La Chronique Agora

La reprise économique sera mise à mal par la fin de l'assouplissement quantitatif

▪ La reprise économique américaine compte plus de fêlures qu’un vase Ming tombé d’une cheminée.

D’une certaine façon, tous les acolytes de Bernanke sont parvenus à appliquer une couche assez épaisse de colle monétaire sur les morceaux cassés de notre économie pour les maintenir ensemble. Mais cette économie rafistolée ne ressemble guère à celle d’origine. Le vase Ming est à présent une céramique de Picasso.

S’il est vrai que quelques chiffres économiques de « premier plan » — comme la croissance du PIB et la production industrielle — sont des signes clairs de reprise, bon nombre d’autres données sont dans le rouge. Au final, cette reprise est suspecte. En outre, chaque redémarrage économique semble coïncider avec une hausse de l’inflation.

L’assouplissement quantitatif a certainement stimulé certaines facettes de l’économie américaine mais elle a également stimulé la spéculation sur les marchés financiers et libéré une dangereuse tendance inflationniste… Et ceci n’est sans doute pas une bonne chose. Historiquement, l’inflation a toujours été l’ennemie à la fois de la croissance économique et de la croissance des marchés actions.

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Nous, nous croyons que l’histoire se répète.

« L’événement le plus important, peut-être, contre lequel le marché boursier devra lutter est la fin de l’assouplissement quantitatif », observe David Rosenberg, chef économiste et stratégiste chez Glusken Sheff. « [Il y a eu] une corrélation de 86% ces deux dernières années entre les mouvements dans le bilan de la Fed et la direction du S&P 500. Tout cela se retournera bientôt contre elle »…

En d’autres termes, lorsque les programmes d’assouplissement quantitatif de Bernanke toucheront inévitablement à leur fin, le président de la Réserve Fédérale devra fermer les vannes de la liquidité qui a alimenté les profits du marché boursier. Le bilan de la Fed se contractera… et le cours des actions fera probablement de même.

▪ Entre-temps, dehors, dans le monde réel, les campagnes d’assouplissement quantitatif de Bernanke produisent déjà le genre de phénomènes économiques qui ont tendance à saper la croissance économique… et la hausse des marchés boursiers.

« La Fed souhaite également avoir de l’inflation », remarque Rosenberg, « et pourtant lorsqu’on voit Kimberly-Clark, P&G et Colgate-Palmolive qui annoncent tous une augmentation de leurs prix, on se demande jusqu’à quel point la politique de la Banque centrale a réussi à aider les foyers qui va devoir faire face non seulement à une hausse des prix de la nourriture et de l’énergie mais également d’autres articles ménagers comme les couches de bébé, les mouchoirs en papier, le savon, le dentifrice et les bains de bouche. Est-ce là le genre d’inflation qui est réellement souhaitable ? »

Entre-temps, les revenus n’augmentent pas du tout, ce qui signifie que M. et Mme Tout-le-Monde ressentent immédiatement et pleinement les effets de l’inflation. En février, le même mois où les prix à la consommation ont grimpé de 0,5%, le salaire hebdomadaire moyen n’a pas du tout augmenté. Autrement dit, comme l’explique Rosenberg, « le revenu lié au travail [corrigé de l’inflation] a baissé de 0,5% et connaît maintenant une déflation… en cinq des six derniers mois, au cours desquels il s’est contracté à un taux annuel de 2,3% »…

« Il existe une corrélation inversée historique bien définie entre les anticipations d’inflation des ménages et la direction de la confiance des consommateurs », continue Rosenberg. « Par conséquent, ce n’est pas une simple coïncidence que dans le même mois où les attentes d’inflation ont grimpé rapidement à des plus hauts de deux ans presque, la confiance des consommateurs, en particulier ceux à faibles revenus, soit retombée aux niveaux très bas enregistrés lors de l’hiver du mécontentement de 2009. Alors que l’enquête menée par l’université du Michigan sur le sentiment des consommateurs pour le mois de mars révélait une forte chute, passant de 77,5 en février à 68,2 en mars — un plus bas depuis cinq mois — le sous-indice pour les ménages à faibles revenus plongeait de 71,1 à 60,7. La dernière fois qu’un tel plus bas avait été atteint, c’était en mars 2009 alors qu’on était au plus fort de la récession ».

Rosenberg conclut : « finalement, si l’on examine les données du secteur immobilier et si l’on comprend l’importance de ce secteur à tirer la croissance de l’ensemble de l’économie étant donné tous les énormes effets multiplicateurs, il est difficile de croire que nous pouvons finir par connaître plus qu’une reprise au cours de périodes où le stimulus du gouvernement est faible. Les mises en chantier de logements neufs se sont effondrées à un étonnant taux annuel de 95% en février (oui, vous lisez bien) pour n’être qu’à 479 000 en taux annuel. C’est le deuxième plus bas enregistré et le plus bas depuis que l’économie a touché le fond en avril 2009. Normalement, les mises en chantier sont en hausse de 34% depuis le moment où la récession a pris fin jusqu’au 20e mois de l’expansion (où nous nous trouvons actuellement) — et non en baisse de 18%, comme c’est le cas actuellement. En fait, jamais auparavant les mises en chantier n’ont été négatives à ce point au cours d’une reprise, sans parler d’une baisse énorme de 18% depuis la fin de la récession… Le fait que les permis de construire, qui débutent les chantiers, ont plongé de 8,2% après cette dramatique chute de 10,2% en janvier suggère qu’un redressement n’est pas encore en vue, malheureusement »…

Naturellement, cette nouvelle n’est pas catastrophique. Mais elle est assez mauvaise pour donner à un marché boursier haussier une raison de faire une pause… et elle est certainement assez mauvaise pour donner une raison aux détenteurs de dollars de posséder moins de dollars.

 
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