** Ouf ! Quel soulagement ! Nous avions peur que l’opération stress test ne débouche sur des conséquences négatives… pour notre crédibilité.
Mais nous voici pleinement rassuré : comme nous l’avions écrit à de nombreuses reprises, le stress test de l’équipe Geithner, c’était du flan ! Nous songions également aux images suivantes : un loup déguisé en grand-mère, un Paris-Dakar sur PlayStation, une partie de poker avec des dollars zimbabwéens (leur valeur faciale est inférieure à leur poids de papier) en guise de jeton (et la Fed en guise de faux-jeton, validant la méthodologie tout en sachant que rien ne remplace les conditions du réel).
Notre Chronique de vendredi s’était achevée par le terme "pantalonnade"… et nous n’en avons pas trouvé de meilleur au cours du week-end pour qualifier le stress test.
Le Wall Street Journal et le Financial Times révèlent en effet que les 19 grandes banques américaines participant aux "tests de résistance" ont négocié comme des marchands de tapis pour faire baisser les chiffres officiels concernant le montant de capital requis en cas d’aggravation de la crise.
Selon un accord tenu secret (ledit secret aura tenu moins de 24 heures avant que les masques ne tombent), l’Etat et les banques se seraient entendus sur la divulgation de montants qui, comme par hasard, circulaient sous formes de rumeurs depuis une dizaine de jours.
Le Wall Street Journal nous apprend que Bank of America aurait besoin de plus de 50 milliards de dollars… mais un chiffre de 33,9 milliards a été jugé plus présentable. Le record de bidonnage revient à Citigroup qui avoue un besoin de 5,5 milliards de dollars au lieu des 35 milliards calculés par le gouvernement. Pour Wells Fargo, on a préféré inverser simplement les deux derniers chiffres : les 17,3 milliards de dollars ont été transformés en 13,7 milliards — l’administration pourra toujours plaider l’erreur de retranscription de la part d’un stagiaire du Trésor un peu distrait…
Les plus grands établissements de crédit américains devraient recapitaliser pour un montant cumulé de 74,6 milliards de dollars… mais la vérité se situe bien au-delà des 100 milliards — et qui sait ce qu’AIG nous réserve encore dans la catégorie "assureurs en pleine catastrophe" !
** Bien entendu, à Wall Street, tout le monde a feint de croire à la farce des résultats officiels (surtout ceux qui ont le plus bidonné leurs bilan) ; le Dow Jones a pris 2% en clôture, et 4,4% en l’espace de cinq séances.
La semaine qui débute s’annonçait sous de bons auspices, les places européennes étant anticipées en légère hausse… mais si les cours ont été tenus à l’ouverture (certainement pour favoriser des arbitrages entre cash et positions à terme), les indices ont rapidement basculé dans le rouge — ce qui nous change un peu du scénario qui prévaut depuis… neuf semaines et demi.
Tous les voyants boursiers et économiques semblent effectivement bloqués au vert depuis le 9 mars dernier ; pas un seul ne clignoterait à l’orange, d’après les économistes qui ne voient aujourd’hui que des raisons de rester acheteur.
Stabilisation de la production industrielle, moindre dégradation du marché de l’emploi aux Etats-Unis, trimestriels satisfaisants, hausse de la confiance des ménages et des milieux d’affaires… voilà parmi principaux motif de poursuite du rallye haussier amorcé 36% plus bas (en ce qui concerne les valeurs françaises).
** Il y a tout de même eu petit coup de froid sur le marché parisien ce lundi : la production industrielle au mois de mars aurait chuté de 1,4%, enregistrant -6,9% sur l’ensemble du premier trimestre 2009.
C’est encore plus catastrophique en Italie avec -4,6% en mars et -23,8% sur les 12 derniers mois… mais pour la bourse de Milan, tout se passe comme si son équipe de foot allait remonter un handicap de trois buts durant les arrêts de jeu.
L’euphorie de Wall Street vendredi ferait presque oublier que le marché du travail demeure dégradé outre-Atlantique : l’économie américaine a détruit 539 000 emplois au mois d’avril, un chiffre moins lourd que prévu, tandis que le taux de chômage est remonté à 8,9%. Le marché tablait en moyenne sur 600 000 destructions de postes et sur un taux de chômage de 8,9%, contre 8,5% au mois de mars. Le chiffre des suppressions de postes pour mars a en revanche été revu en hausse à 699 000, contre 663 000 en première estimation.
Par ailleurs, les stocks des grossistes ont de nouveau chuté aux Etats-Unis au mois de mars : -1,6%, soit un repli plus fort que les attentes des économistes, et ce, après une baisse de 1,7% au mois de février (chiffre révisé d’une estimation initiale de -1,5%).
C’est peut-être bon signe… mais cela pourrait aussi traduire de lourds sacrifices sur les marges et l’instauration d’un système de "soldes permanentes" comme au Japon il y a 15 ans de cela.
Cependant, comme l’histoire à l’échelle d’un pays ne saurait se répéter à l’échelle de la planète, les Etats-Unis pourraient connaître une variante de la déflation encore pire que celle des années 90 au Japon : chute des prix de l’immobiliers mais hausse du coût des matériaux de construction et des carburants à la pompe.
Ce serait une combinaison originale et dévastatrice d’inflation et de negative equity.
Philippe Béchade,
Paris