La Chronique Agora

Le bonheur de Goldman Sachs fait le malheur de Caterpillar

** Nous avons participé à la conférence financière des Publications Agora US à Vancouver la semaine dernière — nous y avons d’ailleurs fêté le dixième anniversaire du Daily Reckoning, la version américaine — et grande soeur — de la Chronique Agora. Un groupe de lecteurs a invité votre correspondant à dîner pour une mise en boîte en règle.

* Nous étions flatté… et reconnaissant de toutes ces attentions.

* Mais nous ne nous faisons pas d’illusions. Les lecteurs viennent nous voir lors des conférences et nous disent combien ils apprécient nos chroniques. Nous attendons leurs questions sur l’Assouplissement Quantitatif, la Transaction de la Décennie, l’Empire des Dettes et tous nos autres thèmes principaux. Au lieu de cela, ils veulent savoir :

* "Comment va votre jardinier ? Que fait Maria à Los Angeles ? Et au ranch, ça va, le bétail ?"

* Les lecteurs savent ce qui est important. Ils veulent en savoir plus sur ce qui compte vraiment.

* Mais nous sommes un fantassin livrant une guerre solitaire contre les sottises économiques ; nous devons poursuivre notre avance !

** La semaine dernière a apporté de nouvelles preuves que la dépression est terminée. Le Dow a grimpé. D’un point de vue technique, on dirait que le rally a encore de beaux jours devant lui. Nous nous rappelons avoir fixé une cible de 10 000 pour le Dow. Peut-être que nous y arriverons.

* Tout ça sonne vaguement inflationniste… et vaguement haussier. En plus, les actions de Goldman grimpent. Et comme nous le savons tous, ce qui est bon pour Goldman est bon pour l’économie.

* Attendez… nous plaisantons, pas vrai ?

* Oui, nous plaisantons. Ce qui est bon pour Goldman est généralement mauvais pour l’économie. Goldman gagne son argent en séparant les investisseurs du leur. Il n’y a rien de mal à ça ; quelqu’un doit s’en charger. Mais les grandes banques sont plus profitables lorsque la spéculation est galopante et que les dettes grimpent. C’est-à-dire lorsque les gens s’endettent de plus en plus… et spéculent sur une hausse des prix des actifs. Nous savons qu’on ne prospère pas vraiment en empruntant et en jouant. Mais ça ne rend pas pour autant les casinos impopulaires ou les prêteurs illégaux. Les banquiers, comme les croque-morts, profitent de la fragilité humaine. Du moins ils en bénéficient tant que le gouvernement est là pour les renflouer ; sinon, ils sont victimes de leur propre fragilité humaine.

* Mais c’est une opinion minoritaire. La plupart des économistes ne sont pas de notre avis. Et ils sont si nombreux… que si tous les économistes qui nous désapprouvent étaient mis bout à bout… ce serait une bonne chose. Ils pensent que l’économie se stabilise… qu’elle est sur le chemin du retour à la normale. Le problème, c’est que la normale n’est plus ce qu’elle était.

* Les banques de Wall Street gagnent de l’argent, c’est vrai. Mais elles ne financent pas de nouvelles entreprises… ou de nouvelles usines. Elles n’aident pas le processus de formation de capital, et n’allouent pas ledit capital de manière à ce que de nouveaux emplois et de nouvelles activités soient créés. Non, elles refinancent d’anciennes dettes… et spéculent sur des actifs morts-vivants. Cela n’augmentera pas la richesse réelle de la planète. L’argent ne fait que changer de poches. Ce qui ouvre bien entendu une question intéressante : d’où vient tout cet argent ?

* Si les poches de Goldman sont gonflées, lesquelles sont vides ? Si les quatre plus grandes banques américaines ont gagné à elles toutes 11 milliards de dollars au dernier trimestre… à qui ont-elles pris cet argent ? Qui a ce genre de somme à sa disposition ?

* Parallèlement, nous avons découvert la semaine dernière que les autorités ont parié une somme équivalente à 170% du PIB américain pour tenter de renflouer la planète. Une partie de cet argent a été utilisée pour racheter les investissements que Wall Street ne voulait plus. Lesquels exactement ?

* Eh bien, ceux qui n’ont pas fonctionné.

* Pas étonnant que les banques gagnent de l’argent.

* Mais alors que les banques gagnent des milliards, des chiffres nous viennent d’un autre secteur — l’industrie. Caterpillar a annoncé ses résultats pour le deuxième trimestre aussi. Les profits ont chuté de 66%. En d’autres termes, alors que les banques faisaient des profits en spéculant avec l’argent des contribuables, Caterpillar essayait de fabriquer des choses et de les vendre à des clients. Caterpillar ne fait pas que construire des choses ; la société fabrique des choses qui aident d’autres entreprises à fabriquer des choses. Des choses avec des moteurs… des grosses choses… des choses qui font du bruit et de la fumée… des choses qu’on utilise pour creuser des trous et transporter de la terre… des choses dont on a besoin si on veut une vraie reprise économique. Et malheureusement pour CAT, ces choses ne se vendent pas.

* Qu’est-ce que tout ça nous dit ? Eh bien… ça suggère qu’il n’y a pas du tout de véritable reprise économique. L’économie réelle souffre… sombre… et met la clé sous la porte.

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