La Chronique Agora

La récession n'est pas cyclique, mais structurelle

** Rappelez-vous notre dicton : la force d’une correction est égale et opposée à la tromperie qui l’a précédée. Alors que nous surveillions les absurdes hallucinations, illusions et mensonges des années de Bulle — oh, ces jours heureux — nous avertissions que la correction à venir serait du nanan.

* C’est du nanan.

* "Du nanan", c’est un terme technique utilisé par nous autres les économistes. "Dépression", c’est comme ça que l’appelle l’homme de la rue. "Le pire ralentissement depuis 50 ans", titrait le Financial Times le week-end dernier.

* "Les données révèlent que la récession est pire qu’on le craignait".

* Et elle ne pèse pas encore de tout son poids sur l’économie. Une correction prend du temps… surtout quand la récession n’est pas uniquement cyclique, mais structurelle. Toute la structure de l’économie mondiale est en train d’être remaniée. Le système bancaire est insolvable. Des milliers d’entreprises sont ruinées. Des millions de ménages sont surendettés. Le chômage atteint des dizaines de millions de personnes aux Etats-Unis et pourrait atteindre les 100 millions de par le monde.

* "L’un des ralentissements les plus sévères de ces dernières générations", déclarait Alistair Darling, chancelier du Royaume-Uni.

* Le ralentissement sera difficile pour presque tout le monde, presque partout. Les Français doivent apprendre à vivre avec moins de touristes chez eux et moins de bouteilles de champagne exportées à l’étranger. Les Anglais doivent apprendre à vivre avec moins de revenus des services financiers. Les Chinois — et les Asiatiques en général — doivent trouver quoi faire avec toutes ces télés que les Américains n’achètent plus. Les Arabes se demandent quoi faire de tout leur pétrole.

* Les Américains, pendant ce temps, doivent trouver comment se débrouiller dans un monde où les étrangers ne sont plus aussi gentils. Rappelez-vous ce qui faisait tourner le monde ce dernier quart de siècle. Les gentils étrangers fabriquaient des choses et les expédiaient aux Américains. Les Américains les payaient avec des reconnaissances de dette. Les étrangers étaient si accommodants qu’ils ne demandaient jamais de paiement ; les reconnaissances de dette s’accumulaient dans leurs coffres.

* Tout cela doit prendre fin. Le commerce s’effondre. Désormais, c’est chacun pour soi. Sauve qui peut. Les Américains n’achètent pas. Les Chinois ne vendent pas. Pour l’instant, les étrangers sont encore gentils au sujet des reconnaissances de dettes des Etats-Unis. Ils gardent poliment leurs bons du Trésor américain et n’insistent pas pour qu’on les rembourse. Mais ils ont clairement fait comprendre qu’ils ne cherchent pas exactement à en acquérir plus… pas quand la valeur du nantissement américain chute si sévèrement. Ils ont également fait comprendre que si les Etats-Unis laissent encore chuter la valeur de ces reconnaissances de dettes, ils n’en seront pas très heureux.

* Nous nous demandons si nous ne devrions pas ajouter un corollaire à notre maxime :

* Oui, la force d’une correction est égale et opposée à la tromperie qui l’a précédée. Et les mesures prises pour mettre fin à la correction seront tout aussi absurdes que les idées cinglées qui ont mis l’économie dans le pétrin pour commencer.

* Nous ne savons pas si cette idée nous sert à quoi que ce soit. Mais elle montre simplement que le spectacle n’est pas terminé. Une hallucination a peut-être pris fin, mais il en reste plein d’autres. Et elles aussi ont des conséquences.

* Ce que le monde attend de voir, c’est combien de temps ces conséquences mettront à se révéler. Personne ne doute, dans l’ensemble, de ce que seront ces conséquences. Les gouvernements font de leur mieux pour créer de l’inflation. Tôt ou tard, ils vont y arriver. Mais quand ? Comment ?

* C’est bien le problème… personne ne le sait. La dépression vide les prix de toute substance. Des milliers de milliards de pouvoir d’achat nominal ont disparu. Des employés ont été licenciés par millions. Il y a trop de Starbucks… trop de centres commerciaux… trop d’usines. Toutes ces choses pèsent sur les prix… alors même que les autorités gonflent la masse monétaire. Où se produira le retournement ? Quand les prix vont-ils cesser de baisser et commencer à grimper ?

* Personne ne le sait…

** Nous sommes de retour au Nicaragua — pour la première fois depuis trois ans. Les enfants sont en vacances d’hiver. Mais nous n’avons plus qu’un seul enfant avec nous — Edward, 15 ans. Tous les autres ne sont plus des enfants. Ils sont à l’université… ou ils travaillent.

* Même Elizabeth est à l’université. Elle étudie à la Sorbonne et ne peut pas nous rejoindre avant la semaine prochaine. Jusque-là, ce n’est que nous… la mer… le soleil… les tropiques… et tout ce qui va avec.

* En ce moment, nous sommes assis sur la véranda du club-house du Rancho Santana. Le soleil est haut au-dessus de l’océan… la brise marine rafraîchit l’air… les palmiers ondulent… les vagues s’abattent sur le rivage, culbutant les surfeurs.

* Et vous, cher lecteur, ça va ?

** "Qu’est-ce que c’est que ça ?" a demandé Edward, en montrant un animal étrange ressemblant à un cafard géant.

* "C’est une bestiole", répondit son père, le naturaliste.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile