La Chronique Agora

La récréation boursière sous azote doit continuer… foi de "Big Ben"

 

▪ Ah ah ah ! Nous lisons dans les pensées de « Big Ben » Bernanke… Souvenez-vous de la conclusion de notre chronique de mercredi  : « [les investisseurs] comptent toujours sur Mister Big Ben pour leur ménager encore six mois de récréation sous azote et leur permettre de rêver à un bouquet final — avant que la psychologie du marché passe en mode dépression ».

Le patron de la Fed a vu le moral des troupes décliner depuis un mois et les indices piquer du nez à la moindre mauvaise nouvelle. Il s’est donc empressé de remettre les pendules à l’heure (d’où ce surnom de « Big Ben », parce qu’avec lui, c’est toujours l’heure pour ses potes de Wall Street d’aller chercher du cash gratuit auprès de la Fed !) en réaffirmant que les taux resteront bas pour « une période de temps très étendue ».

Pour bien illustrer son propos, il invoque des usines qui tournent au ralenti, une inflation maîtrisée. Il mentionne aussi une reprise fragile qui n’est pas encore autonome (« notoirement incapable de s’auto-entretenir », pour rester plus fidèle au texte original) et devra être soutenue par des moyens monétaires appropriés et une politique monétaire non restrictive.

La récréation sous azote va donc pouvoir se poursuivre… même si une reprise graduelle des liquidités peut se dérouler lorsque les conditions le permettront.

Mais inviter les passagers des premières à s’enivrer jusqu’à rouler sous les tables de jeu n’empêchera pas le Titanic de sombrer !

▪ Je sais ce que vous pensez : il va nous ressortir la vieille tirade des pertes cachées qui sont comme la déchirure dans la coque du navire provoquée par l’iceberg géant des créances titrisées.

Que nenni ! Il ne s’agit pas de vous resservir tout à trac un plat de vieilles dettes faisandées — nous savons que l’épaisseur de moisissures augmente chaque jour et chaque semaine, pas la peine de le ressortir tous les 25 du mois pour savoir que son aspect est de plus en plus repoussant… Non, nous ne faisons que rendre compte du dernier communiqué de la FDIC, qui traite effectivement — à sa manière — de cette douloureuse question.

La FDIC estime désormais que 702 banques sur les 8 000 qu’elle supervise (et assure en cas de difficulté) sont susceptibles de faire faillite. C’est un chiffre 30% supérieur aux 552 banques en difficulté identifiées fin septembre 2009… et 70% plus élevé que les 416 repérées fin juin 2009. Il ne fait pas de doute, pour répondre aux questions de nombreux lecteurs transmises par courriel, que la normalisation est en marche (c’est du second degré naturellement !).

Les actifs à problème sont désormais estimés à 402,8 milliards de dollars contre 346 milliards au terme du troisième trimestre. Cela va obliger la FDIC à rechercher de nouveaux financements.

L’essentiel des pertes (660 milliards de dollars de dettes classées junk, soit 10 affaires Madoff) devrait se matérialiser dans le secteur de l’immobilier commercial — ce n’est pas un scoop !

Mais nous pensons que les prêts aux particuliers de type « Alt-A » (à mensualités révisables) pourraient générer des pertes dépassant celles déjà constatées sur les subprime. Plus de 25% des emprunteurs ont vu la valeur hypothécaire de leurs biens chuter sous le montant à rembourser — et 40% des dossiers sont déjà jugés suspects, à cause d’incidents ou de situation avérée de défaut de paiement.

Vous connaissez par coeur ce piège des prêts « aménagés » qui aboutissent au gonflement des intérêts au fil des mois — de telle sorte qu’au bout de trois à cinq ans, le cumul « principal + intérêts courus » se révèle supérieur à l’enveloppe initiale.

L’encours de cette arnaque pyramidale atteint les 1 300 milliards de dollars, ce qui correspond à une vingtaine de Madoff, selon une étude de Fitch Rating. Ladite arnaque reposait sur l’anticipation d’une hausse perpétuelle des prix immobiliers permettant une revente avec plus-value avant l’échéance du réajustement de taux.

Elle a piégé des dizaines de millions de ménages séduits par le mot d’ordre des années Bush : « tous propriétaires » (d’un Himalaya de dettes ?)… Les banques et agences hypothécaires américaines en détiennent l’équivalent de 900 milliards de dollars, soit 14 Madoff.

▪ Et il ne faut pas compter sur une « embellie miracle » du secteur immobilier, comme le démontre la rechute de 11,2% des ventes de maisons neuves aux Etats-Unis en janvier. Le rythme des transactions est le plus bas observé depuis 1983 et les stocks d’invendus augmentent de 0,4%.

Ils représentent 9,4 mois de délais d’écoulement pour les promoteurs pris à la gorge et contraints de se refinancer auprès de banques de plus en plus frileuses… et qui constatent que le prix de vente moyen a reculé de -2,4% en 2009.

Soutenu par les mauvais chiffres américains, l’euro s’est ressaisi un peu mercredi après-midi (+0,5%). Il a cependant nettement reperdu du terrain en début de soirée, à 1,3545 $. Après la Grèce en quête de refinancement (et en grève générale ce mercredi), les cambistes se demandent plus que jamais : « et maintenant, à qui le tour ? ». Notre favorite demeure d’ailleurs l’Espagne.

Le pétrole a profité de rachats techniques pour rebondir de 1% à 79,5 $. Les stocks de pétrole brut ont augmenté de 3,03 millions de barils la semaine dernière aux Etats-Unis, alors que les stocks d’essence ont diminué de 895 000 barils.

▪ Wall Street a favorablement réagi aux propos de Big Ben ; les indices américains ont rapidement affiché une hausse de 0,9% à 1,1%, ce qui effaçait intégralement les pertes de la veille. Le CAC 40, en revanche, est péniblement ressorti de la zone rouge après avoir fléchi jusque sur 3 683 points (-0,65%… soit -2% en 48 heures).

Au final, l’embellie atteint à grand-peine +0,23% à Paris, +0,2% à Francfort, +0,15% sur l’Euro-Stoxx 50. La Bourse de Madrid, de son côté, chutait de 0,6%, entraînée par le secteur bancaire espagnol, craignant de voir leur notation dégradée — une mésaventure dont avaient été victimes les quatre principales banques grecques la veille.

Et une nouvelle fois, nous constatons que les volumes d’échanges sur les actions se sont avérés inférieurs de 15% d’une séance (négative) à l’autre (rebond technique), ce qui conforte notre conviction de l’établissement d’un biais baissier sur les indices depuis la mi-janvier.

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