Aujourd’hui, nous revenons sur le fait que nous avons annoncé l’arrivée de la fin "officielle" de la récession… en déclarant qu’une récession en "double creux" est en route.
Un des "signes" de ce double creux : les chiffres catastrophiques de l’investissement dans le secteur privé. Nous vous en avons déjà parlé il y a quelques jours, mais ça vaut le coup d’y revenir. La "croissance" du PIB US enregistrée depuis juin 2009 est presque entièrement due à une augmentation des dépenses du gouvernement — principalement sous la forme de paiements de transfert.
Pendant ce temps, l’investissement intérieur brut dans le secteur privé américain a chuté ; il est passé de 17,3% du PIB au début de la récession à 11,3% l’année dernière. Pire encore, la majeure partie de ces chiffres est dévolue à la réparation et à l’entretien de sites et équipements existants… et à leur croissance.
L’investissement dans de nouveaux sites et équipements constituait à peine 40% de l’investissement intérieur brut dans le secteur privé au début de la récession. L’année dernière, ce n’était plus que 3,5%.
Le capital est en grève. Que se passe-t-il ?
▪ "Les dirigeants ne cessent de parler des grandes quantités de liquidités figurant au bilan des entreprises", rouspétait Dan Amoss l’autre jour. "Mais en quoi est-ce bénéfique à la valeur actionnariale ? Depuis quand les grandes entreprises font-elles des choses intelligentes avec leurs liquidités ?"
"La plupart du temps, elles ne font rien de bien. Elles paient trop cher leurs rachats d’actions et leurs acquisitions".
Et paient beaucoup trop cher les bougres qui prennent ces décisions.
A point nommé, Standard & Poor’s annonce que les entreprises du S&P 500 ont augmenté leurs rachats d’actions au cours du deuxième trimestre, de 221% par rapport à l’année dernière — c’est le quatrième trimestre consécutif d’augmentation des rachats. 257 des entreprises de cet indice — plus de la moitié, donc — ont pris part aux programmes de rachat pendant le deuxième trimestre.
"Aucun P.D-G ne veut prendre le risque d’engager du capital de façon agressive quand les cibles d’acquisitions sont aussi bon marché", suppose Dan. Toujours à point nommé, on a aussi vu une floraison des annonces de rachats…
- Wal-Mart propose 4,3 milliards de dollars pour le Sud Africain Massmart
- Le conglomérat anglo-néerlandais Unilever rachète Alberto-Culver, le fabricant de cosmétiques, pour 3,7 milliards de dollars
- Southwest Airlines va débourser plus de 1,4 milliard de dollars pour acheter AirTran
"L’énorme solde de liquide des entreprises n’est pas le signe d’une économie saine", affirme Dan. "Les entreprises qui amassent des liquidités ne se développent pas. Si elles ne se développent pas, elles ne vont pas embaucher de nouveaux employés".
"Le fait que le Congrès US ait rendu l’embauche plus onéreuse avec la loi sur la couverture santé et autres décisions bureaucratiques n’aide pas non plus. Si on les compare avec la montagne de dettes et autres éléments de passif — à la fois sur les bilans et hors bilan — les liquidités détenues par les entreprises ne sont pas très impressionnantes".
▪ Un autre élément indique que nous avons déjà entamé une seconde récession : la masse monétaire M3.
Le M3 est la mesure monétaire la plus large possible pour évaluer la quantité d’argent présente dans le système : les liquidités, les comptes épargne, les fonds de marchés monétaires, etc. La Réserve fédérale a cessé de se servir du M3 en 2006, parce qu’elle le trouvait inutile.
Cependant, John Williams de Shadowstats.com, a continué à suivre le M3, et a ainsi pu récolter facilement les données nécessaires à ses pronostics :
"Une hausse du M3 n’est pas forcément le signe d’un retournement économique positif", déclare Williams. "Pourtant, quand la croissance annuelle du M3 s’est révélée négative, une récession a toujours suivi, généralement dans les six à neuf mois".
Le M3 a amorcé une chute en décembre 2009. Combien de temps s’est écoulé depuis ? Oh, à peu près neuf mois.
"La faiblesse actuelle", déclare John, "va peut-être enfin être reconnue de façon officielle en tant que deuxième phase d’une récession en double creux".
Alan Greenspan déclarait vendredi dernier, d’un air presque lucide : "nous sommes désormais à un stade où, en dehors de la Deuxième Guerre mondiale, nous sommes selon moi dans la pire relation possible entre la capacité d’emprunt et la dette depuis 1791…"
"Nous ne savons pas, à ce stade, pourquoi ni comment les marchés répondent à ce genre de… cette catégorie d’événements. Et je pense que nous prenons un risque énorme… En 1979, par exemple, tout le monde s’attendait à subir une petite inflation, mais sans que ce soit un réel problème".
"En très peu de temps, les marchés obligataires se sont effondrés. Les taux d’intérêt ont grimpé. Les taux d’hypothèques ont atteint des niveaux record. L’économie a subi une dépression sérieuse. J’ai dit dépression, mais je voulais parler d’une récession".
"Mon problème, en quelques mots, c’est que les économistes ne peuvent pas faire ces prévisions".
C’est donc une bonne chose que nous ne soyons pas des économistes, n’est-ce pas ?