La Chronique Agora

Le fret n'est pas mort !

▪ « Nombreux sont ceux qui, ayant chuté, retrouveront leur place, et nombreux sont ceux qui, mis à l’honneur, chuteront ». Cette citation du poète romain Horace convient admirablement pour décrire les aléas des marchés. Pas étonnant qu’elle apparaisse dans la préface de Security Analysis, le célèbre ouvrage d’investissement écrit par Benjamin Graham et David Dodd.

En résumé, les roues de la finance ne cessent jamais de tourner et aucun actif ne reste éternellement en haut ou en bas de l’échelle. Cette dernière assertion est certainement un heureux message pour l’industrie du transport maritime, qui traverse en ce moment une bien mauvaise passe.

Le transport maritime a causé des soucis à plus d’un investisseur ces dernières années. Mais, dans le sillage d’Horace, voyons si ceux qui ont chu retrouveront bientôt leur place.

Il serait difficile de trouver un groupe de titres plus meurtri que celui des vraquiers, qui transportent principalement du minerai de fer, du charbon et des céréales. L’action DryShips, un baromètre de l’industrie, a baissé de 95% par rapport à son pic de 2007. Cela montre combien les tarifs d’acheminement sont décimés.

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L’ironie est que même si le minerai de fer et le charbon sont en plein boom et que les inquiétudes à propos de l’alimentation font la une de tous les journaux, les tarifs d’acheminement sont au même niveau qu’au pire de la crise financière. Le Baltic Dry Index a déjà chuté de 40% cette année !

La raison est simple : il y a trop de navires. En fait, les nouveaux tarifs sur les navires Capesize (c’est-à-dire trop gros pour passer le Canal de Panama ou le Canal de Suez) sont en dessous des coûts de gestion des navires. Pourtant, et c’est pathétique, de nouveaux navires continuent d’être commercialisés. L’année dernière fut celle où on livra le plus de nouveaux navires dans l’histoire. Cette année, on devrait assister à de nouveaux arrivages, qui augmenteront la flotte de 15% !

En voilà une industrie mal en point… Et pourtant elle ne sera pas toujours en aussi piteux état. C’est impossible. Malheureusement, aussi sagace que soit la réflexion d’Horace, elle ne dit rien sur le temps que cela nécessitera.

▪ Pour autant, les forces du capitalisme, comme les organismes microbiens qui permettent la décomposition des carcasses mortes, commencent à travailler sur l’industrie du transport maritime. Les armateurs commencent à envoyer leurs navires à la ferraille. Dans certains cas, les navires valent plus cher en tant que ferraille qu’en tant que navires.

Par exemple, un propriétaire type d’un navire Capesize peut débourser 25 000 $ par jour pour entretenir son navire… ou bien il peut l’envoyer à la ferraille et récolter 10 millions de dollars. Que feriez-vous à sa place ? Exactement. Et c’est pourquoi les armateurs gagnent des sommes folles. En fait, ils envoient à la ferraille les navires au taux le plus élevé depuis 28 ans.

Certains armateurs font complètement faillite. La deuxième plus importante compagnie de vraquiers de Corée du Sud a finalement choisi d’arrêter les frais après avoir perdu de l’argent pendant six trimestres sur les sept derniers.

Donc, tout va mal, ce qui signifie que les navires ne sont pas chers.

▪ Un ami et lecteur travaille dans une société de capital/investissement. Il m’a expliqué qu’il a commencé à jouer dans cet espace. « Typiquement, la valeur des navires chute d’un million de dollars pour chaque baisse de 1 000 $ du tarif journalier, et donc les bateaux sont cycliquement bon marché en ce moment même ». a-t-il observé. « Le jeu consiste à acheter des navires aujourd’hui, les affréter pendant trois à cinq ans tant que le marché est faible et les revendre quand ce dernier se retourne ». Le tarif journalier, ou tarif spot, est ce que vous pouvez obtenir pour un navire aujourd’hui. Les tarifs d’affrètement sont des contrats négociés sur un plus long terme.

La position de mon ami est anti-conformiste et il le sait. « Nous cherchons à acheter des navires conjointement avec un groupe qui a fait cela avec succès au cours du dernier cycle ». Ils savent tous qu’il pourrait y avoir encore plus de faiblesse à l’avenir mais tous pensent que c’est maintenant le bon moment pour acheter des navires. Ils ne seront pas toujours aussi bon marché.

« Le défi est de gérer le mélange de contrats d’affrètements et d’achats/ventes rapides pour passer la phase descendante en toute sécurité mais avec assez de souplesse pour tirer profit des avantages lorsque la situation se renversera », continue notre homme. « Les contrats peuvent rapporter un bon rendement mais le rendement réel proviendra des reventes des bateaux lorsque les valorisations reviendront à bon niveau ». Il ajoute que l’opinion générale y voit peu d’avantages, mais « on pourrait gagner pas mal d’argent en adoptant le point de vue contraire ». C’est souvent le cas.

Le transport des marchandises en vrac ne va pas disparaître.

Tous les grands marchés émergents ont besoin de minerai de fer, de charbon et de céréales. Les principales routes maritimes se dirigent vers la Chine, qui représente un tiers du commerce en vrac. Le Japon est le premier importateur de charbon. Et les céréales partent des Etats-Unis et du Brésil vers les marchés du Moyen-Orient et de l’Asie. Aucune de ces tendances ne semble devoir prendre fin de sitôt.

L’industrie doit juste assumer son énorme retard en termes de navires, ce qui devrait être fait au travers des navires destinés à la ferraille, des faillites et l’absence de nouveaux navires. Certes, cela prendra du temps mais cela aura certainement lieu, comme Horace le savait bien.

 
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