La Chronique Agora

La spécialité du Congrès US

** Si les marchés sont des guerres civiles entre les acheteurs et les vendeurs, et les prix les informations essentielles désignant les vainqueurs, nous devons absolument en savoir plus sur les vendeurs (combien sont-ils, et dans quelles proportions sont ils positionnés à découvert ?). Interdire les ventes à découvert n’améliore en rien la justesse de l’estimation. Cela ne fait qu’augmenter la volatilité. Mais c’est devenu évident ces deux derniers jours, vous ne croyez pas ?

– L’essentiel en ce moment, ce sont les cours. Et personne n’aime ce qu’ils disent actuellement. Tout le monde tente donc d’arrêter la chute. Les mesures contre les vendeurs à découvert ne sont qu’une tentative détournée de freiner la baisse du prix des actions. Mais il s’est passé une chose étrange. Les efforts pour contrôler les cours des actions ont entraîné une pénurie. Une pénurie d’acheteurs !

– Les investisseurs ne font plus confiance aux cours indiqués par les marchés. Plus personne ne croit que les marchés fonctionnent toujours comme des marchés… parce que ce n’est plus le cas. Une fois encore, comme les économistes nous l’ont déjà montré, le contrôle des prix provoque exactement l’effet inverse de celui qu’il est censé produire. Vous obtenez une pénurie, pas un surplus.

** Ces bons vieux Ben Bernanke et Hank Paulson ont rencontré un autre problème de prix à Washington. Ils sont allés au Congrès pour vendre leur plan de sauvetage de l’industrie financière, qui n’a pas su gérer le risque. Une grande partie de la discussion a dévié vers le prix que le fonds proposé pour le sauvetage du Trésor accepterait de payer pour les titres adossés aux actifs (principalement hypothécaires) qui sont confortablement installés au fond des entrailles du système financier mondial.

– Paulson et Bernanke affirment que le fonds (probablement géré par Goldman Sachs ou Morgan Stanley, contre rémunération, évidemment) ne devrait pas obtenir la mauvaise dette à bas prix.

– Mais forcer les banques à vendre à prix cassés n’améliore pas leur positon. Paulson et Bernanke ont donc avancé la théorie selon laquelle le contribuable devrait payer le "prix à maturité" pour les titres. Ce prix, comme vous vous en doutez, est bien plus élevé que le prix du marché.

– Certaines personnes aiment payer plus cher simplement parce qu’elles en ont les moyens. Cela leur donne le sentiment d’être riches, surtout si elles payent avec de l’argent qui ne leur appartient pas.

– Mais attendez. Quel est ce "prix à maturité" ? Personne ne le sait ! Paulson et Bernanke prétendent que beaucoup de prêts hypothécaires vont se remettre quand l’ouragan sera passé, et que les capitaux que les contribuables achètent aujourd’hui au "prix à maturité" pourraient devenir de bons investissements "à long terme", selon le proverbe.

– J’en ai des nausées.

– Voici ce qui, selon nous, va se passer. Le plan Paulson est lui aussi une tentative de contrôle des prix. Seulement ce plan consiste à évaluer les mauvais titres adossés à des actifs à un prix bien plus élevé que celui que estimé par le marché. Cela ne va pas entraîner de pénurie (comme c’est le cas avec le contrôle des prix de la Bourse). Cela va entraîner un surplus ! Comment est-ce possible ?

– Comme l’explique Thomas Sowell, "un prix fixé au dessus du niveau de l’économie de marché tend à créer plus d’offre que de demande, et à entraîner un surplus… mais on perd souvent de vue cet élément dans le tourbillon d’évènements plus complexes et de croyances politiques populaires".

– Traduction : si le plan Paulson offre un prix plus élevé que les prix du marché pour les actifs, les banques ont toutes les raisons de se débarrasser d’autant d’actifs qu’elles le peuvent. Elles augmentent l’offre à la vente d’actifs qu’elles considèrent comme étant les plus risqués. Et pourquoi pas ? Si quelqu’un vous paie pour vous débarrasser de vos plus gros risques, n’en profiteriez vous pas vous aussi ? Si vous pouviez échanger vos ordures contre de l’or, tout ce que vous possédez ne se transformerait-il pas soudain en ordures ?

– Un plan plus malin serait de geler sur plusieurs années l’évaluation des capitaux suspects et de les laisser sur les bilans des banques. Laissez les banques les garder sur leurs bilans, à la japonaise. Laissez-les dérouler les mauvaises dettes au fil du temps, plutôt que de vous retirer des affaires, ou de transférer tout ce fouillis sur le bilan de la Fed.

– Non pas que nous soyons pour cette solution. Et cela ne règlera certainement pas le "problème de fond". Les capitaux auxquels les titres sont liés, les maisons américaines, perdent leur valeur. Tout ce que nous pouvons dire, c’est qu’il n’est pas possible d’imposer un contrôle des prix et de les empêcher de chuter. Mais laissez du temps au Congrès. Ils vont bien avoir une idée stupide tôt ou tard. C’est leur spécialité.

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