La Chronique Agora

La tournée du patron

** "La Fed baisse son taux directeur d’un demi-point et les marchés grimpent", nous annonçait hier le International Herald Tribune.

* Autre gros titre :

* "La Banque d’Angleterre double ses renflouages".

* Ces deux titres disent la même chose :  

* "C’est la fête !…"

* Tel est du moins le message que les investisseurs ont retenu des actions de la Fed. Ils ont fait grimper le Dow de plus de 300 points. "L’euphorie balaie Wall Street", décrivait le International Herald Tribune.

* Comme nous l’avions annoncé dans ces lignes il y a bien longtemps de ça, la Banque de Ben Bernanke a démontré qu’elle n’était pas la Banque de Paul Volcker. C’est toujours la Banque d’Alan Greenspan. Et comme pour son illustre prédécesseur, le principal souci de cette banque est d’éviter un ralentissement à la japonaise. En d’autres termes, des deux formes de "flation", elle préfère celle qui commence par "in" à celle qui commence par "dé".

* Selon la presse, personne ne doutait que la Fed allait baisser ses taux. La vraie question était de savoir de combien ? Nous pensions aussi qu’elle allait les baisser, mais nous supposions qu’elle ferait le choix le plus prudent — un quart de point, plutôt qu’un demi. Le fait qu’elle ait choisi de réduire le taux directeur d’un demi-point renforce le message : "c’est la tournée du patron", en gros.

** Pendant ce temps, de l’autre côté de l’Atlantique, la Banque d’Angleterre hésitait à venir en aide aux spéculateurs. Les banquiers craignaient qu’en offrant de tirer d’affaire de riches boursicoteurs, ils leur donneraient une mauvaise impression. Les spéculateurs pourraient penser qu’ils pouvaient commettre n’importe quelle imprudence — y compris acheter de la dette subprime américaine — et que la banque centrale britannique les renflouerait toujours. Northern Rock était le principal sujet d’inquiétude ce week-end. La société a prêté des milliards de dollars aux brasseurs immobiliers britanniques. Mais quand Northern Rock a elle-même eu besoin d’un prêt, les marchés du crédit lui ont soudain tourné le dos. Le prêteur s’est retrouvé à court de cash… une situation largement aggravée par les déposants qui faisaient la queue pour retirer leur argent, craignant un effondrement.

* "C’est tout à fait comme en 29", nous déclarait une jolie Française lors du dîner hier soir. "Je ne connais rien à la finance, mais je n’aime pas la tournure que ça prend".

* A la Chronique Agora, nous ne connaissons rien à la finance non plus. Mais nous n’aimons pas la tournure que ça prend.

* Depuis deux jours, les prêteurs privés sont sur les dents. Une sorte de "flation" est en route, ont-ils remarqué. Elle fait baisser les prix des maisons US… et, comme nous l’apprenions la semaine dernière… les prix des maisons britanniques également. Elle cause une réévaluation générale du risque… et des actifs risqués. Les actions ont grimpé… puis baissé — comme si les investisseurs ne parvenaient pas à décider dans quelle direction cette réévaluation devait se faire. Mais une grande quantité des actifs adossés à la dette sont clairement réévalués vers le bas.

* Entre elles — c’est-à-dire selon le London Inter-Bank Lending Rate — les banques avaient décidé de se prêter de l’argent à 6,47%. Mais voilà qu’arrivent Ben et Mervyn, et les taux de prêt passent à 6% à Londres… et 4,75% aux Etats-Unis.

* Nous devons poser la question : quel air ces banques centrales respirent-elles ? Quelle nourriture absorbent-elles ? En quelles théories économiques croient-elles… et quels dieux adorent-elles ? Comment peuvent-elles croire que de tous les taux d’intérêt possibles — de zéro à l’infini — elles trouveront le bon ? Comment peuvent-elles imaginer que leur jugement est meilleur que celui du marché libre — dans lequel elles affirment avoir une telle confiance ?

* Oh, oubliez ça…

* Mais cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y a pas de questions ouvertes. "Et maintenant ?", telle est la question principale. Des renflouages… des renflouages… et encore des renflouages… mais les pompes fonctionnaient également sur le Titanic. Les ingénieurs devaient en être fiers.

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