La Chronique Agora

Le GOR sous pression

L’or et le pétrole suivent des voies haussières légèrement divergentes, l’or ayant pris du retard. Cet écart devrait pourtant se résorber… même si le pétrole flambe.

Le GOR, ou “Gold Oil Ratio” est le prix de l’once d’or divisé par celui du baril. Depuis 1965, ce ratio se situe dans une bande de 5 à 30 avec une moyenne de 15. Et depuis que ce ratio est suivi, les cours de l’or et du pétrole évoluent toujours dans le même sens sauf à deux occasions récentes : 1975-1976, date du premier choc pétrolier, puis 1998-2001. Par deux fois, l’or jaune a décroché de l’or noir, en accusant un net retard. Après son premier décrochage, l’or a vite comblé son handicap : le GOR, qui avait sombré à 5, est revenu à 18 en 1980, sommet de l’or. Après son deuxième décrochage, le GOR  a mollement rattrapé son retard pour arriver à 12. Mais depuis 2001, le GOR reste obstinément sous sa moyenne historique, se prélassant entre 8 et 10.

Six ans ne sont pas grand’chose par rapport à quarante ans, mais beaucoup proclament la mort de la moyenne historique du GOR. Pour un retour à 15, il faudrait une once d’or à 1 125 $ avec un baril à 75 $ ; ou bien un pétrole à 48 $ pour une once d’or à 700 $. Pour le moment, ces deux butées paraissent bien lointaines ; quoique…

Comme toujours en matière financière, c’est la perception des investisseurs qui infléchira la tendance. Par perception, il faut entendre sentiment basé sur les données qui semblent les plus importantes sur le moment. Le prix du pétrole peut flamber par peur de manquer, celui de l’or par peur de l’inflation.

Or jaune et or noir possèdent un point commun : ils restent pour le moment tous deux regardés comme des matières premières comme les autres.

Pour le pétrole, on admet qu’il suffit, pour produire, de prospecter et d’extraire, le prix étant fixé par la demande. Pour l’or, il n’intéresse pour le moment que la technologie et la joaillerie. Le secteur financier dans sa majorité le dédaigne en tant que réserve monétaire.

Mais lorsqu’une inquiétude surgira quant au décalage entre rythme de consommation et rythme de renouvellement des réserves du pétrole, le cours du pétrole flambera. L’or dans un premier temps pourra ne pas suivre. Mais tôt ou tard, comme en 1976, il se rattrapera. Ce qui veut dire que le GOR devrait revenir à sa valeur de 15, mais avec un pétrole à plus de 100 $ le baril.

Pourquoi le pétrole s’est-il renchéri à ce point ? A cause de la demande des pays émergents et notamment de la Chine est la réponse communément admise, et d’ailleurs exacte. Mais on pourrait simplement observer que si le pétrole était tellement abondant, il suffirait de prospecter et de pomper pour calmer les prix. Une autre réponse au renchérissement du pétrole est moins répandue : les pays producteurs font de moins en moins confiance au dollar.

Les consciences s’éveillent à la théorie du “peak oil”
Difficile de discerner la part des choses dans l’augmentation de 25 $ à plus de 75 $ le baril en six ans. Ce qui est sûr c’est que la théorie du “peak oil” gagne de l’audience. La Suède est le premier gouvernement à l’évoquer officiellement.

Selon cette théorie, les réserves mondiales ont déjà (ou vont) très prochainement culminer et tout accroissement de la demande conduit donc à un épuisement de la ressource. Or le ralentissement de la consommation n’est pas pour demain. Tout d’abord, la mondialisation a développé les transports. Ensuite, les gagnants d’aujourd’hui (Chine, Inde, Brésil) commencent à avoir une consommation domestique et des travailleurs qui vont bientôt pouvoir s’offrir un scooter ou une petite voiture… sauf récession mondiale majeure. Enfin, les USA ne sont pas encore prêts à se serrer la ceinture. Les Européens ont appris à le faire dès le premier choc pétrolier car leur Histoire n’est qu’une longue suite de pénuries, famines, guerres, et autres vicissitudes. Mais les Européens qui ont fuit leur misère pour peupler l’Amérique ont découvert un pays d’abondance : abondance de terres, de ressources naturelles. Tout était possible, aucune quantité limitée. Ce qu’on avait n’était pas pris à quelqu’un, il y en avait trop pour tout le monde. Le bon côté, c’est qu’aux USA, le riche n’est pas soupçonné d’avoir dépouillé des pauvres. Le mauvais côté, c’est que les voitures consomment 15 à 20 litres au 100 km et que les 4×4 servent à rejoindre les golfs bien arrosés de l’Arizona.

Faute d’économie sur la consommation, le cours du pétrole n’est donc pas près de baisser. Il pourrait au mieux se stabiliser si les gouvernements tentaient de mettre en place une véritable politique énergétique à 10 ou 20 ans. Mais cela signifierait qu’il faudrait dire des choses désagréables aux électeurs… Il est plus probable que les électeurs finiront par comprendre d’eux-mêmes ces choses désagréables et congédieront leurs gouvernements.

En attendant, un prix du pétrole à la hausse implique à terme de l’inflation. Pour le moment, cette inflation a été masquée par la délocalisation de la production de biens manufacturés vers des pays à bas coûts de main d’œuvre. Pour le moment, l’acheminement de ces biens vers les pays riches ne coûte pas trop cher. Mais un jour, le transport redeviendra coûteux. Pour le moment encore les pays en développement acceptent d’être payés en dollars malgré les dettes des Etats-Unis.

Mais un jour, il sera mis en évidence que la guerre pour la démocratie en Irak était en fait une guerre pour le pétrole, qu’elle n’a pas été gagnée et que la première puissance économique mondiale, la plus dépendante du pétrole, est assise sur un tas de dettes et contemple des puits de pétrole vides. Ce jour là sera celui du réveil de l’or. Le GOR se réconciliera avec sa moyenne historique. En tant qu’investisseur, on aimerait que ce soit au moment du pétrole à 120 $ le baril, ce qui mettrait l’once d’or à 1 800 $. En tant que consommateur, la perspective est moins riante.

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