La Chronique Agora

La Suisse asiatique (2)

Par Chris Mayer (*)

Le nouveau livre de Joe Studwell, Asian Godfathers, examine les succès de divers entrepreneurs d’Asie du Sud-est. Singapour figure en bonne place dans l’ouvrage. Les commentaires de Studwell nous éclairent sur les raisons du succès de Singapour. Bon nombre de ces raisons servent encore la ville aujourd’hui.

Le succès de Singapour est dû en partie, comme le dit Studwell, "à des échanges commerciaux exonérés de taxes (avec peu ou pas de questions sur ce qu’on échange) et […] des endroits où abriter son argent (avec peu ou pas de questions sur la provenance de cet argent)".

Pour cela, Singapour effectue "un tour économique très simple". Soyez un peu plus aimable que vos voisins à l’égard de l’argent, et vous attirerez les flux de capitaux. Même si Singapour a un long passé de commerce et de contrebande, sa réputation en tant que Suisse de l’Asie — un endroit où mettre de l’argent à l’abri, mais aussi une plaque tournante pour les capitaux — est plus récente.

Alors que l’Union européenne accentue la pression pour que la Suisse mette fin à l’évasion fiscale, Singapour bénéficie des retombées. Le nombre de banques privées étrangères à Singapour a plus que doublé, passant de 20 en 2000 à 42 actuellement.

Selon le journal Barron’s, Singapour est le deuxième plus grand centre bancaire de la planète après la Suisse. La part mondiale de Singapour dans le secteur de la banque privée avoisine les 6%, à comparer avec les 18% de la Suisse. Mais Singapour se développe de 30% par an. Les actifs des banques privées ont été multipliés par six depuis 1998. Aujourd’hui, Singapour abrite environ 300 milliards de dollars, selon Citigroup (dont un tiers de l’activité de banque privée en Asie provient de Singapour. Les gens de Citigroup savent donc de quoi ils parlent).

Tout cet argent a besoin de "gardiens" — des comptables, des conseillers en investissements et autres spécialistes. Voilà pourquoi les banques privées apprécient tant d’être à Singapour. En tant qu’investisseur, il est un peu difficile d’investir directement dans cette idée. En ce qui me concerne, je ne suis pas particulièrement enthousiasmé par l’idée de détenir un grand conglomérat financier juste parce qu’il est très exposé à Singapour. Néanmoins, c’est une tendance à surveiller.

Au delà de ça, il y a une autre dimension à la prospérité de Singapour au 21ème siècle que je trouve fascinante. Singapour est aussi un centre important pour les entreprises du secteur de l’eau, une sorte de Silicon Valley de l’eau. Tom Rooney, que j’ai interviewé le mois dernier, trouve que Singapour est "l’endroit le mieux informé au monde sur l’eau". On y trouve plus de 100 valeurs sur le traitement de l’eau, avec une capitalisation boursière totale dépassant les 500 milliards de dollars, selon Jim Rogers.

L’ancien comptoir commercial imaginé par Raffles continue d’être un foyer majeur du commerce international. Après tout, le port de Singapour est le plus grand au monde. Mais il accueille aussi un boom de la banque privée, ainsi qu’une plate-forme vitale pour le secteur de l’eau en pleine croissance. Les pays occidentaux pourraient apprendre une chose ou deux sur l’argent et comment en gagner en étudiant le développement de Singapour. Quant aux investisseurs, ils devraient envisager de mettre un peu de leur portefeuille au travail à Singapour.

Je pense que Raffles serait content.

Meilleures salutations,

Chris Mayer
Pour la Chronique Agora

(*) Chris Mayer est le rédacteur en chef de la lettre d’information Capital & Crisis, ainsi que du système de trading Crisis Point Trader. Ses analyses des problématiques financières ont été reprises maintes fois dans de nombreuses publications, et notamment dans le très réputé Grant’s Interest Rate Observer.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile