La Chronique Agora

Le 29 mars : la Sainte Gwladys des PDG de groupes automobiles

** Le rebond des marchés s’est poursuivi jusqu’au jeudi 26 mars dans une ambiance plus sereine, confortée par une série de statistiques aux Etats-Unis qui semblent préfigurer une stabilisation de l’activité dans le secteur immobilier. Ce dernier enregistre un rebond technique après trois mois désastreux ; par ailleurs, la consommation connaît un timide rebond pour le deuxième mois consécutif.

Paris aligne une troisième semaine de hausse, ce qui ne s’était plus produit depuis mi-mars 2008. Mais la correction de 2% à 2,5% de Wall Street vendredi dernier rend plus incertain le scénario de la semaine qui débute.

Après un rebond de pratiquement 20%, il n’est pas surprenant que la vélocité haussière se réduise. En outre, les investisseurs commencent à se demander si le G20 de Londres débouchera sur une véritable coopération internationale visant à stabiliser le système financier international, avec l’adoption de mesures concrètes qui transcendent les particularismes culturels et les calculs dictés par des questions de politique intérieure.

Le recul du CAC 40 (-1,78%) vendredi a amputé de moitié les gains de la semaine ; l’indice est venu se repositionner au contact de la MM50 (2 840 points). Les valeurs financières ont commencé à marquer le pas après l’envol de la semaine précédente et les valeurs moyennes, massacrées fin février, ont bénéficié de rachats à bon compte.

Les mouvements ont parfois été spéculatifs — comme on l’a constaté sur Thomson (+31,75%) ou Nicox (+14%) –, mais il y également eu quelques bonnes surprises sur les résultats, ce qui a fait bondir Soitec de 26,5% ou Séchilienne Sidec de 13,7%.

Au sein du CAC 40, les deux vedettes incontestées furent STMicro (+17,8%) et Alcatel Lucent (+12,6%). Cependant, la tendance de fond n’a pas pour autant cessé d’être négative. Ce constat vaut pour Air France-KLM (-6,8% en hebdomadaire avec la perspective de la première perte opérationnelle du groupe) et pour Veolia (-7,7% sur la semaine écoulée) qui a été victime d’une note négative de Goldman Sachs — une de plus !

** Une aversion d’un des courtiers les plus influents a affecté par contrecoup tout le compartiment des utilities. C’est un phénomène général qui s’observe également à Wall Street depuis le 25 mars dernier, les investisseurs privilégiant les cycliques à la lumière des dernières statistiques américaines.

Les dépenses des ménages US ont augmenté comme prévu de 0,2% au mois février, et le département du Commerce a dévoilé parallèlement une contraction de 0,2% des revenus (contre -0,1% anticipé). L’indice de confiance de l’université du Michigan s’est établi à 57,3 en mars contre 56,3 en février et va dans le sens de la stabilisation du marché de l’immobilier révélé en début de semaine.

** Le dollar n’en avait pas tiré un profit immédiat. Il a d’ailleurs fallu attendre jusqu’au 27 mars pour assister à une nette rechute de l’euro face au dollar : -1,75% à 1,3280, soit un écart comparable au repli moyen des indices européens le jour même, l’Euro Stoxx 50 reculant de 1,77%.

Cette faiblesse de la monnaie unique peut être justifiée par le plongeon des commandes à l’industrie dans les 16 pays composant la Zone euro, soit -3,4% en janvier et -34,1% sur un an. Les commandes se sont littéralement effondrées en Allemagne (-7,6% en janvier et -37,7% sur un an) mais ont mieux résisté en France (-1,4% et -31% sur un an).

Les déclarations de Dominique Strauss-Kahn, président du FMI, ont également pesé sur l’euro. Il estime qu’il faudra entre deux et trois ans pour que l’économie mondiale comble ses pertes dues à la crise financière. Il a précisé que l’on pouvait "avoir à nouveau de la croissance à partir du premier semestre 2010", sous réserve de mettre en place "les bonnes politiques", dont notamment celles destinées à l’assainissement du système bancaire. Il a indiqué que l’ensemble des actifs toxiques détenus dans les bilans des banques pourrait s’élever à plus de "2 200 ou 2 300 milliards de dollars", ce qui confirme l’étude de Goldman Sachs qui estime les pertes potentielles à 3 300 milliards de dollars.

** En France, le PIB a baissé de 1,1% en volume au quatrième trimestre 2008, d’après les données détaillées de l’Insee. Les dépenses de consommation des ménages accélèrent légèrement (+0,3%) mais les exportations s’effondrent de 3,5% — les importations diminuant de 2,3%. L’investissement productif enregistre sa chute la plus sévère depuis 1975, année de la grande crise pétrolière.

Le secteur automobile porte une lourde part de responsabilité dans cette véritable capitulation industrielle. Le week-end s’est achevé par deux annonces qui ne vont pas manquer de faire réagir fortement les marchés jusqu’à l’entame du G20 ce jeudi. Peugeot Citroën vient ainsi de remercier brutalement Christian Streiff, son président du directoire, deux ans après son arrivée en remplacement de Jean-Martin Folz. Il quittera officiellement ses fonctions le 1er juin mais la page sera tournée dès aujourd’hui.

Le nouveau patron désigné par la famille Peugeot et le conseil d’administration n’est autre que Philippe Varin, qui dirigeait le groupe sidérurgique anglo-néerlandais Corus.

** Aux Etats-Unis, les actionnaires et le Congrès avaient beau ruer dans les brancards, cela n’avait guère ébranlé la direction de General Motors. Qu’à cela ne tienne : la Maison Blanche — et en premier lieu Barack Obama — a exigé la démission, avec effet immédiat, du CEO en titre, Rick Wagoner. Cela s’est passé à la veille de la présentation du plan de restructuration de GM, selon des articles concordants à paraître dans le New York Times et le Wall Street Journal.

Rick Wagoner est donc débarqué sans ménagement — admirez la parfaite simultanéité avec Christian Streiff — par l’administration démocrate. Il était également devenu la tête de turc de la frange la plus libérale du parti républicain pour avoir précipité le premier constructeur automobile américain droit dans le mur lors de l’envolée des prix du pétrole.

Une issue largement prévisible mais qui n’a pas mis fin à une surenchère dans la course à la puissance des 4×4 avec ses rivaux de Detroit mais également japonais… ce qui a débouché sur un Pearl Harbour commercial en 2008, pour paraphraser Warren Buffett.

Le Sage d’Omaha n’avait pas manqué de fustiger à plusieurs reprises les mauvais choix stratégiques des Big Three, lui qui avait, selon la légende, conduit lui-même pendant 10 ans la même vieille Lincoln — vendue aux enchères pour une oeuvre caritative en 2006.

Si tous les Américains l’avaient imité il y a 10 ans, le krach de 2000 à 2003 ne se serait pas seulement appelé celui des dot.com mais également celui des huit cylindres en V et de la transmission intégrale permanente !

Comme cette appellation est un peu plus longue, ça a aussi pris plus de temps — cinq ans de mieux –, mais le résultat est à la hauteur des milliards de tonnes de CO2 superflus rejetés dans l’atmosphère !

Philippe Béchade,
Paris

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