La Chronique Agora

Laissez faire… ou pas ?

** "Pour Wall Street et la City, les années folles sont bel et bien révolues… et elles ne sont pas près de revenir. Lorsque l’économie mondiale sera sortie du marasme, les Etats auront entre-temps institué une réglementation tellement stricte, qu’il sera impossible à la finance de retrouver son opulence flamboyante".

Ainsi commençait un article du Monde vendredi, basé sur des informations provenant de l’agence Breakingviews.com. Cette dernière a réussi à obtenir une copie du document de travail sur lequel planchera le G20 — il concerne les nouvelles réglementations, contrôles et mesures destinés à contrer la crise actuelle, notamment dans ses aspects purement financiers.

"Le projet recueillera l’approbation quasi générale, exception faite des financiers", continue Le Monde. D’ordinaire, tout ce qui contrarie les financiers nous semble plutôt positif… sauf lorsque c’est mis en place par des politiciens.

Et là, cher lecteur, nous entrons dans un débat qui dure depuis longtemps à la rédaction des Publications Agora. Il y a les partisans du "laisser-faire" pur et dur, comme Bill Bonner, pour qui la crise actuelle est une étape douloureuse mais nécessaire :

"Les commentateurs se trompent tous. Regardez le bon côté des choses", nous disait-il il y a une dizaine de jours. "L’économie mondiale ne vit pas une période de croissance négative. Elle vit une période d’effondrement positif ! Qu’a-t-elle de positif ? Elle nous débarrasse d’une génération d’erreurs, de mauvaise allocation des ressources et de confiance mal placée".

Les plans de relance et autres renflouages ne font que retarder — et aggraver — une purge nécessaire du système, selon Bill ; Simone Wapler, rédactrice en chef de MoneyWeek est bien de son avis :

"Beaucoup de commentateurs invoquent le New Deal de Roosevelt", remarque-t-elle. "Pourtant, son efficacité n’a jamais été prouvée. Pis, l’économiste Ed Yardeni pense que ce plan a aggravé la crise. Il est impossible de dérouler le film de l’Histoire selon un autre scénario pour en voir les résultats, donc de statuer sur le fait que le New Deal, à défaut d’être efficace, a eu en effet adoucissant".

"Cependant, les faits sont têtus. Le monde est réellement sorti de la dépression grâce à la Seconde Guerre mondiale. La longue période de croissance qui a suivi, les Trente Glorieuses, est essentiellement due à la reconstruction d’une Europe en ruines".

Alors quoi ? Faisons confiance à la destruction créatrice et tout finira bien ?

Philippe Béchade n’est pas de cet avis, qui critique depuis longtemps la position européenne (et la BCE, notamment) — parfaitement résumée cette semaine par Jean-Claude Juncker, Premier ministre du Luxembourg et président de l’Eurogroupe (forum des ministres des Finances de la Zone euro), cité sur Investir.fr : "je suis tout à fait opposé à ce que nous, Européens suivions le souhait américain d’avoir des programmes de relance encore plus massifs", a-t-il déclaré jeudi dernier.

Selon Philippe, une telle position est littéralement criminelle ; les autorités européennes font preuve d’un aveuglement et d’une arrogance qui provoquent — et continueront de provoquer — chômage, misère sociale et pauvreté… et tout ça pour de simples "principes" qui oublient le facteur humain pour se concentrer uniquement sur les rouages théoriques de l’économie.

Qui a raison ? Qui a tort ? Personne, si vous voulez mon avis. Parce qu’au coeur même de toutes ces questions, on trouve l’être humain… avec son avidité, ses craintes, ses comportements irrationnels. Comment diable "auto-réguler" des individus aussi indisciplinés, qui feront tout, toujours, pour mettre des bâtons dans les roues des mécanismes naturels et contrarier la "main invisible" ?

D’un autre côté, comment mettre en place un système permettant de contrôler tout ça ? Et surtout, qui sera à l’origine d’un tel système ? Des êtres humains, bien entendu : peut-on compter sur eux pour mettre de côté leurs envies, leurs ambitions, leur personnalité ?

Vaste débat, cher lecteur, vaste débat…

Meilleures salutations,

Françoise Garteiser
La Chronique Agora

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