoltes de maïs américaines cette année. L’USDA (Département américain d’agriculture) nourrit ces attentes en multipliant les effets d’annonces optimistes. Cette année, cependant, la plupart des traders ne sont pas d’accord avec les chiffres publiés par l’USDA.

– Des anecdotes de terrain provenant du Midwest indiquent que les récoltes de maïs de cette année n’atteindront pas les estimations de l’USDA. Il suffit de regarder l’e-mail que m’a envoyé récemment un agriculteur :

– "J’habite dans le sud-ouest de l’Ohio. J’ai 57 ans, et j’ai toujours travaillé dans l’agriculture… voilà 25 ans environ que je fais du trading sur les matières premières… Dans ma région, nous avons eu beaucoup de beau temps et de la pluie en abondance, et nous avons aussi une qualité de sol au-dessus de la moyenne pour l’agriculture. Nous aurons une récolte supérieure à la moyenne cette année tant pour le maïs que pour le soja. Mais ce n’est pas ce qu’on entend du côté d’autres régions de l’état ou de la Corn Belt [ensemble d’états céréaliers situés dans le Midwest américain, ndlr.]. Je sais que l’USDA affirme qu’on aura une récolte record dans le pays tout entier, mais je n’y crois pas."

– "Dans tous les états de la Corn Belt, certaines régions sont dans un état épouvantable. On aura peut-être des rendements record ici, mais je n’y croirai pas avant de l’avoir vu… Je sais que pour beaucoup, le maïs ne rapportera que 125 boisseaux/acre… au maximum [à comparer avec des estimations se montant à 160 boisseaux]… Je peux vous montrer du maïs qui n’atteindra pas les 140 boisseaux parce qu’il a perdu la majeure partie de son azote en mai et juin ; il y avait trop d’eau".

– Des déclarations plutôt convaincantes, qui proviennent directement d’un agriculteur sur le terrain — pas d’un présentateur télé ou un politicien affirmant que tout va bien pour le maïs. Tandis que nous approchons de l’automne, les températures ont chuté dans le Midwest, et la pluie qui tombe sur ces régions pourrait passer d’aubaine au désastre. On ne s’inquiète plus de la sécheresse, mais plutôt d’une gelée prématurée. Du gel ? Oui, une gelée tôt dans la saison, associée à l’humidité ambiante, pourrait détruire la récolte.

– L’USDA estime qu’entre 67% et 83% des récoltes de maïs dans la partie supérieure du Midwest sont encore immatures, et donc sensibles au gel. De toute évidence, les réserves de maïs de l’année sont en danger. Pourquoi le prix du maïs n’est-il pas plus élevé ? Probablement parce que les prix de la plupart des matières premières baissent en ce moment, surtout dans le complexe énergétique. La chute des prix du carburant sans plomb, en particulier, pourrait peser sur le prix du maïs.

– On fait de l’éthanol, avec le maïs. L’éthanol passe dans le carburant. Ce qui est mauvais pour le carburant pourrait également être mauvais pour le maïs… au moins à court terme. Voilà où nous en sommes pour l’instant. Ceci dit, si vous souscrivez à l’idée que les matières premières énergétiques vont chuter plus bas encore, peut-être que le maïs ne vous intéresse pas. C’est compréhensible. Les prix de l’énergie pourraient chuter encore pendant un temps. Mais je considère leur faiblesse comme une opportunité d’achat… pour le maïs.

– Il est vrai que les réserves de pétrole sont abondantes pour l’instant. Mais cette abondance pourrait ne pas durer. L’hiver, période de chauffage intensif, arrive bientôt… les pipe-lines restent sensibles au terrorisme et à la rouille… les travailleurs du pétrole nigérians viennent de tenir une grève "test" de trois jours — quoi que cela veuille dire… et le Moyen-Orient reste une véritable poudrière.

– En d’autres termes, le côté acheteur du marché pétrolier est probablement un bon endroit où vous trouver… même s’il est également inconfortablement volatil en ce moment. Je préférerais donc de loin prendre le côté acheteur du marché du maïs — un marché où l’offre pourrait être étonnamment moins abondante que prévu… et où la demande pourrait être étonnamment plus forte que prévu.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile