La Chronique Agora

Heureusement que Larry Summers a retiré sa candidature à la Fed !

▪ Notre campagne pour devenir le prochain président de la Fed avait subi un contrecoup majeur vendredi, des rumeurs provenant du Japon disant que Barack Obama nommerait dans quelques jours notre rival Larry Summers à ce poste.

Nous pensions que tout était perdu quand… l’impensable s’est produit ! Prenant tout le monde par surprise, Summers a officiellement retiré sa candidature ce week-end. Il devenait douloureusement évident qu’il ne passerait pas le processus de confirmation. Mais il est assez clair que, toutes choses étant égales par ailleurs, c’est l’homme qu’Obama voulait pour le poste.

Voyons voir un peu pourquoi…

Oui, Summers est plus intelligent que nous.

Oui, il a fait des études plus brillantes.

Oui, c’est un vrai économiste.

Oui, il a de nombreux soutiens politiques et une personnalité de gagnant.

Mais à part ça…

Des études ont été faites. Elles montrent que les gens qui ont un QI moins élevé sont meilleurs chauffeurs de camion que des gens ayant un QI très élevé. Ce qui révèle la question essentielle :

Qu’est-ce que la gestion d’une banque centrale ? Et jusqu’à quel point faut-il être intelligent pour être un bon banquier central ?

▪ Retour vers la bulle
Nous reviendrons à ces questions dans un instant. D’abord, notons que les derniers jours ont été bons pour les actions et mauvais pour l’or. Nous commençons à nous demander si les tendances d’août — chute des actions… hausse de l’or — n’étaient rien de plus que ce vieux filou de M. le Marché en train de nous embrouiller une fois encore. Il va falloir attendre un peu pour voir ce qu’il en est.

Personne ne sait ce qui arrivera. Du moins personne que nous ayons rencontré ou dont nous ayons entendu parler. En revanche, nous avons rencontré beaucoup de gens qui pensent le savoir… et ce sont eux qui sont dangereux.

En l’occurrence, les manoeuvres de la Fed pourraient avoir un effet explosif sur les marchés boursiers. L’assouplissement quantitatif a ajouté environ 2 000 milliards de dollars aux "excès de réserves" du système. Cela pourrait être 10 fois plus grâce au système de prêt fractionnel — mobilisant jusqu’à 20 000 milliards de dollars supplémentaires de pouvoir d’achat. Imaginez qu’une telle somme se retrouve dans les cours !
 
C’est parfaitement possible.

Oui, cher lecteur, nous voyons la pire sorte de "reprise" : un retour aux imbécilités bullesques de la période 2005-2007 (continuez votre lecture !). Des oeuvres d’art se vendent à des prix astronomiques. Des palais luxueux et de vieilles voitures atteignent de nouveaux records. Cet argent imprudent est-il en train d’atteindre aussi les marchés boursiers ? Si oui, accrochez-vous. Cela pourrait devenir ahurissant. Cela pourrait être féroce. Cela pourrait être insensé… et ça aurait pu l’être encore plus si Larry Summers avait pris les commandes de la Fed.

Le principal argument de vente de Summers était son génie. Il est si brillant que même lorsqu’il était très jeune, il a convaincu l’un des grands noms de la finance théorique, Fischer Black, de changer du tout au tout son opinion sur le fonctionnement des marchés.

Par la suite, les travaux de Black sur les valorisations des options et des dérivés (il a terminé sa carrière chez Goldman Sachs) ont aidé ses collègues à remporter des Prix Nobel. Ils ont par la suite été des rouages essentiels dans des effondrements monumentaux — notamment celui du hedge fund de son ancien partenaire, LongTerm Capital Management. Goldman elle-même se serait probablement effondrée durant la crise de 2008-2009 si le secrétaire au Trésor US — et ancien PDG de Goldman — Hank Paulson n’était pas intervenu.

Nous ne savons pas si Black a jamais remercié Summers de sa contribution à ces catastrophes.

Nous ne savons pas non plus si le fonds de l’université d’Harvard a attribué à Larry assez mérite pour son rôle dans ses pertes de 10 milliards de dollars en 2008-2009.

▪ Le passé c’est le passé…
De l’eau a coulé sous les ponts. Tout ça est oublié. Pardonné. C’est de l’histoire ancienne.

Il ne va de même pour le fait que Summers semblait ne pas avoir la moindre idée que la crise arrivait… Vous pouvez lire vous-mêmes ses déclarations publiques. Il était aussi ignorant que Ben Bernanke des problèmes qui se dessinaient.

Tout ça est derrière nous. Qu’est-ce qui est devant nous ?

Selon notre amie Gillian Tett au Financial Times, on prend les mêmes et on recommence :
"Le système financier insensé continue son existence post-Lehman", titre son article.

"La mauvaise nouvelle", continue-t-elle cinq ans après la faillite de Lehman Bros., "c’est que le système est tout aussi fou — voire plus".

Pourquoi ?

Les grandes banques sont encore plus grandes.

Les riches sont plus riches.

Fannie et Freddie continuent leurs sottises.

Le shadow banking joue un rôle encore plus grand.

Et le système dépend encore plus de la gestion des banques centrales.

S’il avait été nommé, Larry Summers aurait donc probablement présenté une menace encore plus considérable pour la santé financière de la planète que Ben Bernanke. Ce qui nous ramène à notre question :

A quel point faut-il être intelligent pour être un bon président de la Fed ? Faut-il un QI de 150 ? 180 ? 200 ?

Qu’obtient-on avec toute cette puissance de calcul ? Est-ce que 10 points de QI supplémentaires réduisent les niveaux de dette ? Est-ce que ça aide à créer des emplois ? Est-ce que ça permet de repérer une bulle avant qu’elle n’éclate ?

Pas si l’on en juge par les faits !

▪ Il y a un corollaire
N’est-il pas possible que les candidats au poste de président de la Fed — quels qu’ils soient — soient trop intelligents pour leur propre bien… et pour celui de l’économie mondiale ?

Voici notre point de vue : conduire le système financier n’est pas une science compliquée. C’est plutôt comme conduire un camion. L’idée n’est pas d’inventer de nouvelles théories et des innovations complexes. Le plus important, c’est de ne pas sortir de la route !

Larry Summers ? Heureusement qu’il s’est désisté ; il a déjà eu de trop nombreux accidents.

Note à Barack Obama : il n’est pas trop tard. Nous conduisons une camionnette. Appelez-nous.

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