La Chronique Agora

Le "Grand Complot" démonté

Selon certains, il existerait un grand complot contre l’or. Son cours serait trafiqué à la baisse par les banques centrales et certains intermédiaires financiers. Les banques centrales auraient vendu ou aliéné leur or et ne posséderaient plus les réserves officiellement déclarées. Elles auraient donc intérêt à contenir le cours de l’or par tous les artifices.

Pourtant l’année 2006 commence avec une once d’or au-dessus de 550 $, soit plus de 25% d’augmentation en un an. Si artifices il y a, ils sont loin d’être efficaces.

Toute théorie de "grand complot" doit éveiller la méfiance. Venant d’un individu isolé, elle témoigne souvent d’une folie paranoïaque. Venant d’un groupe, la théorie émane souvent d’une secte qui recrute ses adeptes en s’appuyant sur la peur. Lorsque la théorie du grand complot devient rumeur, il convient de s’y intéresser… comme à toute rumeur. Certains faits tangibles et vérifiables sont subtilement mélangés à des commentaires et à des émotions.

Les arguments en faveur du complot
– Les monnaies fiduciaires sont garanties par les engagements des gouvernements à payer leurs débiteurs (les détenteurs de leurs obligations ou Bons du Trésor).
– Les banques centrales ont réduit leurs réserves d’or au profit d’autres devises, essentiellement du dollar.
– L’échec historique de toutes les monnaies fiduciaires a toujours été dû aux politiques, techniquement épaulés par les financiers.
– Le politique achète à crédit le bonheur des électeurs.
– La dette publique se reporte a posteriori sur les individus qui se voient confisquer leur argent par l’inflation.
– Tous les états riches sont actuellement surendettés. Les devises fiduciaires ne sont donc garanties que par une chaîne de dettes mutuelles.
– Le pouvoir d’achat d’une monnaie fiduciaire tend toujours à s’éroder dans le temps.
– L’or est un des actifs tangibles qui permet de mesurer cette érosion partout dans le monde.

Les démentis du grand complot
– Toutes les monnaies sont aujourd’hui fiduciaires : le papier (ou les 0 et les 1 dans les ordinateurs) sert à échanger des biens et des services.
– L’or ne préocuppe plus que les amateurs de joailleries et les industriels de niche.
– Aucune banque centrale ne garantit la convertibilité de sa devise en actif tangible (depuis la fin des accords de Bretton Woods).
– La mission des banques centrales consiste à renforcer ou affaiblir la monnaie fiduciaire qu’elles contrôlent, de façon à grarantir la stabilité monétaire et à "contrôler" l’inflation.
– La mesure de l’inflation se fait par l’évaluation des prix de biens et services dont la nature et le poids sont définis par les gouvernements et non par un seul actif tangible commun et universel.

Donc le grand complot est inexistant. L’or est une simple matière première déconnectée de la finance. Le grand complot est celui de l’aveuglement. La vente d’or par les banques centrales ne constitue pas un "grand complot" avec un objectif précis. Elle résulte simplement d’imprévoyances. Les gouvernements démocratiques des pays riches ont acheté paix sociale et popularité avec des dettes. L’électeur ne s’en est pas inquiété.

Les banques centrales, mandatées par leurs gouvernements, masquent l’inflation qui résulte des dettes. Cette mesure fut d’ailleurs inutile durant un certain temps. Car l’inflation est en grande partie camouflée par la mondialisation. La transformation des biens se fait à coût réduit dans des pays à main d’œuvre bon marché. Le consommateur voit les prix baisser. Echanger un actif tombé en désuétude contre des piles de monnaies papier a permis aux banques centrales de gonfler leurs réserves (puisque l’or était un marché baissier ou stable de 1980 à 2001) et d’émettre à nouveau de la monnaie.

Ces échanges se faisant dans la plus totale indifférence, le cours de l’or a naturellement baissé. Depuis 2002, l’or est en hausse. En revanche, pas une des monnaies fiduciaires des pays riches n’a dévalué. Les monnaies se jaugent entre elles et non pas contre l’or. Seul le yuan chinois a été chichement réévalué en juillet 2005. Dans ce sens, les banques centrales ont bien rempli leur mission.

L’accélération de la hausse de l’or : le complot des prévoyants
L’or s’est emballé en fin d’année 2005 et contre toutes les devises. Ce phénomène marque une nouvelle étape de la vie des monnaies fiduciaires actuelles. Celles-ci, comme toutes les précédentes, sont congénitalement sujettes au mortel cancer de l’inflation. L’accélération de la hausse naturelle de l’or montre qu’elles entrent dans l’étape de la maladie déclarée.

Un petit peu d’émission de monnaie (de dette) n’entame pas la confiance. D’abord, le léger surplus passe inaperçu et, si le pays est en période d’expansion économique, la dette est vite absorbée par le supplément de richesse. Mais de "petit à petit" en "petit à petit", le cancer progresse ; puisque la croissance naturelle ralentissait, il convenait de céer une croissance artificielle pour masquer l’inflation. Et subitement, les tumeurs deviennent visibles.

Un indice gouvernemental d’inflation peut incorporer ce que bon lui semble, et ainsi "bien" évoluer durant un certain temps. Mais le citoyen constate que le plein de sa voiture lui coûte plus cher, que l’assurance de la même voiture augmente également. Le consommateur constate qu’il "en a de moins en moins pour son argent". C’est ce moment que les gens avisés, ayant quelques économies à protéger, choisissent pour se mettre à l’abri. Et que leur reste-t-il ? L’immobilier, peu liquide et intransportable ; l’art, peu liquide ; l’or, liquide et transportable. Ils choisissent l’or en dernier recours, mais ils y viennent toujours, et toujours pour les mêmes raisons.

C’est ce qui fait le succès actuel des ETG (Exchange Traded Gold). La chimiothérapie est un traitement douloureux qui nécessite un grand courage. Espérons que le traitement réel de l’inflation débutera avant que l’or n’atteigne 1 000 $. En attendant, il n’est pas trop tard pour protéger ses économies.

Faites comme la Chine ou l’Afrique du Sud : augmentez vos réserves en or. Et si vous vous sentez considéré comme un dinosaure par les détracteurs de l’or, pensez à l’autruche. Cet animal possède un œil plus grand que son cerveau. Moult prévisionnistes, économistes, et conseillers en investissement voient mais ne semblent pas suffisament raisonner avec ce qu’ils voient… comme les autruches. La seule différence entre les autruches et les bipèdes-financiers-mutants-en-autruche, ce sont les plumes. L’autruche en a toujours. La seconde espèce risque de les perdre.

Tous les mois dans Vos Finances- La Lettre du Patrimoine, retrouvez les conseils de Simone Wapler pour savoir comment profiter de la hausse de l’or.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile