▪ Quelle semaine, mais quelle semaine ! Figurera-t-elle dans les livres d’histoire d’ici quelques années ? La Chronique Agora du 3 octobre 2019 titrera-t-elle "10 ans après : un point sur l’effondrement du dollar" ? Vivons-nous un "octobre rouge pour le billet vert" ?
Je n’en sais rien ; s’il y a bien une chose que les derniers mois nous ont appris, c’est que rien ne se passe jamais tout à fait comme on l’avait prévu.
En attendant, voilà où en sont les choses. Le dollar a été bien malmené, pour toutes les raisons que nous évoquons quotidiennement dans la Chronique… mais aussi à cause d’une nouvelle bien précise annoncée plus tôt dans la semaine :
"Le quotidien anglais The Independent fait état de discussions avancées parmi les pays arabes producteurs de pétrole, mais aussi en Chine, en Russie, au Japon, au Brésil et en France afin de préparer l’enterrement de la cotation du baril en dollars", nous expliquait Philippe Béchade mercredi. "Il serait remplacé par un panier de devises comportant également le yuan (qui à ce jour demeure non convertible), sans oublier un pourcentage d’or à définir".
Une telle nouvelle a sans doute favorisé l’envolée de l’or au-delà des 1050 $ l’once — un nouveau record historique pour le métal jaune en termes nominaux.
Dan Denning, notre collègue en Australie, apporte quelques précisions :
"Dans ce rôle, l’or devient une couverture contre la dévaluation du dollar US. Ce n’est pas tant une couverture contre l’inflation qu’une manoeuvre pour protéger des actifs [le pétrole, en l’occurrence] contre un soudain effondrement du dollar".
"Certes", continue Dan, "dans notre monde occidental développé et routinier, les devises ne s’effondrent pas simplement du jour au lendemain. Elles s’érodent lentement. Et un jour, on s’aperçoit que le pouvoir d’achat n’est plus ce qu’il était".
"Sur les marchés émergents, en revanche, des économies invalides affligées de déséquilibres budgétaires colossaux connaissent effectivement des crises monétaires aiguës. L’économiste et contributeur du Financial Times Willem Buiter les appelle des ‘arrêts brutaux’. Il explique ensuite que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont désormais toutes les caractéristiques de telles économies invalides".
"Buiter écrit que ‘depuis août 2007, il ne manque aux Etats-Unis et à la Grande-Bretagne qu’un seul élément d’une crise classique de marché émergent : un ‘arrêt brutal’ — la cessation des flux de capitaux vers les secteurs privés et publics… Ces flux ne devraient pas être tenus pour acquis, même pour les Etats-Unis qui bénéficient pourtant d’une protection supplémentaire grâce au dollar et à son statut de devise de réserve mondiale. Un plan de relance massif annoncé par un gouvernement sans crédibilité budgétaire pourrait déclencher un tel ‘arrêt brutal’…"
"Un aspect important de ces ‘arrêts brutaux’", conclut enfin Dan, "est qu’il ne s’agit quasiment jamais d’événements auxquels ont aurait choisi de participer. Il le faut pourtant, sans quoi les événements monétaires noient votre portefeuille. Voilà pourquoi ces épisodes de l’histoire monétaire sont si chaotiques. Et voilà pourquoi — si nous entrons actuellement dans l’une de ces périodes (ou du moins une période extrêmement instable tandis que nous passons d’une devise de réserve unique à un panier de devises) — les marchés des actifs connaîtront une volatilité impressionnante".
Eh bien, c’est ainsi, cher lecteur : il vous faut vous préparer à la possible révolution monétaire qui s’annonce… ou bien être noyée par elle. Et même si elle ne se produit pas tout de suite, ou seulement de manière graduelle et plus ou moins "maîtrisée"… il n’en demeure pas moins que l’or est redevenu un acteur monétaire avec lequel il faut compter.
Meilleures salutations,
Françoise Garteiser
La Chronique Agora