La Chronique Agora

L'Arabie saoudite encaisse la crise

Par Ingrid Labuzan (*)

Certes, les pays du Moyen-Orient souffrent de la chute du prix du pétrole. Les histoires sur leur déroute se multiplient, les expatriés abandonneraient leurs voitures à l’aéroport de Dubai avant de décoller sans billet de retour, pour fuir leurs dettes…

Cependant, certains pays du Golfe restent relativement épargnés. L’Arabie saoudite parvient ainsi à garder la tête hors de l’eau, malgré des vagues de plus en plus hautes. L’impact de la crise financière y est sans commune mesure avec ce que nous traversons en Occident, car les banques ne regorgeaient pas de produits toxiques.

Les pertes les plus fortes qu’ont enregistrées les Saoudiens sont celles qu’ils ont subies aux Etats-Unis, où ils avaient placé de fortes sommes sur les marchés financiers et dans l’immobilier. Leurs investissements à titre privé s’y montaient à 405 milliards de dollars, soit plus d’un an de production nationale de richesse. Ils auraient perdu environ 40% de leur valeur.

Si les Saoudiens paient le prix de la crise à l’extérieur, à l’intérieur, ils sont relativement protégés. L’atout de l’Arabie saoudite est en effet ses réserves de devises, qui lui permettent de réagir aussi bien face à la crise qu’à la chute des cours du pétrole.

Le budget 2009 a été construit autour d’une estimation de cours du pétrole à 45 $ le baril et le gouvernement dispose d’une marge de manoeuvre assez large pour réagir. En 2008, il a enregistré un excédent budgétaire de 590 milliards de riyals saoudiens, ce qui représente 2,5 fois la somme de dépenses prévue pour l’année en cours, sachant que ces dernières ont été augmentées de 36%.

De plus, l’Arabie saoudite est le pays du Golfe qui a mis en place le plus de mesures pour stimuler son économie et anticiper une possible contagion de la crise du crédit bancaire. Elle a par exemple garanti les dépôts et encouragé les prêts bancaires.

Des signes encourageants
Toutes proportions gardées en cette période de débâcle de l’économie, l’Arabie saoudite envoie plusieurs signaux positifs. Elle ne cesse de développer des projets d’infrastructures et son commerce extérieur. Elle vient de signer des accords avec les chemins de fer de la Chine pour un projet de monorail reliant ses différents lieux saints. Un représentant chinois expliquait ainsi, à l’occasion de la signature du projet de monorail, que "le commerce avec l’Arabie saoudite a plus que doublé depuis 2005, avec une augmentation de 65% rien que pour l’année dernière".

Ce projet de transport entre les lieux saints s’inscrit dans une politique de diversification des revenus grâce, entre autres, au tourisme religieux. Plusieurs entreprises vont ainsi répondre à un appel d’offres de plusieurs milliards de riyals saoudiens pour un complexe touristique sur la côte ouest du pays.

La Bourse saoudienne montre certaines prémices de reprise. Elle a tout d’abord subi une chute importante due à la crise, tout comme le reste des marchés du Golfe. Les Bourses du Conseil de coopération du Golfe (CCG : Arabie saoudite, Koweït, Emirats arabes unis, Qatar, Bahreïn et Oman) ont perdu pas moins de 51 milliards de dollars en janvier, portant la capitalisation totale de ces marchés à 549 milliards de dollars.

Les valeurs saoudiennes ont été fortement secouées, dont celles qui sont liées aux activités pétrolières. Sabic, spécialiste de la pétrochimie, a ainsi vu ses bénéfices s’effondrer de 95,5%.

Mais la Bourse saoudienne (Tasi), qui représente la plus importante capitalisation des pays arabes, commence à se redresser, ne reculant que de 0,3% en janvier, après avoir perdu 56,5% en 2008. De plus, cette place pourrait bénéficier de l’apport de nouveaux capitaux, alors que les Saoudiens rapatrient ceux qu’ils ont pu sauver des Etats-Unis ou d’Europe.

Lorsque les cours du baril repartiront à la hausse, l’indice Tasi pourrait faire de même, rendant la Bourse saoudienne plus attrayante que les marchés européens ou américains.

Meilleures salutations,

Ingrid Labuzan
Pour la Chronique Agora

(*) Journaliste, Ingrid Labuzan est titulaire d’une maîtrise d’histoire, d’un master d’European Studies du King’s College London et d’un mastère médias de l’ECSP-EAP. Spécialisée sur le traitement de l’information et des médias étrangers, elle a vécu et travaillé pendant six mois à Shanghai. Elle a contribué à de nombreuses publications, dont le Nouvel Observateur Hors-série. Elle rédige désormais chaque jour la Quotidienne de MoneyWeek, un éclairage lucide et concis sur tous les domaines de la finance.

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