La Chronique Agora

La taxe Tobin ou comment se tirer dans le pied

▪ La France aurait-elle décidé de dissiper la morosité ambiante en offrant à ses partenaires économiques une succession d’occasions de rire aux éclats ?

Après avoir fait se tirebouchonner la communauté financière en affirmant qu’un AAA à 3,60% valait un Triple A à 1,80% en Allemagne, Bercy a réussi à prolonger l’hilarité générale en déclarant que voir la note de la France dégradée n’aurait guère plus d’incidence que pour les Etats-Unis.

La preuve… le Trésor américain se refinance à 2% en ce début d’année, c’est-à-dire bien moins cher qu’avant la perte du Triple A au milieu de l’été.

Le gouvernement oublie juste deux petits détails : primo, la Banque de France n’a pas le pouvoir de battre monnaie à sa guise… Secundo, les agence de notation sont Anglo-Saxonnes et se fichent bien que M. Alain Minc (un des conseillers spéciaux du président) les juge incompétentes.

Lors d’un examen, que le jury soit ou non compétent, voire partisan — et admettons même qu’il soit corrompu –, les problèmes, ce sont ceux qui vont au rattrapage ou qui sont recalés qui les subissent, pas les examinateurs.

Et le véritable jury, ce n’est pas le comité d’évaluation de Standard & Poor’s mais bel et bien la communauté financière.

Cette dernière n’a pas attendu un avis défavorable des agences de notation pour acter la dégradation de deux crans de la dette souveraine française dès le début du mois d’octobre.

La France seule avec sa taxe Tobin

La France menace de se ridiculiser à nouveau en ce début d’année en décidant d’appliquer unilatéralement une taxe Tobin sur les transactions financières dans l’Hexagone. Mais aucun de ses partenaires européens (et naturellement pas le Royaume-Uni qui est farouchement contre) ne se déclare prêt à l’appliquer avant qu’un vaste consensus ne soit réuni.

La France espère que son sage exemple sera suivi par les principaux acteurs du Vieux Continent. Chacun sait bien, toutefois, qu’une telle initiative se soldera par une délocalisation massive des transactions vers la City… à moins que cette dernière ne se retrouve contrainte de respecter une super-réglementation mondiale dont nous peinons à concevoir comment elle pourrait voir le jour.

▪ Pas de rally à Paris

A Paris, pas de rally de début d’année. Le CAC 40 (-0,25%) alignait vendredi une troisième séance de repli, achevant la semaine sur un repli global voisin de 0,7%.

Wall Street s’adjuge +1,5% sur les quatre premières séances de l’année. En revanche, celle de vendredi fut clairement décevante puisque le Dow Jones a rapidement calé sous les 12 400 points avant de glisser lentement en cours d’après-midi vers 12 360 points (-0,45%) sans jamais redresser jusqu’au coup de cloche final.

Le S&P 500 a lâché 0,25% tandis que le Nasdaq progressait symétriquement de 0,15%… des scores étriqués et qui détonnent compte tenu de l’annonce de 200 000 créations d’emplois aux Etats-Unis pour le mois de décembre (contre 150 000 attendus).

Les opérateurs ne se sont pas non plus emballés pour le recul du taux de chômage de 0,2% à 8,5% (au plus bas depuis février 2009).

Ils n’ignorent pas plus que nous que cette embellie résulte principalement du toilettage des fichiers du département du Travail.

Ayons une pensée pour les 200 000 chômeurs de longue durée qui ont jeté l’éponge et qui se trouvent propulsés dans une sorte de trou noir, tapis au tréfonds de la statistique officielle. Ils ont cessé de faire partie de notre univers économique quantifié.

Ces exclus, souvent condamnés à la plus extrême précarité, n’ont même plus les moyens de se faire entendre. Sans domicile fixe et totalement désillusionnés, ils sont une minorité à exercer leur droit de vote.

Leur poids en tant qu’électeurs et consommateurs est si dérisoire qu’ils sont devenus parfaitement invisibles aux yeux de Wall Street.

▪ L’euro/dollar au centre de la scène

Le principal sujet de préoccupation en ce début de semaine sera le dollar qui grimpe bien au-delà des 1,2700 euro. Il franchissait le cap des 1,2680 sur les marchés asiatiques ce lundi matin). Il progresse de 2,1% en une semaine (et de 4,5% sur un mois) face à l’euro et confirme le débordement de la résistance moyen terme des 1,2900 euro.

La pression à la baisse s’accroît sur l’euro alors que la solvabilité des banques des pays du sud de l’Europe continue de susciter beaucoup d’interrogations.

La décote de 40% proposée par UniCredit pour son augmentation de capital serait un bien mauvais benchmark si d’autres banques devaient lever des fonds dans un contexte de défiance et de gel prolongé du marché interbancaire.

Nous ne sommes plus très loin de tester la limite de l’acceptable et pour tout dire du raisonnable. Les souscripteurs potentiels peuvent légitimement se demander s’il ne vaudrait pas mieux arrêter les frais dans un contexte de risque de contagion affectant l’ensemble du système bancaire.

L’appel au marché d’UniCredit est destiné à renflouer les pertes connues. Mais qu’en serait-il des pertes potentielles si des consoeurs italiennes ou des contreparties étrangères (par exemple grecques ou espagnoles) venaient à faire défaut ?

Les gouvernements pourraient-ils appeler une fois de plus les contribuables à la rescousse sans que les agences de notation ne dégainent le bazooka ?

C’est ce que redoutent déjà beaucoup de cambistes si les gouvernements belge et surtout français annoncent la nationalisation de Dexia ces jours prochains !

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile